Exilée lorsqu'elle était enfant, une grand-mère sahraouie espère toujours rentrer
Lorsque Mbareka a fui la violence durant la guerre du Sahara occidental avec sa famille lorsqu'elle était jeune fille en 1975, elle n'aurait jamais pu imaginer qu'elle deviendrait grand-mère pendant l’exil.
Aujourd'hui âgée d'une cinquantaine d'années, elle vit dans le camp de réfugiés de Smara - l'un des cinq camps accueillant des réfugiés du Sahara occidental dans un zone désertique reculée au sud-ouest de l'Algérie. La petite famille comprend son mari Ali Mohammed, aujourd'hui âgé et en mauvaise santé, leur fille Ghaitna et son mari, et leur petit-fils Abdullahi, âgé de deux ans.
La famille habite dans une maison en briques de terre et aussi une tente traditionnelle qui a été fournie il y a huit ans par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. La durée de vie des tentes est de quatre ans, mais alors que le HCR fournissait environ 3 000 nouvelles tentes par an aux résidents du camp, cette année, il n'en distribué que 1 000 en raison des coupes budgétaires.
« Nous faisons tout ici », explique Mbareka, les jambes croisées sur le tapis rouge de la longue tente ombragée. « Dormir, manger, boire du thé, recevoir des invités. C’est notre culture. Si vous offrez à une personne âgée une villa ou une tente, nous choisirons la tente. »
Les tentes sont adaptées à l'environnement désertique rude auquel les réfugiés doivent faire face, et elles sont meilleures que les huttes de boue pour faire face aux vents forts, aux importantes précipitations en hiver et à la chaleur écrasante de l'été.
Mais la vie dans le camp est difficile. Mbareka passe du temps chaque jour à réparer l'ancienne tente, et les preuves sont visibles dans ses mains calleuses. Ce n'est traditionnellement pas un travail pour la génération plus âgée, mais les jeunes femmes dans les camps ne sont pas aussi familières avec cette compétence essentielle. « Certains endroits sont toutefois trop usés pour utiliser une aiguille », explique la matriarche.
« Chaque jour est un défi, qui durera jusqu'à notre retour. »
L'hébergement n'est pas le seul défi auquel font face les familles ici. Pour le stockage de l'eau, la famille Mbareka utilise un réservoir dans lequel poussent les algues, ce qui affecte considérablement la qualité de l'eau. Elle préférerait disposer d’un réservoir de ciment, mais ces derniers sont chers pour l'achat privé, et le HCR ne peut en fournir qu'un petit nombre chaque année en raison des pénuries de fonds.
L'aide alimentaire qu'ils reçoivent ne dure pas jusqu'à la fin du mois, alors la famille fait son possible pour combler le vide. Ils n'ont pas de bétail et n'ont pas les moyens d'acheter de la viande plus d'une fois par mois ou deux. Sans réfrigérateur, le peu qu'ils ont se gâte rapidement. « Chaque jour est un défi, qui durera jusqu’à notre retour », indique Mbareka.
Malgré leur situation, Mbareka - comme la plupart des Sahraouis - est résiliente. Elle identifie des avantages à sa situation, même dans son exil prolongé au sein d’un environnement inhospitalier. Elle apprécie le calme du désert et chérit les bonnes relations qu'elle entretient avec ses voisins. « Nous vivons dans une atmosphère très stable. »
Après plus de 40 ans, le peuple sahraoui attend toujours une solution politique à sa situation. La plupart des réfugiés sahraouis sont nés dans les camps, n'ayant jamais connu leur patrie. Mbareka compte parmi ceux qui se souviennent de la vie avant l'exil. « L'air et la terre me manquent », dit-elle.
Elle se souvient du long et difficile voyage à pied quand sa famille se rendait en Algérie pour y chercher ce qu'ils pensaient n'être qu'un refuge temporaire avant leur retour éventuel. « À un moment donné, je ne pouvais plus marcher, alors ma mère m'a soulevé et m'a mis sur les chèvres avec lesquelles nous voyagions, et les chèvres ont dû me porter. »
Décrivant ses espoirs et ses craintes, Mbareka affirme simplement : « J'espère rentrer chez moi avant de mourir, et j'ai peur pour ma fille, mon gendre et pour Abdullahi - qu'ils restent et vieillissent ici. Je crains comme tout le monde ici, qu'on reste ici et qu'on nous oublie. »