Les violences intercommunautaires à l'ouest du Myanmar, pourquoi ?
Les violences intercommunautaires à l'ouest du Myanmar, pourquoi ?
MAUNGDAW, Myanmar, 5 décembre (HCR) - Depuis des générations, ils vivaient côte à côte, ils étaient amis ou voisins malgré leurs différences ethniques et religieuses.
« Nous mangions dans la même assiette, buvions l'eau du même étang, et nous nous rendions visite dans nos maisons respectives », a expliqué Noor Mohammed, âgé de 60 ans, qui vivait encore récemment dans le village de Zay Kone Tan dans l'Etat de Rakhine, à l'ouest du Myanmar. Son village était le seul village musulman dans une communauté de 23 villages.
Vers le nord, à Maungdaw, Pwint Khine, âgée de 38 ans, enseignait aux enfants musulmans dans un jardin d'enfants près de son village. « Je les ai toujours traités chaleureusement, comme des frères et des soeurs, comme mes propres enfants », se rappelle-t-elle.
Puis tout a changé en juin, lorsque des violences intercommunautaires ont éclaté à Maungdaw et se sont propagées jusqu'au chef-lieu de l'Etat, Sittwe. Plus de 100 personnes, y compris le mari de Pwint Khine, ont été tuées et des milliers de maisons ont été réduites en cendres. Environ 75 000 personnes restent encore déplacées depuis la première vague de troubles.
Fin octobre, un renouveau de violences dans huit communes a déraciné plus de 37 000 autres civils, ce qui a porté le total des déplacés dans l'Etat de Rakhine à environ 115 000.
La communauté internationale humanitaire apporte un appui au Gouvernement du Myanmar dans sa réponse à la situation d'urgence. Dans le cadre du programme interagence, le HCR est l'agence chef de file sur les problèmes de protection, d'abri et d'articles non alimentaires ainsi que pour la coordination et la gestion des camps à Rakhine.
Conjointement avec les autorités locales, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés construit des abris temporaires de style traditionnel longère pour plus de 11 000 personnes déplacées issues des deux communautés près de Sittwe, ainsi que 222 maisons permanentes pour des rapatriés revenant dans l'Etat de Rakhine à Maungdaw. Dans l'Etat, l'agence pour les réfugiés a livré près de 5000 tentes et a distribué des biens de secours comme des bâches en plastique, des couvertures, des ustensiles de cuisine et des articles d'hygiène à des dizaines de milliers de personnes vivant dans des camps de fortune.
Noor Mohammed est l'un de ces bénéficiaires. Son épouse, ses sept enfants et ses 12 petits-enfants font désormais partie des 235 personnes qui séjournent dans un amas de huttes de paille et de bâches en plastique du HCR au camp de Koe Tan Kauk, à environ deux heures de route de Maungdaw. Des membres du personnel du HCR s'y rendent régulièrement pour évaluer leurs besoins et écouter leurs préoccupations.
« Ce groupe n'a actuellement ni latrines et ni de source d'eau potable à proximité. Ils doivent marcher pendant une heure vers un ruisseau qui est en train de s'assécher », a déclaré Nadir Minbashiyev, responsable par intérim du bureau du HCR à Maungdaw.
Il a ajouté : « Dans le nord de l'État de Rakhine, la plupart des personnes déplacées ont originaires de cette région et le HCR a aidé certains d'entre eux à reconstruire leurs maisons. Parallèlement, nous préconisons aux autorités de reconnaître et d'aider les musulmans déplacés dans la région, la plupart d'entre eux vivant au sein de familles d'accueil. »
A l'inverse, la grande majorité des personnes déplacées dans la région de Sittwe sont musulmans et le HCR veille à ce que les deux communautés reçoivent une aide en fonction de leurs besoins.
Aujourd'hui, Pwint Rhin et sa fille vivent dans un camp de maisons de style longère construit par le HCR à Sittwe. « Je ne rentrerai pas à Maungdaw. J'ai perdu mon mari, il n'y a pas d'école pour mes enfants et la sécurité n'est pas suffisamment restaurée », dit-elle. « Je vais m'installer à Sittwe. J'ai déjà transféré mon certificat de résidence et je suis en attente pour eux de transférer mes enfants dans une école ici. »
Noor Mohammed est moins certains de son avenir. « Si nous avons des terres, on peut cultiver. Si nous avons de la trésorerie, nous pouvons faire du commerce », dit-il, en ajoutant qu'il a tout perdu durant les troubles. « Nous ne savons pas comment nous allons survivre. Nous sommes prêts à rentrer si le Gouvernement nous reconnaît et nous offre une compensation pour ce que nous avons perdu. »
Tant le patriarche que la veuve disent qu'ils sont encore choqués de ce qui s'est passé en juin, compte tenu de l'entente de longue date entre les communautés. Alors qu'ils luttent aujourd'hui pour subvenir à leurs besoins et planifier leur avenir, ils savent que le plus grand défi reste à venir - vivre à nouveau côte à côte.
Par Vivian Tan à Maungdaw et Sittwe, Myanmar