Un enfant centrafricain meurt de désespoir avant de pouvoir retrouver sa famille
Un enfant centrafricain meurt de désespoir avant de pouvoir retrouver sa famille
BANGUI, République centrafricaine, 17 février (HCR) - La douleur de la séparation a été trop forte pour ce jeune Centrafricain, qui est mort la semaine dernière de malnutrition sévère, désespéré d'échapper à sa prison virtuelle et de retrouver ses parents.
Youssoufa fait partie des toutes dernières victimes des violences intercommunautaires et de la terreur qui sévissent dans son pays natal depuis mars 2013. Les forces anti-gouvernementales Séléka majoritairement musulmanes avaient alors pris le contrôle de Bangui et se livraient à des violations grossières des droits de l'homme, ce qui a déclenché une réponse sanglante des milices anti-Balaka liées aux Chrétiens.
Les violences extrêmes ont provoqué des déplacements massifs de populations. Des dizaines de milliers de personnes ont alors été contraintes de fuir leurs maisons et de trouver la sécurité dans d'autres régions de la République centrafricaine ou dans des pays voisins. De nombreux enfants ont été séparés de leurs familles pendant le traumatisme et le chaos de la fuite éperdue, y compris Youssoufa et ses deux soeurs, Ramatou et Awaou.
L'agence des Nations Unies pour les réfugiés prend en charge les mineurs non accompagnés et les enfants particulièrement vulnérable. Le HCR tente de retrouver leurs parents ou d'autres proches et travaille en étroite collaboration avec les pays d'asile et les autorités de République centrafricaine pour regrouper les enfants et les membres de leur famille.
Il est trop tard pour Youssoufa, mais le HCR espère que ses soeurs et d'autres enfants non accompagnés présents dans l'enclave de Yaloké - où ils ont été pris au piège pendant des mois - seront réunis avec leurs familles au Tchad et au Cameroun.
Le calvaire du jeune garçon avait commencé en février 2014, quand sa famille et d'autres avaient fui les attaques commises par des groupes armés contre les nomades peuls, ou fulani, de majorité musulmane dans la préfecture de Lobaye, à l'ouest de Bangui, la capitale.
Ils ont marché pendant des mois, se cachaient dans la brousse, pour sauver leur vie, et cherchaient désespérément un lieu sûr. Mais un grave problème a eu lieu quand la famille a tenté de monter à bord d'un camion vers le Cameroun. Dans la bousculade effrénée, les parents de Youssoufa ont pu s'échapper mais le garçon, ses deux soeurs et leur grand-père sont restés sur place.
Après avoir échappé à des attaques, ils ont tous les quatre trouvé refuge à Yaloké, une petite ville située à environ 200 kilomètres au nord-ouest de Bangui. Toutefois leur nouvelle maison est en fait devenue une prison, avec quelque 400 Peuls vivant dans un périmètre de 500 mètres protégé par les troupes. Ce fut un choc pour les membres de ce peuple nomade fier, qui ne pouvaient plus subvenir à leurs propres besoins et qui avaient besoin d'une assistance humanitaire d'urgence.
Les conditions se sont détériorées et Youssoufa, désespéré, est tombé en dépression. Il n'avait plus vu ses parents depuis plus de huit mois, il avait été témoin de nombreuses exactions pendant sa fuite en exil. Il souffrait également de malnutrition sévère. Il avait perdu la capacité et le désir de manger, malgré les encouragements de travailleurs humanitaires. Il est décédé mardi, la semaine dernière.
Tous les employés humanitaires ont été touchés par ce jeune garçon et son amour pour sa famille, et ils étaient très tristes de le voir dépérir, malgré leur aide. Il y a deux semaines, le HCR a finalement réussi à retrouver ses parents à Gado, dans l'est du Cameroun.
Les parents ont été ravis d'apprendre que leurs trois enfants étaient vivants, mais ils se sont inquiétés de leur situation. Ils attendaient impatiemment de se retrouver tous réunis. Mais ce sont des nouvelles dévastatrices avec la mort de leur fils souffrant du mal du pays qui leur sont arrivées.
« La nouvelles de la mort de Youssoufa a été un choc pour nous tous », a déclaré Kouassi Etien, le Représentant du HCR en République centrafricaine. « Nous faisons notre possible pour retrouver les proches des personnes déplacées internes qui sont piégées à Yaloke afin de faciliter le regroupement familial avant qu'il ne soit trop tard. »
En pleurant la mort de Youssoufa, les employés du HCR espèrent réunir ses frères et soeurs avec leurs parents. Le HCR a également identifié 14 autres enfants non accompagnés dans l'enclave de Yaloké ainsi que 23 personnes qui souhaitent retrouver leurs familles au Cameroun ou au Tchad.
Le HCR continue également de promouvoir le respect par toutes les parties de la libre circulation des personnes vulnérables, un droit humain fondamental. Plus de 90% des Peuls pris au piège à Yaloké ont fait savoir aux agences d'aide qu'ils souhaitent être évacués pour motifs humanitaires.
Par Dalia Al Achi à Yaloké, République centrafricaine