Une famille syrienne transférée vers le continent après l'épreuve vécue à Samos
Une famille syrienne transférée vers le continent après l'épreuve vécue à Samos
À BORD DU FERRY SS NISSOS CHIOS, Grèce - Mohamad Alhajer voulait désespérément quitter l’île grecque de Samos. Il s’inquiétait pour la santé et la sécurité de sa jeune famille après des semaines d’un hiver éprouvant passées sous une tente de fortune dans un centre d’accueil surpeuplé de réfugiés et de migrants sur les hauteurs de la ville balnéaire de Vathy.
Ce demandeur d’asile syrien invalide, âgé de 36 ans, est papa de deux petites filles. Il était très heureux d’apprendre que sa famille allait être transférée, cette nuit-là, vers le port du Pirée, sur le continent, dans un lieu géré par un programme du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et financé par l’Union européenne.
Sur le pont du ferry SS Nissos Chios, après une première nuit passée à bord du bateau avec sa femme Hanaa (30 ans) et leurs deux filles, Maria (4 ans) et Khadija (2 ans), il explique que « c’est la première fois que nous dormons bien, sans bruit, et sans les rats. »
Ils font partie d’un groupe de 13 personnes vulnérables, dont sept membres d’une famille iraquienne, à être transférés cette nuit-là vers le continent. Les arrivés depuis la Turquie n’ont cessé de mettre les centres d’accueil et d’identification des îles grecques sous pression, en particulier ceux de Vathy sur l’île de Samos et de Moria à Lesbos.
Le HCR fournit son appui au gouvernement grec afin de permettre le transfert rapide de ces personnes vers le continent. Plus de 10 000 personnes ont ainsi pu rejoindre le continent depuis le mois d’octobre, notamment 2 000 personnes depuis Samos. Au total, près de 20 000 personnes ont été transférées depuis le début de l’année 2017. Ces opérations ont permis de désengorger les centres et d’y améliorer les conditions d’accueil.
Bien que la population du centre de Vathy ait diminué, passant de 2 000 personnes lors d’un pic de surpopulation atteint en septembre à 1 450 personnes aujourd’hui, il est toujours au double de sa capacité initiale d’accueil de 700 personnes, et la situation humanitaire sur place reste grave. Certaines personnes passent du temps en ville pour oublier l’endroit pendant quelques heures.
Mohamad et d’autres demandeurs d’asile, tout comme le personnel du HCR, mettent en évidence plusieurs problèmes, notamment la présence de rats, le manque d’eau et d’électricité, des bagarres ou encore le risque de violences sexuelles et sexistes. Le centre a également besoin de davantage de sécurité et de personnel médical. Il manque aussi des sanitaires séparés, ainsi que des latrines. Enfin, les abris ne protègent pas assez de la pluie ou du froid.
« Peu m’importe où nous allons, du moment que ce n’est pas dans le camp. »
« Je ne m’attendais pas à cela. J’imaginais de meilleures conditions », explique Mohamad. Malgré les épreuves vécues à Vathy, il dit apprécier la chance qu’il a de pouvoir demander l’asile. « Peu m’importe où nous allons, du moment que ce n’est pas dans le camp. »
Après la Déclaration UE-Turquie de mars 2016 au sujet de l’afflux de migrations irrégulières en mer, et à la suite de la fermeture le même mois par plusieurs pays des Balkans de la route menant vers le nord de l’Europe depuis la Grèce, le nombre d’arrivées dans les îles grecques a considérablement diminué par rapport à la situation d’urgence de 2015-2016.
Désormais, toute personne qui rejoint Samos par la mer doit passer par le centre de Vathy, situé à flanc d’une colline escarpée.
Les conditions d’accueil à Vathy et dans les autres centres sur les îles se sont progressivement détériorées à partir du mois d’août de l’année dernière, lorsque le nombre d’arrivées a commencé à dépasser celui des transferts vers le continent.
À cette époque, le gouvernement prenait entièrement à sa charge la gestion de la crise des réfugiés.
Le nombre d’arrivées – près de 30 000 en 2017 contre 173 000 en 2016 – ont mis les capacités du gouvernement à l’épreuve et la situation est devenue très préoccupante. Après avoir introduit leur demande d’asile, les migrants restent plus longtemps dans les centres situés sur les îles.
Mohamad et les membres de sa famille sont arrivés dans le centre d’accueil en décembre après un périple effectué le plus souvent à pied depuis la province d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, puis une traversée en bateau entre la Turquie et l’île de Samos. Déjà blessé pendant la guerre, ayant perdu trois doigts à la main droite, il souffre également d’une blessure à l’avant-bras, grièvement touché pendant un bombardement aérien.
À Vathy, il s’est renseigné au sujet de ses blessures. « Ils m’ont dit que je devais me faire opérer d’urgence mais, après cela, il ne s’est plus rien passé », explique-t-il. Comme d’autres, il fait état du manque de personnel médical. « Ils ne me donnaient même pas le médicament qu’on m’avait prescrit en Syrie. »
« Ce sera un nouveau départ. »
Sa fille Maria a aussi besoin d’aide. Elle a été traumatisée par la mort de son oncle, le frère de Mohamad, qui a été tué devant ses yeux lors d’un raid aérien. Trois de ses oncles maternels sont également décédés à cause du conflit.
La plupart des réfugiés qui arrivent dans les îles grecques sont des jeunes familles de Syrie, d’Iraq et d’Afghanistan, ainsi que des personnes qui ont besoin d’un suivi spécifique comme Mohamad et Maria.
Le HCR et d’autres organisations reconnaissent les difficultés auxquelles doit faire face le gouvernement, et saluent les progrès qui ont déjà été enregistrés, mais ils lancent un appel urgent aux autorités pour que celles-ci prennent des mesures et s’attaquent aux problèmes dans les îles. Il s’agit notamment d’accélérer le déploiement de personnel de santé dans les centres d’accueil et de poursuivre les transferts vers le continent.
Mohamad, Hana, Maria et Khadija doivent à nouveau relever le défi de vivre dans une nouvelle grande ville. Après que le Nissos Chios ait jeté l’ancre dans le port du Pirée, ils ont d’abord été transférés dans un immeuble de transit à Athènes, avant de pouvoir emménager dans un appartement pendant le période d’examen de leur demande d’asile.
Plus de 22 000 personnes ont pu bénéficier de ce programme d’hébergement, qui fournit aux réfugiés une aide financière, un abri, et les met en sécurité.
« Je suis encore un peu inquiet à l’idée de vivre à Athènes », a expliqué Mohamad. « Ce sera un nouveau départ. Je suis généralement inquiet quand je pense à l’avenir car tout est incertain ». Bien qu'il soit en contact tous les jours avec des membres de sa famille restés en Syrie, il ne désire pas rentrer.
Il préfère penser à la vie qui l’attend en Grèce. En plus de pouvoir faire soigner son bras et sa main traités, il dit qu’il pourra apprendre la langue, offrir une éducation à ses filles et trouver un emploi. « Je suis très reconnaissant envers le peuple grec pour toute cette aide », conclut-il.