Quelque soit la frontière qui les sépare de l'Afghanistan, les familles réfugiées sont animées du même désir de rentrer dans leur pays
Quelque soit la frontière qui les sépare de l'Afghanistan, les familles réfugiées sont animées du même désir de rentrer dans leur pays
PESHAWAR, Pakistan, 24 avril (UNHCR) - Peu après l'invasion de l'Afghanistan par les Soviétiques en 1979, Mohammed Afzal, sa femme et leur fils adolescent ont fui leur maison près de Jalalabad pour chercher refuge de l'autre côté de la frontière, au Pakistan.
Leur voyage s'est terminé dans un petit camp accueillant d'autres réfugiés dans la ville de Peshawar. L'endroit a été surnommé Katchagari, ce qui signifie campement de boue. Y vit aujourd'hui une communauté affairée de 50 000 membres. Depuis son arrivée, il y a deux décennies, la famille de Mohammed Afzal s'est elle aussi agrandie, passant de 3 à 14 personnes.
Katchagari devant être fermé fin avril, ses habitants ont le choix d'être relogés dans d'autres camps ou de recevoir l'aide de l'UNHCR afin d'être rapatriés. Mohammed Afzal a, pour sa part, décidé de mettre un terme à ses vingt ans de vie en exil et de rentrer dans sa région d'origine.
« Nous avons de si grand espoirs pour ce retour », raconte-t-il pendant que la famille charge les biens de la maison à bord d'un camion haut en couleurs. « Mais notre pays a aussi besoin de nous pour se reconstruire après les turbulences engendrées par trente années de guerre. C'est à nous qu'il incombe de rentrer et d'aider à sa reconstruction. »
A plus de 1 500 kilomètres de distance, à la frontière entre l'Afghanistan et l'Iran, Abdul Sattar a presque complété son retour. Avec sa famille, il a voyagé de nuit, quittant Téhéran à bord de bus mis à disposition par l'agence des Nations Unies pour les réfugiés. Il ne leur reste plus que deux heures de route avant d'arriver chez eux.
« Nous avons décidé de rentrer car les conditions de sécurité dans cette zone sont bonnes », explique Abdul Sattar. « La vie de réfugié n'est pas facile, même dans une grande ville comme Téhéran. Maintenant que les combats sont finis, nous voulons rentrer dans notre pays. »
Mohammed Afzal et Abdul Sattar font partie des plus récents bénéficiaires du programme de rapatriement le plus important du monde depuis les quatre dernières années. La chute des taliban en 2001 a mis un terme à des décennies de guerre civile en Afghanistan. Cet espoir de paix a accompagné les 4,5 millions de réfugiés afghans qui sont déjà rentrés chez eux, pour la plupart avec l'aide de l'UNHCR.
Avec le retour de plus d'un demi million de réfugiés l'an passé, l'Afghanistan continue d'être la plus large opération de retour de l'agence onusienne.
Le jour de son départ, la famille de Mohammed Afzal est arrivée très tôt au centre d'enregistrement de l'UNHCR à Peshawar.
En même temps que l'enregistrement auprès de l'agence pour les réfugiés, chaque personne rapatriée âgée de plus de six ans passe un scanner de l'iris. Cette vérification minimise le risque que les rapatriés reçoivent l'aide au rapatriement plus d'une fois et garantit une utilisation optimale des fonds alloués par les donateurs à l'UNHCR.
Les véhicules transportant la famille franchissent ensuite les tournants abrupts du col de Khyber. A la ville frontalière de Torkham, un poste frontière très animé entouré d'imposantes montagnes, ils rencontrent brièvement des employés de l'UNHCR chargés de surveiller le bon déroulement des opérations avant d'entrer en Afghanistan.
Avec ses neuf enfants et ses deux femmes, Essan, le fils de Mohammed Afzal, sait que sa décision de rentrer fait peser sur lui une lourde responsabilité.
« Nous sommes rentrés ici avec l'espoir d'une vie meilleure », dit-il. « L'Afghanistan se développe et j'espère que je pourrai scolariser mes enfants. »
Tous les enfants d'Essan sont nés au Pakistan et ne connaissent pas d'autre maison que Katchagari. Mais sa plus jeune fille, Annisa, ne montre aucun signe d'appréhension alors qu'elle traverse ce nouveau pays.
« Pourquoi l'Afghanistan me serait-il inconnu ? », dit-elle en agitant un jouet. « Beaucoup de mes proches sont ici. »
Deux heures après avoir traversé la frontière, ils arrivent dans leur village. Pour Mohammed Afzal, ce voyage de quatre heures met fin à 25 ans de bouleversements et d'exil.
Dans le district d'Injil, dans la province d'Hérat située à l'ouest de l'Afghanistan, les voisins d'Abdul Sattar sortent tous pour l'accueillir. Comme Abdul, nombre d'entre eux sont des vétérans de la guerre d'Afghanistan qui ont dû être amputés durant les combats. En marchant avec sa béquille, Abdul inspecte son ancienne demeure, très endommagée durant son absence.
« Je veux reconstruire ma maison », dit-il. « Mais jusqu'à ce que je gagne de l'argent, je vais vivre avec mon frère. »
En plus d'aider les réfugiés à rentrer chez eux, l'UNHCR a pour objectif d'assister les personnes vulnérables à se réinstaller dans leurs villages d'origine. Dans le cadre de son programme d'hébergement, l'agence humanitaire a ainsi aidé plus de 140 000 familles à reconstruire leurs maisons.
Abdul Sattar achève son voyage en se rendant au centre de réception de l'UNHCR à Hérat. Tous les rapatriés reçoivent de l'UNHCR une allocation de transport de 4 à 37 dollars, selon la distance à parcourir jusqu'à leur destination finale, ainsi que 12 dollars par personne pour les aider à répondre à leurs besoins immédiats.
Un plan d'aide à l'Afghanistan, appelé « Afghanistan Compact », a été récemment adopté. Il constitue le point de départ d'une nouvelle phase du développement de l'Afghanistan. Le programme de rapatriement est, quant à lui, dans sa cinquième année et a déjà permis d'aider au retour plus de 3,5 millions d'Afghans. Il entre également dans une nouvelle phase, l'UNHCR ainsi que les Gouvernements de l'Afghanistan, du Pakistan et de l'Iran se tournant vers l'avenir.
Pendant ce temps, aux frontières de l'Afghanistan, le mouvement initié par ce nombre sans précédent de rapatriements continue. Quelque 600 000 Afghans devraient encore rentrer du Pakistan et de l'Iran en 2006.
Par Tim Irwin en Afghanistan, et Babar Baloch au Pakistan