Des demandeurs d'asile tchadiens fuyant les violences affluent par milliers en République centrafricaine
Des demandeurs d'asile tchadiens fuyant les violences affluent par milliers en République centrafricaine
Alain Ndoubayo, 45 ans, attend impatiemment dans un centre de distribution de vivres à Betoko, dans le nord-ouest de la République centrafricaine (RCA). Il a fui le Tchad à la mi-mai après une altercation avec des éleveurs au cours de laquelle il a perdu trois doigts de la main gauche.
"J'avais toutes mes récoltes et mes stocks de mil dans mon champ, et les éleveurs ont amené leur bétail, qui a tout mangé. Lorsque j'ai protesté, l'un d'eux a sorti sa machette et a voulu me frapper avec sur la tête. J'ai essayé de me protéger avec ma main, mais j'ai eu les doigts coupés", raconte ce père de 11 enfants.
Alain a ajouté qu'un autre éleveur a essayé de lui trancher la gorge, mais la machette a atterri sur sa poitrine et il est tombé par terre. Ses agresseurs sont restés un moment à l'observer, mais comme il ne bougeait pas, ils l'ont cru mort et l'ont abandonné sur place. "J'ai quitté mon village le jour même, c'était le 14 mai, au milieu de la nuit. C'est ainsi que nous sommes partis et avons passé la nuit au bord du fleuve. A l'aube, une pirogue nous a fait traverser".
Alain fait partie des 32 000 demandeurs d'asile tchadiens fuyant les conflits intercommunautaires, notamment liés à la transhumance, qui depuis quelques mois ont été enregistrés en République centrafricaine.
Des milliers parmi ces personnes sont dispersées dans plus de cinquante villages sans abri adéquat. Pour les accueillir, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés et le gouvernement ont mis en place une extension de 150 hectares du village de Betoko (à 45 km de Paoua), qui abritera à terme 10 000 personnes.
La République centrafricaine est confrontée à une succession de crises dues à l'instabilité politique, à des décennies de conflits, à l'insécurité et à l'impact du changement climatique.
"Je suis venu avec mes enfants, car ma femme a été tuée au moment du conflit", explique Joachim Mbaindoh, qui a fui un petit village situé à la frontière tchadienne. "Ce qui nous a vraiment poussés à partir, c'est que les éleveurs sont allés bloquer les gens dans une église, ils les ont tués ainsi qu'un pasteur. Nous avons donc pensé qu'il valait mieux partir parce que si nous restions, nous risquions de perdre la vie, alors nous avons fui à travers la brousse jusqu'à ce que nous arrivions ici en République centrafricaine."
Le HCR travaille avec ses partenaires et les autorités locales pour fournir une assistance vitale, sous forme d’abris, d’accès a l'eau, de nourriture et de soins de santé, mais les besoins sont énormes.
"Nous avons construit 187 abris sur l'extension de Betoko, alors que nous avons besoin d'environ 2 000 abris. Je profite donc de l'occasion pour faire appel à la générosité de tous pour pouvoir accueillir les 10 000 personnes attendues sur ce site, et continuer à soutenir ceux qui resteront dans les villages d'accueil, pour une raison ou une autre. Tout le monde ne pourra pas être relogé en même temps. Il y aura encore environ 25 000 à 26 000 personnes qui resteront dans les villages d'accueil", explique Ibrahim Peghouma, Administrateur Principal de Terrain pour le HCR a Paoua.
Alain, qui se remet encore du traumatisme de l'attaque qui l'a forcé à fuir, dit qu'il dort à peine la nuit et que son handicap l'empêche de subvenir aux besoins de sa famille et d'être aussi actif qu'il l'était auparavant. "Je ne peux plus faire les travaux des champs, ni même laver mes vêtements, ma femme fait presque tout pour moi maintenant", a-t-il déclaré.
Mais il reste optimiste quant à l'avenir de ses enfants et espère les scolariser pour que "cela les aide demain".
Joachim Mbaindoh espère également reprendre son activité d'agriculteur et se reconstruire en attendant que la paix revienne dans son pays.
"Je veux qu'on m'aide à reprendre mon activité comme je le faisais au Tchad. J'avais du bétail pour labourer mes terres, j'étais commerçant et mes enfants allaient à l'école. Je veux vivre ici avec ma famille".