Les familles afghanes luttent pour leur survie alors que sévit dans le pays l'hiver le plus froid depuis dix ans
Les familles afghanes luttent pour leur survie alors que sévit dans le pays l'hiver le plus froid depuis dix ans
Fatima* allaite son petit dernier alors que ses deux autres enfants jouent bruyamment dans la petite pièce où ils vivent. Elle est trop fatiguée et trop soucieuse pour réagir.
Sa famille a été contrainte de se déplacer vers un autre district, à une centaine de kilomètres de là, lorsque le conflit s'est intensifié dans la province de Bamyan, une région montagneuse du centre de l'Afghanistan, il y a deux ans. Elle a divorcé de son mari, un toxicomane, avant de retourner chez elle. Sa mère et son frère sont réfugiés en Iran, et c'est à elle seule qu'est revenue la tâche de trouver un endroit où vivre avec ses enfants.
Depuis huit mois, elle a élu domicile dans une grotte vieille de plusieurs siècles située à flanc de montagne, près de l'endroit où se trouvaient les anciens bouddhas de Bamyan, ces deux sculptures monumentales du sixième siècle qui ont été détruites en 2001. La grotte n'offre que peu d'espace, mais elle permet de s'abriter du froid de l'hiver.
« Nous n'avions nulle part où aller », explique-t-elle. « Nous n'avions pas les moyens de payer un loyer. »
« Il y a des scorpions en été... Ils viennent jour et nuit. »
Elle a essayé de rendre l'endroit accueillant en y mettant des coussins, un tapis reçu d’un voisin qui s'en est allé et un petit poêle, mais y vivre n'est « pas facile ».
« Il y a des scorpions. En été, il y en a beaucoup et j'ai peur pour les enfants », dit-elle. « Ils viennent jour et nuit. »
Une équipe du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a constaté en juillet 2022 que la famille vivait dans des conditions désastreuses et lui a fourni une aide financière d'urgence. Récemment, Fatima a reçu une autre allocation, pour l'aider à passer l'hiver, ainsi que quelques couvertures. La famille fait actuellement l'objet d'une évaluation pour déterminer si elle doit bénéficier d'autres types d'aide fournis par le HCR, qu'il s'agisse d'espèces, d'un appui aux moyens de subsistance ou encore d'une assistance en matière de logement.
« Tout ce que vous voyez ici, je l'ai acheté avec l'argent reçu du HCR », indique Fatima en désignant ce qui l'entoure. « Si je n'avais pas bénéficié de cette aide, ma situation serait épouvantable. »
Mais sans assistance régulière ni revenu, elle a été contrainte de faire des choix difficiles pour assurer la survie de sa famille. Lorsqu'elle était au plus bas, avant de bénéficier de l'aide du HCR, elle a décidé de confier l'un de ses plus jeunes fils - des jumeaux - à son frère qui n'avait pas d'enfant et qui vit désormais en Iran.
« À l'époque, j'étais dans une situation très compliquée. Il m'était difficile de nourrir les enfants, et ceux-ci étaient malades. Je pensais que c'était la seule chose à faire. Mais aujourd'hui, en tant que mère, vous ne pouvez pas savoir à quel point je souffre. C'est la pire décision que j'aie jamais prise », ajoute-t-elle. « Peut-être que mon fils a de meilleurs chances, un meilleur avenir auprès de mon frère... mais cela me fait tellement souffrir. »
Elle n'est pas la seule à devoir faire des choix difficiles. Les habitants de la province de Bamyan - la région la plus élevée d'Afghanistan et l'une des plus froides - sont habitués aux hivers rigoureux. Mais cette année est la plus froide depuis plus de dix ans, et ces conditions météorologiques extrêmes ont gravement affecté les plus pauvres et les plus vulnérables comme Fatima, alors que la situation était déjà très difficile pour des millions d'Afghans.
Les organisations humanitaires prévoient qu'un nombre record de 28,3 millions de personnes - soit environ les deux tiers de la population du pays - auront besoin d'une aide humanitaire en 2023. Environ 6 millions d'entre elles sont déjà au bord de la famine.
L'économie afghane étant en chute libre et les prix des denrées alimentaires s'envolant, de nombreuses familles désespérées ont contracté des prêts ou emprunté de l'argent à leurs voisins. Le moindre revers de fortune peut les plonger dans un profond endettement.
Dans le village de Surkhqul, Nekhbakhd, mère de six enfants, et sa famille ont emprunté 600 000 afghanis (6730 dollars) pour pouvoir payer le traitement hospitalier de son beau-père à Kaboul avant sa mort. Ils ont également acheté du pain à crédit auprès d'une boulangerie locale. Son mari travaille comme ouvrier occasionnel et a souvent du mal à trouver du travail, surtout pendant l'hiver.
« Je suis très inquiète car nous avons contracté de gros emprunts et je ne vois pas comment nous pourrons les rembourser », confie-t-elle.
La famille a reçu une aide en espèces du HCR il y a deux mois, mais leur priorité absolue était d'acheter de la nourriture. « Cela nous a permis de manger. Cela nous a également permis d'acheter de quoi nous chauffer, comme du charbon et du bois. C'était très important pour nous. Mais maintenant, nous n'avons plus d'argent », ajoute-t-elle.
« Je ne forcerai jamais mes filles à se marier jeunes... mais nous devrions peut-être commencer à penser à envoyer les enfants travailler, même si pour l'instant ils sont encore trop jeunes. »
« Aujourd'hui, mes filles récupèrent le fumier des bêtes pour le brûler [dans le poêle] afin que nous puissions rester au chaud. Parfois nous mangeons, mais parfois nous devons sauter des repas et avons faim. On lutte au quotidien. »
« Cet hiver est plus froid que les autres hivers. »
Les programmes d'assistance en espèces du HCR peuvent aider les familles les plus vulnérables à éviter de devoir prendre des décisions préjudiciables. Ils leur rendent aussi une certaine dignité en leur permettant de déterminer eux-mêmes leurs besoins les plus urgents.
Sara, mère de cinq enfants, était enceinte de deux mois lorsque son mari est décédé il y a un an et demi. Elle dépend désormais de l'aide du HCR pour faire vivre sa famille. Le soutien fourni lui a permis d'acheter un boukhari (poêle à bois traditionnel, utilisé pour cuisiner et se chauffer), autour duquel tous les membres de la famille dorment dans leur unique pièce de vie.
« Cet hiver est plus froid que les autres hivers. Cependant, maintenant nous avons ce poêle, nous avons du charbon et du bois et nous pouvons nous chauffer. »
« Sans l'aide du HCR, les choses auraient été très difficiles. J'aurais dû mendier auprès des autres membres de la communauté. L'aide du HCR est une véritable planche de salut », conclut-elle.
*Le nom a été modifié pour des raisons de protection