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La violence vide les villages du Nord-Est de la Colombie

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La violence vide les villages du Nord-Est de la Colombie

L'UNHCR est préoccupé par la situation humanitaire dans la région de Catatumbo, au nord-est de la Colombie. Depuis début 2006, les violences se sont intensifiées dans ce secteur, provoquant des déplacements forcés dans une des régions les plus durement touchées par le conflit en Colombie.
21 Septembre 2006 Egalement disponible ici :
Maria Luz et son cousin partagent un logement qui n'a qu'une chambre à coucher avec trois adultes et dix autres enfants dans la ville de Cucuta. La petite fille et sa famille ont fui les violences dans le nord-est de la Colombie.

CÚCUTA, Colombie, 21 septembre (UNHCR) - Graciela n'a pas été surprise lorsqu'une nuit, début septembre, elle a vu arriver à Cúcuta sa soeur Eliana avec ses enfants et qu'ils lui ont demandé de les héberger. Graciela avait elle aussi quitté le village de La Victoria cinq ans plus tôt, elle avait de la peine à croire que sa famille soit restée là-bas si longtemps.

La Victoria est désormais une ville fantôme. Ses derniers habitants ont fui le mois dernier, après l'exécution en plein jour de deux jeunes hommes du village par des membres d'un groupe armé irrégulier. La communauté voisine d'El Diamante est rapidement partie aussi.

« Quand vous habitez un village et que vous connaissez tout le monde, si quelqu'un se fait tuer, c'est comme si vous perdiez un frère ou un enfant », a raconté Eliana. « Le pire est de ne pas savoir pourquoi. Ca peut vraiment vous rendre fou, car si vous ne comprenez pas pourquoi ils tuent, vous vous demandez sans cesse si vous serez la prochaine victime. »

La Victoria se trouve dans la région de Catatumbo, près de la frontière avec l'ouest du Venezuela, dans le département de Norte de Santander. Ce secteur a connu les pires violences et violations de droits de l'homme du long et difficile conflit colombien.

Le massacre à La Gabarra, en 1999, lorsqu'une quarantaine de personnes ont été tuées par des membres d'un groupe armé irrégulier, reste l'un des incidents les plus sanglants perpétré contre des civils dans l'histoire récente du pays. Le même hameau a connu une autre tuerie il y a deux ans, quand 34 travailleurs cultivant la coca ont été massacrés.

La situation humanitaire à Catatumbo s'est encore aggravée ces derniers mois - des centaines de personnes ont quitté la région, mais il est difficile d'avoir des chiffres exacts car plusieurs personnes ne sont pas recensées auprès des autorités ou de l'UNHCR. Le gouvernement a envoyé sur place 27 000 soldats supplémentaires et les affrontements avec les groupes armés irréguliers sont fréquents.

Les cultures illégales de coca, la matière première servant à la fabrication de la cocaïne, contribuent à aggraver une situation sécuritaire déjà volatile, quelques-uns des groupes irréguliers résistant violemment aux tentatives de destruction des récoltes par le gouvernement.

Quand Eliana a fui La Victoria avec ses six enfants, âgés entre 17 et deux ans, elle est d'abord allée dans la petite ville de Sardinata. Une équipe de l'UNHCR s'est rendue à Sardinata début septembre et a trouvé environ 180 personnes originaires de La Victoria hébergées dans l'école publique ou dans des familles d'accueil.

Les villageois déplacés ont indiqué qu'ils ne voulaient pas rentrer. Quelques-uns ont dit que l'un des jeunes hommes tués était un représentant local qui avait aidé les fermiers à s'organiser pour résister à la pression exercée sur eux pour cultiver la coca.

Eliana a maintenant rejoint sa soeur à Valle del Rodeo, un quartier pauvre situé aux alentours de Cúcuta. Les deux soeurs partagent une petite maison avec le mari de Graciela et les enfants des deux familles, qui sont douze au total. Il n'y a pas d'électricité et l'eau courante n'est disponible que cinq heures tous les huit jours. Mais Eliana témoigne sa reconnaissance car d'autres familles originaires de La Victoria n'ont nulle part où aller.

Depuis début 2006, environ 2 000 personnes de Catatumbo se sont enregistrées auprès des autorités en tant que déplacés de force, mais ce chiffre pourrait ne représenter que la partie émergée de l'iceberg. Beaucoup d'autres, comme Eliana, ont trop peur pour se faire connaître.

« Nombre de déplacés hésitent avant de se faire enregistrer », a indiqué Roberto Meier, délégué de l'UNHCR en Colombie. « Beaucoup d'entre eux sont traumatisés et ont très peur ; ils ne veulent pas parler de ce qui leur est arrivé. Cela peut aussi prendre très longtemps pour être reconnu en tant que personne déplacée interne, et quelques-uns se découragent. Malheureusement, cela veut dire aussi qu'ils échappent à la protection et à l'assistance dont ils pourraient bénéficier grâce à l'enregistrement. »

Affectée par de fortes fièvres au début de la semaine, Maria Luz, la dernière enfant d'Eliana, a été admise à l'hôpital. Son état s'est amélioré en une journée, mais l'hôpital a refusé de la laisser sortir tant que la facture ne serait pas payée. Les déplacés en Colombie bénéficient d'une couverture santé gratuite, mais Eliana n'étant pas enregistrée en tant que déplacée interne, il a fallu l'intervention des services sociaux de l'hôpital pour que la petite fille soit autorisée à quitter l'établissement.

Graciela encourage maintenant sa soeur à s'enregistrer, même si elle-même ne l'a jamais fait, après cinq ans de déplacement. « Nous avons tous peur de parler, mais c'est mieux pour nos enfants », a-t-elle indiqué. « La vie loin de la maison est suffisamment difficile et ils vont avoir besoin de l'aide qui est offerte. »

Les statistiques prouvent qu'avec au moins 2,5 millions de personnes déplacées, la Colombie est maintenant l'un des pays au monde comptant la plus grande population de personnes relevant de la compétence de l'UNHCR.

Par Marie-Hélène Verney à Cúcuta, Colombie