La protection de la mangrove ouvre la voie à un avenir meilleur pour des pêcheurs colombiens
La protection de la mangrove ouvre la voie à un avenir meilleur pour des pêcheurs colombiens
Dans les quartiers de Pescador 1 et 2, à Turbo, dans le nord de la Colombie, les entrelacs de la mangrove créent une barrière naturelle entre la terre et la mer qui protège de l'érosion des sols et des fortes marées. Cependant, au fil des ans, une grande partie de cette forêt côtière, ainsi que son habitat unique, ont disparu en raison de la déforestation, de la pollution et de la pression exercée par une population en pleine croissance.
Les habitants de cette région sont principalement des pêcheurs et des personnes déplacées internes qui ont fui leur foyer en raison du conflit armé qui sévit en Colombie depuis plusieurs décennies. Pour nombre d'entre eux, la dégradation de l'environnement est synonyme de la disparition non seulement de la biodiversité de la région, mais aussi de leurs moyens de subsistance.
Secarlos Martínez, pêcheur de la région, a été témoin de la disparition de la mangrove et des poissons qui s'y reproduisaient. « Quand nous étions jeunes, aussi loin que je me souvienne, la mangrove occupait 90 % de notre voisinage. Mais la croissance démographique tue peu à peu la mangrove. Quatre-vingts pour cent des terres ont été déboisées pour être utilisées à des fins résidentielles », explique-t-il.
Il ajoute que la situation se trouve aggravée par les effets du changement climatique dans le Golfe d'Urabá, le large bras de mer qui abrite la ville de Turbo. « Les poissons ont disparu, ce qui a entraîné des difficultés économiques pour nous », poursuit-il.
Les gardiens de la mangrove
Face à ces défis, un groupe d'habitants de Turbo, parmi lesquels des personnes déplacées, des leaders communautaires et des pêcheurs comme Secarlos, s'est réuni pour préserver la mangrove. Ils ont formé les Guardianes del Mangle (« Gardiens de la mangrove ») en 2017 et, sept ans plus tard, le groupe est soutenu par le Fonds d'innovation pour l'environnement et l'action climatique de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. En plus de redonner vie à la mangrove, l'initiative vise à renforcer la communauté et à explorer de nouvelles possibilités de subsistance pour ses résidents.
Eneida María Valencia, 59 ans, membre du groupe, a été contrainte de fuir sa maison de Riosucio, dans le Chocó, en 1997. Elle a dû s'enfuir avec sa famille et de nombreuses autres personnes de sa communauté, après avoir reçu un ultimatum d'un groupe armé exigeant qu'ils quittent la ville dans les deux jours. « Nous avons dû tout abandonner - nos biens, nos moyens de subsistance - et n'avons eu d'autre choix que de mendier, ce que nous n'avions pas à faire là-bas », confie-t-elle.
Turbo est devenu son nouveau foyer, mais la vie y est très différente de celle qu'elle a laissée derrière elle dans le Chocó, où sa famille vivait de la terre, de la culture et de l'élevage.
Elle et le reste du groupe procèdent à des opérations de nettoyage pour éliminer les déchets solides de la mangrove, plantent des semis pour le reboisement et sensibilisent la population à l'importance de la mangrove pour protéger la communauté contre les risques environnementaux.
« La principale vertu de la mangrove est qu'elle nous protège des inondations et des tempêtes », précise Diana Colón, Présidente du Conseil d'action communautaire de Pescador.
En 2018, inspirée par Secarlos, elle a rejoint les Gardiens de la mangrove pour protéger cet écosystème local auquel elle est très attachée. Diana se souvient de son enfance passée à jouer dans la mangrove et est consciente de son importance pour le bien-être de sa communauté. Aujourd'hui, elle mène des activités de sensibilisation et de nettoyage, ainsi que le « Semillero de Arte », un atelier d'art pour les enfants et les adultes.
Outre la préservation de la mangrove, elle affirme que le projet a permis de revitaliser la vie de la communauté. « Ces quartiers (Pescador 1 et 2) étaient autrefois rivaux, mais aujourd'hui nous travaillons côte à côte. Nous sommes devenus amis. Nous sommes plus proches les uns des autres. »
Un nouvel objectif
Les jours où la mangrove voisine de la maison d'Eneida doit être nettoyée, enfants et adultes enfilent leurs gants et se rassemblent pour y participer. Ensemble, ils retirent les déchets solides des zones de mangrove, ce qui contribue à améliorer l'écoulement de l'eau, à réduire la pollution et à créer un écosystème plus sain.
Une banque de jeunes plants a été créée pour faire pousser de nouveaux arbres, soutenant ainsi non seulement les efforts de préservation locaux, mais offrant également une base pour d'autres projets de reforestation.
Les efforts des membres de la communauté commencent à redonner vie à la flore et à la faune de la région. « Nous avons prouvé que la faune et la flore peuvent renaître », indique Secarlos, qui est le président du groupe. « Dernièrement, nous avons vu des canards, des hérons et d'autres animaux qui avaient disparu. »
Il ajoute que la préservation de la mangrove a également apporté des avantages économiques sous la forme de nouveaux moyens de subsistance. « Les gens n'avaient pas l'habitude de recycler, mais nous avons commencé à collecter les déchets en faisant du porte-à-porte. Certaines personnes vivent désormais du recyclage. »
Pour Eneida, le projet est porteur d'espoir et lui permet de contribuer au bien-être de la communauté qui l'a accueillie. « Ce projet m'a donné un but dans la vie », affirme-t-elle. « Je ne veux plus retourner à l'endroit que j'ai dû fuir. Je prends soin de ma communauté et de la mangrove. De cette façon, mes enfants auront un meilleur avenir ».