Pour la première fois, des réfugiés afghans reçoivent des papiers d'identité au Pakistan
Pour la première fois, des réfugiés afghans reçoivent des papiers d'identité au Pakistan
ISLAMABAD, Pakistan, 16 octobre (UNHCR) - Ce week-end, plus de 1 000 Afghans vivant au Pakistan ont été enregistrés. Le Gouvernement pakistanais a en effet lancé un projet déterminant pour leur délivrer pour la première fois des papiers d'identité.
L'enregistrement, qui a débuté dimanche et va continuer jusqu'à la fin de l'année dans tout le pays, fait suite au recensement gouvernemental organisé en 2005. Selon les résultats de ce dernier, 3,04 millions d'Afghans arrivés au Pakistan après l'invasion soviétique de 1979 vivent toujours dans le pays.
Depuis lors, plus de 580 000 personnes ont été rapatriées ; il resterait actuellement 2 millions et demi d'Afghans au Pakistan. Seuls les individus qui ont été recensés en 2005 peuvent être enregistrés ; ils obtiennent ainsi une carte d'identité valable trois ans qui leur octroie le statut de citoyens afghans vivant au Pakistan.
L'agence des Nations Unies pour les réfugiés aide le gouvernement à réunir les six millions de dollars, nécessaires à ce projet. « Il s'agit là de l'enregistrement le plus important qui ait jamais été organisé dans un pays accueillant une population mixte dans une situation de longue durée », a déclaré Indrika Ratwatte, délégué assistant de l'UNHCR au Pakistan. « L'UNHCR a aidé le gouvernement à planifier et à mettre en oeuvre ce projet depuis plus de deux ans. Nous espérons que cela renforcera encore l'espace réservé à l'asile de ces Afghans qui ont besoin de protection internationale. »
Etant donné l'énorme population impliquée - les Afghans représentent le plus grand groupe relevant de la compétence de l'UNHCR, et la majorité d'entre eux est accueillie par le Pakistan - l'enregistrement se fait également à grande échelle. L'Autorité nationale responsable de la base de données et de l'enregistrement pour le Gouvernement du Pakistan a ouvert 100 centres dans tout le pays pour cet exercice qui va durer dix semaines.
Le premier défi est de persuader les Afghans éligibles de s'enregistrer. « Si le gouvernement sait qui nous sommes et où nous nous trouvons, il va nous rassembler et nous renvoyer chez nous », dit un ressortissant afghan à Muzaffarabad, dans le Cachemire pakistanais. A Chitral, dans la province située à la frontière nord-occidentale, un autre craint que les photos ne soient envoyées aux Etats-Unis. Le personnel de l'UNHCR doit les rassurer pour réussir à les convaincre.
La logistique de cette opération est complexe. Pour l'enregistrement, les familles afghanes au complet doivent se rendre dans des centres situés dans la même zone que celle où elles avaient été recensées. Un employé de l'UNHCR et un fonctionnaire pakistanais recherchent le nom du chef de famille dans la base de données issue du recensement, un défi en soi, étant donné le nombre infini de possibilités d'orthographier un nom afghan en anglais.
Les familles reçoivent ensuite un bon pour l'étape suivante, la photo d'identité. Les femmes en burqa sont aidées par des employées derrière les rideaux. Les enfants agités ont du mal à rester en place, un garçon à Islamabad a dû enlever son masque de Batman pour la photo, alors que des nouveaux-nés endormis enveloppés dans des couvertures sont maintenus par les parents devant l'objectif.
L'étape suivante, celle du relevé de l'empreinte digitale est simple, bien que l'imprimante numérique peine parfois à retranscrire celle des fabricants de tapis ou des femmes ayant les mains colorées au henné. Enfin, le chef du foyer répond à des questions concernant la famille, comme leur village d'origine en Afghanistan, leur date d'arrivée au Pakistan, l'emploi, l'éducation et le niveau de compétence, l'intention de rentrer et les obstacles au retour. Le processus d'enregistrement s'achève après réception de la carte de « preuve d'enregistrement » par tous les participants âgés de plus de cinq ans.
Habibullah, âgé de 55 ans, a fait partie des premiers Afghans enregistrés à Muzaffarabad. « Je suis très heureux de cet enregistrement car nous allons disposer d'un document valide fourni par le Gouvernement pakistanais qui nous va légitimer notre présence », a indiqué ce ferrailleur, qui a amené sa famille de 10 personnes pour l'enregistrement dimanche. « Personne ne nous dérangera plus et le résultat de cette procédure va améliorer notre vie au quotidien. »
A Chitral, Riaz Khan, âgé de 45 ans, est d'accord avec lui. « Nous sommes heureux d'être enregistrés car avant nous n'avions aucun document d'identité. Parfois, nous devions montrer notre carte de ration alimentaire du camp pour prouver que nous sommes des réfugiés afghans. Nous avions des problèmes pour loger à l'hôtel mais je pense maintenant que nous n'aurons plus ce problème. »
Abdul Saboor Samad, un natif de Kaboul, a été l'un des premiers à s'enregistrer à Islamabad. « Le recensement de 2005 a pris en compte les renseignements sur notre famille et maintenant l'enregistrement a lieu », a-t-il dit. « Je suppose que le principal objectif est de nous donner une carte d'identité prouvant qui nous sommes, où nous habitons et pourquoi nous habitons ici. »
A Jhang dans la province centrale du Punjab, un homme afghan âgé, Faisal Rehman, a expliqué, « au Pakistan, ils nous respectent. Nous vivons dans la dignité ici. En Afghanistan, il n'y a rien, même si c'est notre pays. Notre terrain à Kaboul est aride, il n'y a pas de végétation, ni de reconstruction. Mais s'il y a un développement économique, nous rentrerons. »
En plus des Afghans enregistrés dimanche, plus de 4 000 autres personnes ont été enregistrées dans le cadre des projets pilote qui ont commencé à Jhang et Chitral plus tôt en octobre.
Par Vivian Tan, Babar Baloch à Islamabad, Asif Shahzad à Muzaffarabad et Rabia Ali à Chitral