Dans une lueur d'espoir, des réfugiés des Grands Lacs rentrent chez eux
Dans une lueur d'espoir, des réfugiés des Grands Lacs rentrent chez eux
KINSHASA, le 6 janvier (UNHCR) - Quelques femmes discutent avec animation au point de rassemblement Kiliba de l'UNHCR, situé au nord d'Ouvira, en République démocratique du Congo (RDC), dans la province du Sud-Kivu. « J'ai reçu une lettre de membres de ma famille qui sont rentrés chez eux. Ils disent que la situation s'est améliorée », affirme l'une d'elles. « Maintenant je veux rentrer. »
Ces femmes sont des réfugiées rwandaises qui songent à rentrer vers leurs maisons sur les « collines » du Rwanda, après plus de 10 ans d'exil dans les épaisses forêts de la province du Kivu, dans l'est de la RDC. A quelques kilomètres au sud de là, à Ouvira, et jusqu'à Baraka, les habitants s'habituent à ces rencontres pleines d'émotion entre Congolais rentrant des camps de Tanzanie, et tout particulièrement près des centres de transit installés par l'UNHCR, pleins d'animation.
En 2005, la RDC a été le théâtre de mouvements de retour de réfugiés, traversant de part en part les frontières du pays pour rentrer chez eux. Alors que plus de 46 000 réfugiés congolais sont rentrés de Tanzanie et de République centrafricaine en RDC en 2005, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés a aidé près de 9 000 Angolais, 238 Burundais et presque 7 000 réfugiés rwandais à partir de DRC pour rentrer chez eux, après de longues années d'exil.
« La guerre est terminée », explique un ancien réfugié, Vandamu Kamu, rentré en décembre 2005 de Tanzanie à Baraka, en RDC, sur le ferry MV Mwongozo utilisé par l'UNHCR dans le cadre de son opération de rapatriement. « Après des années laissées à l'abandon, les terres sont couvertes de végétation ; il va nous falloir travailler dur », promet-il.
Malgré tous ces défis à relever, y compris la destruction des infrastructures par la guerre et la présence de groupes de miliciens rebelles, la province du Sud-Kivu est devenue le lieu du dénouement de la longue crise humanitaire qui a frappé la région des Grands Lacs.
Durant plus d'une décennie, les habitants du Kivu ont été les témoins des multiples convulsions de l'histoire. Suite au génocide rwandais de 1994, plus d'un million de Rwandais y ont fui, l'UNHCR installant des camps d'une ampleur sans précédent dans la province. Deux ans plus tard, fuyant les attaques des forces gouvernementales rwandaises, un flot de réfugiés reprenait la route pour rentrer chez eux, tandis qu'une partie d'entre eux s'enfuyait dans les épaisses forêts du Kivu.
Certains d'entre eux, comme ces femmes au point de rassemblement de Kiliba, viennent juste de sortir de leur cachette pour rentrer chez eux. Depuis 2000, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés a eu accès à ces réfugiés rwandais cachés dans les forêts grâce à un système de points de rassemblement dans des endroits reculés, où ils pouvaient recevoir des vêtements, des repas chauds et un transport pour rentrer chez eux.
Au cours des cinq dernières années, près de 81 000 réfugiés rwandais ont quitté l'est de la RDC pour rentrer au Rwanda avec l'aide de l'UNHCR, parmi lesquels 7 000 en 2005. Cette opération se poursuivra en 2006 pour atteindre les 50 000 réfugiés rwandais supposés encore se trouver dans les forêts du Kivu.
Pendant ce temps, au Sud-Kivu, Yoali Mwanuke, qui était encore récemment une réfugiée congolaise en Tanzanie, rentrée chez elle il y a deux mois, tient avec aplomb sur sa tête un paquet de nourriture enveloppé dans une pièce de tissu coloré et partage son enthousiasme au sujet de l'avenir de sa province.
« Mon retour apportera des changements dans mon pays », dit-elle. « Je vais travailler pour la paix et le développement de l'agriculture à Baraka. »
Elle fait partie des quelque 300 000 réfugiés congolais qui ont fui le violent conflit survenu dans l'est de la RDC entre 1997 et 1999. Un calme relatif est revenu dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu avec la signature du cessez-le-feu de Lusaka en 1999 et le déploiement des forces de maintien de la paix des Nations Unies, la MONUC, malgré la persistance de quelques conflits au niveau local.
« En effet, la sécurité s'est améliorée lorsqu'il a été demandé aux groupes étrangers armés de rentrer dans leurs pays », explique Kemal Saiki, porte-parole de la MONUC. « En même temps, nous pouvons voir à travers les retours toujours plus nombreux de réfugiés que la confiance dans la normalisation de la situation en RDC va en augmentant - avec l'enregistrement de 25 millions d'électeurs, dont un nombre important d'anciens réfugiés qui sont revenus spécialement pour s'inscrire sur les listes électorales », ajoute-t-il.
L'UNHCR a commencé à organiser les retours de réfugiés depuis la Tanzanie vers les territoires de Fizi et d'Ouvira en RDC en octobre 2005, après que les réfugiés aient commencé à rentrer par leurs propres moyens, en traversant le lac Tanganyika dans des embarcations de fortune.
« La décision de commencer l'organisation des mouvements de retour d'un pays à l'autre a été prise en premier lieu car il fallait canaliser les retours et réduire les risques pris par les réfugiés embarquant sur des bateaux en bois d'une sécurité douteuse pour traverser le lac Tanganyika, le lac le plus profond en Afrique », explique Eusebe Hounsokou, le délégué de l'UNHCR en RDC.
Plus de 18 000 réfugiés sont revenus par leurs propres moyens vers le Sud-Kivu depuis octobre 2004. L'UNHCR a tout d'abord réagi par la mise en place de centres de transit, pour enregistrer les rapatriés et fournir une assistance de base et le transport dans le Sud-Kivu. Quand les conditions générales se sont significativement améliorées vers la fin 2005, les mouvements de retour organisé ont commencé. Le MV Mwongozo, un solide ferry affrété spécialement pour l'opération de rapatriement, a depuis transporté en toute sécurité 6 303 réfugiés congolais rentrés chez eux.
Il est prévu que les départs du MV Mwongozo continuent deux fois par semaine dans les mois à venir permettant, par semaine, à près de 1 000 réfugiés de finalement retourner dans leur pays.
Mais la région de retour est désespérément pauvre et les autorités locales ont réclamé des services de base comme de l'eau potable, des centres de santé et des écoles ainsi que davantage d'aide au développement pour aider les communautés, y compris les rapatriés, à revivre et à prospérer.
« Comme la RDC dans son ensemble s'avance vers la conclusion du processus de transition avec les élections démocratiques en 2006, la province du Sud-Kivu est à la croisée des chemins », rajoute Eusebe Hounsokou. « En dépit de son histoire et de problèmes persistants, la province est le témoin de la fin des déplacements forcés pour des milliers de réfugiés et de déplacés internes. L'année à venir sera décisive, et l'UNHCR surveillera de près la situation et adaptera les programmes de rapatriement si besoin est. »
Par Jens Hesemann, En RDC