Le Haut Commissaire demande des solutions aux problèmes des réfugiés
Le Haut Commissaire demande des solutions aux problèmes des réfugiés
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Mme Sadako Ogata, a mis en garde, lundi, contre un relâchement du principe de la protection des réfugiés dans plusieurs pays, malgré les engagements pris par la communauté internationale de respecter leurs droits.
Dans un discours prononcé devant les 51 Etats membres du Comité exécutif du HCR, Mme Ogata a réaffirmé le droit fondamental de tout réfugié, fuyant la persécution, de trouver asile. Elle a exhorté les politiciens à combattre les préjugés contre les demandeurs d'asile et de partager le fardeau des plus importants pays d'accueil, tout en luttant contre les abus de la demande d'asile. Elle a invité les Etats à redoubler d'efforts pour prévenir et résoudre les conflits et leur a demandé de protéger plus efficacement les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays ainsi que les civils victimes de la guerre et de violations des droits de l'homme.
Mme Ogata a déclaré devant le Comité exécutif réuni à Genève que le principe de la protection des réfugiés a continué à se déprécier au cours de 1996. « L'accès au territoire a été catégoriquement refusé sous forme de rejets en mer et aux frontières, ou compliqué par de nouvelles dispositions légales, a-t-elle affirmé. Les agressions mortelles contre les camps de réfugiés, les violations sexuelles dont des femmes réfugiées et des enfants ont été victimes, l'enrôlement forcé d'hommes et de jeunes garçons ... ont gravement hypothéqué la sécurité au cours de l'asile.... La nature volontaire du rapatriement est de plus en plus fréquemment sapée par un nombre croissant de retours forcés. »
Précisant que ce genre de problèmes se présente dans les pays qui hébergent plus que leur part de réfugiés, Mme Ogata a lancé un appel à un meilleur partage du fardeau. « Les fardeaux sont très inégalement répartis entre les continents et en leur sein, a-t-elle déclaré. L'Allemagne accueille plus de réfugiés bosniaques que les autres pays d'Europe occidentale à eux tous. » Mme Ogata a donné l'exemple des réfugiés qui sont plus nombreux que les populations locales en Côte d'Ivoire, en Guinée, en Tanzanie et au Pakistan.
Mme Ogata a ajouté qu'il est « essentiel que le caractère humanitaire de l'asile soit préservé ». Les réfugiés doivent de leur côté respecter la loi, a-t-elle dit, et un terme devrait être mis aux activités militaires dans les camps. Mme Ogata a poursuivi en indiquant qu'effectivement des personnes coupables de génocide ou d'autres crimes particulièrement graves peuvent abuser du principe de l'asile. Elle a, à nouveau, demandé aux Etats de prendre les mesures pratiques et légales nécessaires pour identifier de tels individus et les traiter en conséquence.
Le Haut Commissaire a demandé aux politiciens de « dédramatiser » l'ampleur qu'a pris le problème de la demande d'asile dans leurs pays. Les demandes d'asile ont, en effet, diminué dans la majorité des pays industrialisés.
Mme Ogata a noté qu'il n'y avait pas eu cette année de crises majeures comme celle que nous avons connu au Rwanda en 1994. Elle a précisé, par contre, que « les conflits armés au Burundi, en Tchétchénie dans la Fédération de Russie, au Libéria, au Soudan, au Sri Lanka, au Tadjikistan et, tout récemment, en Iraq ont encore contraint des gens à fuir pour avoir la vie sauve. »
Dirigeant l'attention vers des régions précises, le Haut Commissaire a déclaré que « les conséquences de la situation des réfugiés (rwandais) sur les conditions de sécurité n'ont cessé de s'alourdir. Les incursions à travers les frontières, la poursuite des survivants du génocide et les attaques contre les résidents tutsis dans la région de Kivu au Zaïre, conduisant à une résistance armée, causent de lourdes pertes en vies humaines et hypothèquent les perspectives de réconciliation, a-t-elle expliqué. Mon organisation n'avait jamais vu ses préoccupations humanitaires s'enliser dans un tel bourbier mortel d'intérêts politiques et de sécurité. Si notre assistance humanitaire et notre protection servent une majorité silencieuse et innocente de réfugiés nécessiteux, elles servent également les militants qui ont intérêt à maintenir le statu quo. Cela ne peut pas durer. »
Mme Ogata a annoncé que le HCR discutait, en ce moment, avec les gouvernements une approche globale couvrant la sécurité, la justice et les intérêts politiques pour régler le problème dans la région des Grands Lacs.
Les événements en Bosnie et au Rwanda ont démontré que le silence des armes n'était pas suffisant pour répondre aux problèmes de sociétés déchirées par de durs conflits internes, a dit le Haut Commissaire, ajoutant qu'il était de plus en plus difficile de trouver des solutions durables aux problèmes causés par les conflits. « L'établissement de la paix civile, de la réconciliation au sens large du terme, devient un défi encore plus grand que la séparation d'armées ou la reconstruction physique, a-t-elle déclaré. Il requiert, à tout le moins, un consensus minimal sur la structuration future de la société - qui ne peut être imposée de l'extérieur - ainsi qu'un juste équilibre entre les exigences souvent contradictoires de la paix et de la justice, de l'octroi du pardon et du refus de l'impunité. Il requiert des solutions justes et humaines pour ceux qui ont été délibérément chassés. »
Mme Ogata a souligné les obstacles importants que rencontrent les civils qui veulent retourner dans des régions de la Bosnie où un autre groupe ethnique est majoritaire. Elle a toutefois noté des signes de progrès, dont entre autres les élections du mois dernier et des efforts de reconstruction. « Nous devons continuer à prôner le droit des personnes à rentrer chez elles, a-t-elle déclaré en ajoutant, il nous faut, en même temps, créer les conditions qui leur permettront de recommencer une nouvelle vie ailleurs, en Bosnie et dans la région. »
Une approche globale aux problèmes des personnes déplacées dans l'ex-Yougoslavie devrait permettre de dénouer les problèmes complexes, a observé le Haut Commissaire. « Lorsque les conditions s'amélioreront encore en Bosnie.... l'heure viendra de lever le régime de la protection temporaire, a-t-elle encore précisé. Ceux qui ne pourront rentrer chez eux ne devront pas, toutefois, être repoussés tant qu'ils n'auront pas un toit décent sur leur tête et une solution de rechange décente en vue. »
Mme Ogata a évoqué les récents événements en Afghanistan. « J'espère sincèrement qu'un nombre de réfugiés aussi grand que possible reprendront le chemin du retour dans la paix et le strict respect des droits humains, particulièrement ceux des femmes. »
Il y a toutefois eu des signes positifs en faveur des réfugiés en 1996, a ajouté le Haut Commissaire. Beaucoup d'Etats ont gardé leurs frontières ouvertes pour ceux qui avaient besoin de protection, entre autres l'Iran qui, en septembre, a permis à 40 000 personnes, fuyant les combats dans le nord de l'Iraq, de trouver refuge.
Le Haut Commissaire a cité d'autres exemples positifs aux problèmes des réfugiés cette année, dont l'accession de l'Afrique du Sud aux conventions sur les droits des réfugiés ; les engagements humanitaires pris par la Communauté des Etats indépendants au cours d'une conférence en mai sur le déplacement de respecter les principes des droits de l'homme ; l'adoption par l'Union européenne d'une interprétation commune de la définition d'un réfugié ; les progrès faits par plusieurs pays en incluant le droit à l'asile pour certains types de persécution qui impliquent presque exclusivement des femmes.
Mme Ogata a également parlé du rapatriement réussi de 1,7 million de réfugiés au Mozambique, où le HCR a mis un terme à son programme en juillet dernier. Au Mali et au Togo, près de 100 000 réfugiés sont rentrés chez eux au cours de la dernière année. Des efforts sont également déployés pour le retour volontaire des réfugiés en Somalie, en Ethiopie et en Angola.
Ces succès démontrent que « les problèmes de réfugiés sont moins insolubles qu'il n'y semble souvent de prime abord », a-t-elle précisé, tout en ajoutant que « la mise en oeuvre de solutions prend du temps ». Le retour des réfugiés ne peut, en effet, être durable que s'il est accompagné d'une réconciliation et de la paix. La communauté internationale devrait soutenir les pays dans leur période de transition vers la paix et le développement. Elle a, de plus, précisé : « L'absence de dividendes visibles de la paix peut clairement compromettre le processus d'édification de la paix et de guérison des blessures. » Le HCR va continuer, dans le cadre de son mandat, à multiplier ses efforts pour prévenir les mouvements de populations, a déclaré Mme Ogata, en apportant son aide dans le processus de réconciliation et en étant au service des victimes de guerre et de persécution.