Près de 3 000 personnes fuient leurs villages dans le sud-est du Tchad suite aux récentes attaques
Près de 3 000 personnes fuient leurs villages dans le sud-est du Tchad suite aux récentes attaques
ABECHE, Tchad, 3 avril (UNHCR) - L'UNHCR et ses partenaires sont confrontés à une nouvelle vague de déplacements de population dans le sud-est du Tchad, après une attaque meurtrière pendant le week-end sur les villages de Tiero et Marena.
Les premières informations de l'UNHCR et d'autres agences humanitaires indiquent que, depuis l'attaque de samedi, entre 2 000 et 3 000 personnes sont arrivées dans le camp de réfugiés de Goz Amer, près de la ville de Koukou, à environ 45 kilomètres à l'est des deux villages. Le camp de Goz Amer accueille plus de 19 000 réfugiés soudanais originaires de la région voisine du Darfour.
Un nombre inconnu de villageois aurait fui en direction de la frontière soudanaise. Une mission d'évaluation inter organisation, y compris l'UNHCR, est partie lundi pour se rendre dans les deux villages et devrait fournir des informations plus précises sur le nombre total de personnes qui ont été déplacées.
Selon les premières informations, au moins 70 personnes ont été blessées lors de l'attaque de samedi, dont 34 grièvement. Elles ont été évacuées vers l'hôpital de Goz Beida, à une heure de route de Goz Amer. Beaucoup des blessés ont été recueillis le long de la route par des véhicules humanitaires.
Les autorités militaires tchadiennes ont rapporté qu'au moins 65 personnes avaient été tuées dans le village de Tiero. Les corps se décomposent rapidement à cause de la chaleur et ils seront enterrés dans une fosse commune aujourd'hui, de façon à éviter toute épidémie. Des chiffres pour le village de Marena devraient nous parvenir plus tard dans la journée. Le nombre de morts devrait augmenter, car des informations font état de cadavres le long des routes.
« Cette situation humanitaire est particulièrement dramatique, la souffrance est si aiguë que ces populations auront des difficultés à s'en remettre », a déclaré Serge Malé, délégué de l'UNHCR au Tchad. « La situation est en train de se dégrader et malheureusement, au lieu de trouver des solutions, les déplacements s'aggravent. »
Les personnes nouvellement déplacées sont dirigées vers le site de déplacés d'Aradif, situé juste à côté du camp de réfugiés de Goz Amer, où ils reçoivent une assistance, notamment de la nourriture et d'autres articles de secours. Bien que l'eau soit déjà disponible sur le site, la capacité est augmentée par l'approvisionnement de nouveaux réservoirs d'eau. Des structures d'urgence ont été mises en place pour héberger les plus vulnérables.
Une ONG a rapporté que la situation nutritionnelle devenait préoccupante, de nombreux nouveaux arrivants ont passé plus de deux jours sans se nourrir. Les vaccinations contre la rougeole ont commencé pour les enfants de moins de 15 ans. Les enfants reçoivent aussi de la vitamine A et des biscuits énergétiques.
« Nous allons mettre en place une réponse humanitaire appropriée pour gérer cette situation, mais cela ne règlera pas la cause des problèmes dans la région », a ajouté Serge Malé, délégué de l'UNHCR. « Nous attendons que les autorités tchadiennes prennent les mesures nécessaires pour assurer la protection de la population et restaurer l'ordre dans la région. »
Des témoignages recueillis jusqu'à présent indiquent que l'attaque a été menée par des milices janjawid qui ont été repoussées par des milices locales d'auto-défense et des soldats de l'armée nationale, après plusieurs heures de combat. Les réfugiés du camp de Goz Amer et les habitants du village de Koukou avaient entendu des explosions et de tirs d'artillerie lourde pendant les combats. La situation est revenue sous contrôle samedi après-midi, lorsque les supposées milices janjawid ont fui en direction de la frontière soudanaise.
Selon des témoignages de survivants interrogés par l'UNHCR et les agences partenaires, des hommes se déplaçant à cheval, à dos de chameau ou dans des véhicules, certains équipés d'armes lourdes ont encerclé leurs villages. Les assaillants ont commencé à ouvrir le feu au hasard dans les villages, et à poursuivre la population qui fuyait, dépouillant les femmes de leurs bijoux et tirant sur les hommes, dont beaucoup seraient décédés.
« Les attaquants sont arrivés très tôt samedi matin, vers cinq heures, depuis toutes les directions », a indiqué un survivant de Tiero, qui a été blessé. « Les attaques ont duré jusqu'à environ 17 heures 30. Il y avait tant de morts que nous ne pouvions tous les compter. Les corps ont été enterrés dans une fosse commune. »
La majorité de la population arrivée au camp de réfugiés de Goz Amer est composée de femmes et d'enfants. Il y a aussi bien des populations locales originaires de Tiero et Marena, ainsi que des personnes qui avaient été déplacées par les précédentes hostilités dans la région. Les déplacés nous ont indiqué que de nombreuses personnes se cachaient encore dans la brousse, craignant que leurs assaillants soient toujours dans la région.
Il y a actuellement 120 000 personnes déplacées internes dans l'est du Tchad. La région accueille également 230 000 réfugiés soudanais, notamment 220 000 dans les 12 camps gérés par l'UNHCR. Le Tchad accueille également dans le sud quelque 46 000 réfugiés originaires de la République centrafricaine.
Par Matthew Conway à Abéché, Tchad