Histoire d'une famille afghane : enfin l'espoir d'une vie nouvelle aux Etats-Unis
Histoire d'une famille afghane : enfin l'espoir d'une vie nouvelle aux Etats-Unis
ISLAMABAD, 11 février 2004 (UNHCR) - Le réfugié Sadiq Mir et sa famille devaient prendre l'avion le 11 septembre 2001. Mais, alors qu'ils attendaient leur départ, les attaques dévastatrices frappaient les Etats-Unis. C'est aujourd'hui seulement qu'ils peuvent enfin s'envoler vers les Etats-Unis, promesse d'une nouvelle vie. Le couple afghan et ses six enfants sont originaires de Kaboul mais l'UNHCR considère qu'ils peuvent y être victimes de persécutions religieuses.
A peine six heures de vol les séparent des Etats-Unis mais leur voyage est brusquement annulé après la fermeture des aéroports américains. Lorsque ces derniers ouvrent à nouveau, les autorités américaines ont gelé tous les dossiers comme celui de la famille Mir.
Tous ces dossiers sont ceux des réfugiés qui bénéficiaient des programmes de réinstallation aux Etats-Unis après que l'UNHCR a conclu qu'ils seraient victimes de persécution ou en danger s'ils retournaient dans leur pays.
Avec les nouvelles règles restrictives américaines, certains dossiers sont à nouveau approuvés après quelques mois. Le dossier de la famille Mir, au contraire, a traîné pendant presque deux ans et demi. Environ 50 personnes pour lesquelles la réinstallation était prévue dans les semaines suivant le 11 septembre attendent toujours une réponse.
Ce n'est que mercredi que la famille Mir n'a pu embarquer sur le vol au départ d'Islamabad. Leur périple, organisé par l'Organisation des Migrations Internationales, a pris fin jeudi à la mi-journée : ils sont enfin arrivés dans leur nouveau « chez eux » à Chicago. M. Mir n'a eu connaissance de la décision américaine que vendredi dernier. Et ce n'est que dimanche, après avoir appris la destination exacte, qu'il a entrepris d'acheter des vêtements chauds.
« J'attendais cela depuis le 22 juin 2001, » s'écrie M. Mir, fou de joie, quelques minutes après avoir appris l'approbation de son dossier. Sa famille avait ses bagages prêts au départ, attendant simplement d'aller à l'aéroport, lorsque les avions détournés se sont écrasés contre les Tours de New York et les immeubles de Washington. M. Mir ajoute alors : « Je pensais que le départ ne serait que reporté de quatre ou cinq jours. »
La famille Mir avait déménagé au Pakistan depuis l'Afghanistan dans les années 80 après sa conversion au christianisme. Hormis un bref retour en Afghanistan en 1992 au cours duquel M. Mir a été battu, la famille n'y est jamais revenue depuis. Ils ont également reçu des menaces dans la ville frontière de Peshawar ; l'UNHCR a donc transféré la famille à Islamabad en 2001 pour leur protection. La peur ne les a cependant jamais quittés.
« Au moment des attaques du 11 septembre, j'étais posté devant la télévision ; mon vol a alors été annulé. Je pensais que tous mes enfants seraient tués » raconte M. Mir. Il ajoute : « A cette période, nous étions suivis par quelques personnes. Même maintenant lorsque je vais au supermarché, je ressens à nouveau cette peur. »
Pour l'UNHCR, la solution la plus favorable pour les réfugiés est de regagner leur patrie. Mais lorsque cette solution ou bien encore l'intégration dans le pays vers lequel ils ont fui s'avère impossible, l'UNHCR transmet alors ces dossiers à certains pays tiers susceptibles d'accueillir des personnes qui seraient victimes de persécution ou en danger en cas de retour dans leur pays d'origine. Les motifs de la persécution relèvent des croyances politiques ou bien religieuses ou bien encore d'une certaine vulnérabilité provoquée par des situations individuelles comme celles des veuves par exemple.
Sadiq Mir raconte : « Si je savais que je pouvais retourner en Afghanistan, je ne préfèrerais aucune destination plus que celle-ci. Mais depuis que j'ai appris qu'un de mes amis avaient été tué par ces gens et que d'autres proches ont été attaqués, je sais que je ne pourrais jamais mener une vie tranquille là-bas. »
M. Mir, sa femme Najia et leur six enfants (trois filles et trois garçons entre huit et seize ans) se sont efforcés du mieux qu'ils ont pu de se préparer à leur nouvelle vie. Ils ont fait l'acquisition d'un tableau à accrocher au mur de leur appartement de quatre pièces à Islamabad : les enfants qui ont le plus de notions d'anglais les enseignent au reste de la famille.
A la fin de l'année dernière, Sadiq Mir n'avait pas assez d'argent pour que tous ses enfants aillent à l'école ; en janvier, aucun d'eux n'y est allé. Il essaie alors de compléter sa modeste allocation versée par l'UNHCR avec ce qu'il peut gagner sur un marché local le week-end en vendant des bijoux, appartenant pour la plupart à son épouse.
M. Mir raconte : « Lorsque j'arriverai aux Etats-Unis, la première chose que je ferai c'est d'essayer de mieux y connaître les gens, d'apprendre mieux leur langue. Ensuite je devrais trouver un emploi pour subvenir aux besoins de ma famille. Lorsque je l'aurai enfin trouvé, je voudrais comme maintenant travailler également dans le domaine de la bijouterie. »
Il ajoute : « J'aimerais également aider les orphelins, qu'ils soient Américains, Afghans, Pakistanais ou bien encore Iraniens. Pour moi, ils sont tous des êtres humains. »
Alors que seules quelques heures les séparent du départ, toute la famille est assise auprès de ses bagages ; bien entendu, tous sont nerveux à l'idée que quelque chose pourrait à nouveau les empêcher de partir. C'est seulement après qu'ils se sont assis dans le bus et que ce dernier part enfin en direction de l'aéroport que l'aîné des fils, Quadir, âgé de 14 ans, laisse exploser sa joie et, très agité, il fait ses adieux d'un signe de la main.