Un nouveau départ grâce à la réinstallation
Un nouveau départ grâce à la réinstallation
C’est au détour d’une route menant de la Syrie au Liban que l’amitié entre Bushra, 34 ans, et Shaymaa, 30 ans, s'est forgée. A l’époque, les jeunes femmes voyagent seules, au milieu des familles identifiées pour bénéficier du programme de réinstallation de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Se guettant l'une l'autre, elles échangent de premiers mots lorsque le bus effectue une courte pause. «Je n’avais jamais voyagé seule, j’étais terrifiée par ce nouveau départ vers l’inconnu», se rappelle Bushra, jeune catholique chaldéenne qui a passé plusieurs années de sa vie dans un couvent.
«Je n’avais jamais voyagé seule, j’étais terrifiée par ce nouveau départ vers l’inconnu.»
Bushra, jeune catholique chaldéenne, évoque son départ à destination de la Suisse dans le cadre d’un programme de réinstallation.
Shaymaa, de confession sunnite, était quant à elle engagée dans une activité de défense des droits humains à Bagdad. Fière et courageuse, elle se refusait à porter le voile, comme sa mère, malgré les tentatives d’intimidation. Toutes deux ont dû fuir leur pays en raison des menaces qui pesaient sur leur vie suite à la montée en puissance des fondamentalistes – d’abord à destination de la Syrie et de sa capitale, Damas.
En tant que jeunes femmes seules et éduquées exilées à Damas, mais aussi en raison de leur appartenance respective à une minorité religieuse et à une organisation militante, elles devenaient toutes deux la cible de persécutions potentielles. Ces risques justifiaient dès lors qu’elles puissent bénéficier d’un programme de réinstallation, et se voient offrir la perspective – trop rare pour de nombreux réfugiés – de pouvoir reconstruire leur vie ailleurs grâce à un programme de réinstallation.
Les programmes de réinstallation sont destinés à des réfugiés vulnérables qui ne pourront vraisemblablement pas réintégrer leur pays d’origine ni s’installer durablement dans leur pays de premier accueil. De même que les dizaines de milliers de personnes réinstallées grâce à de tels programmes par le passé, Bushra et Shaymaa ont dans un premier temps été identifiées comme des candidates potentielles en raison de leur vulnérabilité en tant que femmes seules réfugiées en Syrie. Leurs dossiers ont ensuite été évalués par le Secrétariat d’Etat aux migrations, et par le Service de renseignement de la Confédération, avant de se voir proposer un accueil pérenne en Suisse.
Grâce à ce programme, leur compagnonnage s'est prolongé bien au-delà de quelques heures de route. Elles ont en effet atterri toutes les deux en Suisse en décembre 2015, avec l’assurance de recevoir rapidement leur statut de réfugiées. Elles ont aussi pu bénéficier, dès leur arrivée, d’un programme pilote d’intégration à l’attention des réfugiés réinstallés – et en particulier de l’encadrement d’un coach spécialisé travaillant pour leur canton d’attribution.
Outre une introduction aux particularités de la culture régionale, ce programme leur a donné accès à des cours de langue et d’informatique, ainsi qu’à diverses rencontres et à une aide à l’orientation. Il vise aussi à développer des partenariats avec des organisations locales afin d’offrir des opportunités d’emploi et de formation aux réfugiés concernés. Depuis la phase pilote, des programmes similaires ont été pérennisés et étendus à l’ensemble des 26 cantons suisses.
«Je rêverais que plus de personnes puissent bénéficier de places de réinstallation plutôt que de devoir entreprendre un périlleux voyage par leurs propres moyens.»
Shaymaa a conscience d’avoir eu de la chance en comparaison à de nombreux proches restés au pays.
Sur le plan pratique mais aussi humain, ces mesures d’intégration offrent un soutien précieux aux réfugiés réinstallés. «Pour fêter notre première année en Suisse, nous sommes allés manger une fondue au fromage avec notre coach et notre professeur de langue», se souvient Bushra. Une façon de ramener un peu de chaleur dans leurs journées hivernales – et de partage dans l’exercice souvent difficile consistant à reconstruire sa vie loin des siens, en apprivoisant une nouvelle langue et une nouvelle culture.
Le chemin qui leur permettra de retrouver leurs marques en Suisse n’est pas dénué d’embûches. Mais toutes deux savent qu’elles pourront compter l’une sur l’autre pour traverser ces différentes étapes – comme elles le font depuis leur rencontre au détour d’un arrêt de bus. Après un indispensable apprentissage du français, elles ont toutes deux en ligne de mire quelques rêves gardés en poche pour l’avenir: Bushra aimerait faire reconnaître son diplôme commercial, afin de pouvoir travailler dans le secteur bancaire ou la vente. Shaymaa, institutrice de formation, est quant à elle plutôt tentée par un emploi dans la comptabilité ou pour une organisation non gouvernementale.
Elles ont conscience d’avoir eu de la chance, en comparaison à de nombreux proches restés au pays ou contraints d’entreprendre une dangereuse traversée par terre et par mer: «Je rêverais que plus de personnes puissent bénéficier de places de réinstallation, explique Shaymaa, plutôt que de devoir entreprendre un périlleux voyage par leurs propres moyens» – en le payant souvent à prix d’or, et parfois même au prix de leur vie. Cette opportunité, elles la remarquent aussi dans la liberté nouvelle – de penser, de se déplacer et d’avoir une vie privée – que leur offre la Suisse: «En Irak, les droits des femmes et des enfants sont peu défendus. La femme ne possède pas de réel statut avant de devenir mère», remarque Shaymaa. Elle apprécie aussi de pouvoir vivre sans la peur quotidienne des jugements et des vexations, le «respect bilatéral suisse» comme elle aime à l'appeler.
Et quand on leur parle d’avenir, les deux femmes ne peuvent l’imaginer qu’ensemble. «Parfois quand je me promène dans la rue et que je vois deux personnes âgées, une petite et une grande, je dis à Bushra: ‘Regarde, nous serons comme ça plus tard’», sourit Shaymaa.
Malgré une douloureuse séparation d’avec leurs cultures d’origine, leurs proches et leurs plans de départ, Shaymaa et Bushra débutent ainsi le chapitre suisse de leur vie avec une certitude: celle d’avoir déjà trouvé «leur meilleure moitié» en matière d’amitié.
La réinstallation – ou 'resettlement' en anglais – permet à certains réfugiés particulièrement vulnérables d’être réinstallés directement d’un pays de premier accueil – généralement proche des zones de conflit et de persécutions – vers un pays sûr acceptant de les accueillir où ils disposeront de meilleures perspectives d’intégration. Le HCR estime que plus d’un million de réfugiés dans le monde auraient besoin d’une place de réinstallation. Faute de contingents suffisants, seul 1% d’entre eux peut actuellement en bénéficier.
Développé en collaboration entre le Secrétariat d’Etat aux migrations et l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, le programme de réinstallation suisse devrait permettre d’accueillir un total de 3’500 réfugiés entre 2013 et 2019.
Pour plus d’informations, consultez notre Brochure sur le programme de réinstallation suisse.