Ruud Lubbers ouvre la réunion annuelle du Comité Exécutif du HCR
Ruud Lubbers ouvre la réunion annuelle du Comité Exécutif du HCR
Genève, le 30 septembre 2002
Le Haut Commissaire Ruud Lubbers a exposé, lundi, les grandes lignes de sa vision d'un Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pleinement efficace et réellement multilatéral, doté de tous les instruments lui permettant de répondre aux nouveaux défis que représente, dans un monde en constante évolution, la protection des réfugiés.
Ouvrant la 53e session annuelle du Comité exécutif du programme du HCR, M. Lubbers a déclaré que les Consultations mondiales sur la protection internationale, récemment conclues au terme de 18 mois de débats, avaient abouti en un remarquable projet pour l'avenir - « l'Ordre du jour pour la protection. » Cet Ordre du jour, qui devrait être adopté durant les cinq jours de réunion des 61 nations membres du Comité exécutif, énonce des objectifs et des buts clairs et précis et comporte une liste d'activités spécifiques visant à améliorer, dans les années à venir, la protection des réfugiés et des demandeurs d'asile dans le monde entier.
Enumérant les trois thèmes principaux de l'Ordre du jour, soit une meilleure protection des réfugiés, davantage de solutions durables et un plus grand partage des responsabilités au sein de la communauté internationale, M. Lubbers a déclaré qu'il était « grand temps d'agir. »
« Mais le travail de protection nécessite aujourd'hui de nouveaux instruments ainsi que de nouveaux engagements multilatéraux pour garantir le partage des responsabilités et la mise en place de solutions durables », a-t-il ajouté. « Cela exige de nouvelles stratégies, une nouvelle manière de penser ainsi que de nouveaux partenariats. Nous devons à présent mettre à profit le processus des Consultations mondiales en renforçant la coopération internationale et le partage des responsabilités » a souligné le Haut Commissaire.
Tout en saluant le soutien à la Convention de 1951 sur les réfugiés - la clé de voûte de la protection internationale des réfugiés - reçu des gouvernements en décembre dernier, M. Lubbers a toutefois précisé qu'il était devenu clair que la Convention à elle seule ne suffisait plus.
« Ce dont nous avons besoin, c'est d'une nouvelle approche, que j'appelle 'Convention Plus' », a précisé M. Lubbers. « J'entends par cela le fait de compléter la Convention dans des secteurs qu'elle ne couvre pas de manière adéquate. »
M. Lubbers a évoqué certains de ces secteurs qui pourraient être couverts par l'approche de la Convention Plus, avec la participation de pays tant du Nord que du Sud qui, ensemble, pourraient oeuvrer à la recherche de solutions durables pour les réfugiés.
« Cela implique des plans d'action en cas d'afflux massifs », a-t-il indiqué, ainsi que des accords sur les 'déplacements secondaires', la définition des rôles et des responsabilités des pays d'origine, de transit et de destination finale des demandeurs d'asile. « Cela signifie aussi mieux cibler l'aide au développement dans les régions d'origine, aider les pays d'accueil des réfugiés à faciliter l'intégration locale, et améliorer la réintégration après un conflit. Cela signifie enfin des engagements multilatéraux en matière de réinstallation. »
M. Lubbers a également présenté aux membres du Comité exécutif le compte rendu du travail d'une petite équipe du HCR qui passe en revue la capacité de l'agence à remplir sa mission tout en étudiant de nouvelles possibilités en vue de renforcer son caractère multilatéral.
« Afin d'être une institution réellement multilatérale, le HCR a également besoin d'une assise financière plus solide pour pouvoir répondre de manière efficace aux demandes de la communauté internationale », a souligné le Haut Commissaire. « Nous parlons sans cesse de prévisibilité (en matière de financement). Mais comment accomplir des progrès dans ce sens -
M. Lubbers a souligné qu'il « ne pouvait pas accepter que le Comité exécutif dans son ensemble continue de ne pas financer le budget qu'il approuve chaque année. » Actuellement, a-t-il indiqué, le HCR se trouve face à un déficit budgétaire d'environ 80 millions de dollars pour le budget de son programme annuel de 2002, dont quelque 25 millions de projections initiales qui n'ont pas été couvertes. Alors qu'il entre dans son quatrième trimestre, le HCR va maintenant être « contraint de prendre des mesures supplémentaires » et de « procéder à diverses coupes budgétaires qui, couplées à de précédentes compressions au cours de cette année, auront encore des répercussions graves sur les réfugiés. » M. Lubbers a demandé aux donateurs d'agir et de tenir leurs engagements ainsi que de verser également les 25 millions manquants.
Passant en revue l'année écoulée, M. Lubbers a indiqué que le nombre de personnes relevant de la compétence du HCR avait diminué, passant de 21,8 millions à 19,8 millions, signe qu'une partie des déracinés de la planète ont pu regagner leurs foyers ou trouver d'autres solutions durables. Le Haut Commissaire a cité l'Afghanistan, où plus de 2 millions de réfugiés et de déplacés internes ont pu prendre le chemin du retour depuis mars dernier, malgré des problèmes persistants dans certaines parties du pays. M. Lubbers a également mentionné l'espoir de retour pour les réfugiés de plusieurs pays d'Afrique, de l'Erythrée à la Sierra Leone et l'Angola. Mais ailleurs en Afrique, l'instabilité continue de chasser des personnes de leurs foyers.
En Afrique de l'Ouest, le HCR a entrepris une série d'actions destinées à renforcer la protection des femmes et des enfants réfugiés face aux risques d'exploitation et d'abus sexuels, a souligné le Haut Commissaire. Entre autres, un nouveau Code de conduite a été publié par le HCR. Un rapport du Bureau des services de contrôle interne des Nations Unies sur le problème de l'exploitation sexuelle en Afrique de l'Ouest sera bientôt rendu public, a indiqué M. Lubbers, en précisant que l'impression créée par le rapport de consultants publié plus tôt dans l'année faisant état d'abus sexuels à grande échelle par du personnel humanitaire avait « injustement terni la réputation et la crédibilité de nos employés ».
« Cela dit, le problème de l'exploitation sexuelle existe bel et bien, comme nous le craignions lorsque nous avons demandé ce rapport », a dit M. Lubbers. « Et comme je l'ai déjà dit, un seul cas est un cas de trop. Cette prise de conscience croissante est positive. Cela a donné au HCR et à ses partenaires l'opportunité d'avoir une approche globale et coordonnée afin de lutter contre l'exploitation et les abus sexuels, non seulement en Afrique mais dans le monde entier. »
M. Lubbers s'est également dit préoccupé par la détention des demandeurs d'asile. En effet, bien que plusieurs pays soient parvenus à gérer leurs systèmes d'asile sans avoir recours à la détention, certains ont de plus en plus tendance à y recourir, souvent sur des bases discriminatoires. Le Haut Commissaire a également fait de part de sa réprobation quant à certains médias et à certains politiciens qui continuent de diaboliser les demandeurs d'asile et les réfugiés, en particulier lors des campagnes électorales.