Les dirigeantes du HCR s'expriment sur la question de l'égalité des genres à l'occasion de la Journée internationale de la femme
Les dirigeantes du HCR s'expriment sur la question de l'égalité des genres à l'occasion de la Journée internationale de la femme
GENEVE, 8 mars (UNHCR) - Alors que les bureaux de l'UNHCR célèbrent partout dans le monde la journée de la femme et son thème « Les femmes et la prise de décisions », trois des responsables les plus importantes de l'agence onusienne s'expriment sur la question de l'égalité des genres au sein de l'organisation et évoquent la situation de millions de femmes et de filles réfugiées.
Cette année, le thème choisi pour célébrer la Journée internationale de la femme est consacré à la place des femmes dans les processus décisionnels. Trois des quatre postes les plus importants au sein de la structure de direction de l'UNHCR sont occupés par des femmes. Elles sont donc toutes associées au plus haut niveau aux processus de décision de l'agence. Le Haut Commissaire António Guterres a nommé deux d'entre elles en janvier dernier - la Haut Commissaire assistante pour les opérations Judy Cheng-Hopkins et la Haut Commissaire assistante pour la protection Erika Feller. Quant à Wendy Chamberlin, elle occupe, depuis janvier 2004, le poste de Haut Commissaire adjointe, la deuxième position la plus élevée de l'organisation.
Interrogées sur les efforts fournis par les Nations Unies en général et par l'UNHCR en particulier pour donner plus d'importance aux femmes dans les processus de décision, toutes trois s'accordent pour constater que des progrès ont été réalisés mais qu'il reste encore beaucoup à faire.
Wendy Chamberlin, Haut Commissaire adjointe : « Je pense que l'UNHCR en particulier et les Nations Unies en général accordent une grande attention aux questions d'égalité entre les genres », déclare Madame Chamberlin. Elle rentre d'une réunion du Comité de haut niveau sur la gestion des Nations Unies à Paris, au cours de laquelle les thèmes principaux ont été consacrés à la réalisation de l'égalité des genres et à la prise en compte des femmes dans chaque dimension du travail effectuée par l'organisation. « Je considère donc que ce thème reçoit une grande attention. C'est effectivement une question importante et cela représente une priorité essentielle. »
Wendy Chamberlin explique, par ailleurs, que la nomination récente de Mesdames Cheng-Hopkins et Feller témoigne de l'attachement profond d'António Guterres à la parité et de son engagement personnel en la matière.
« Je pense que ces nominations sont un symbole de son engagement », a-t-elle ajouté. « Il a aussi adopté plusieurs mesures, notamment des promotions, en prenant soin qu'elles reflètent l'égalité des genres ... »
Elle ajoute cependant qu'« un nombre de défis importants restent à relever », y compris l'impact sur les familles de la politique de rotation sur le terrain de l'UNHCR - une dimension qu'aucune politique de ressources humaines ne sera jamais capable de gérer dans sa totalité.
« Il faut aussi penser aux défis que les femmes rencontrent dans leurs familles, avec leurs enfants et la nécessité de trouver l'équilibre entre les besoins de ces enfants et leurs ambitions professionnelles », a ajouté Madame Chamberlin. « Ce sont de véritables défis personnels ... »
« Nous ne pouvons pas tout résoudre, notamment la question des choix personnels faits par les femmes. Cependant, sur le plan institutionnel, nous pouvons formuler des jugements moraux très clairs en cas de discrimination contre les femmes dans le cadre professionnel. Je suis désolée de dire que ce genre de situations continue d'exister. Parfois il s'agit de cas extrêmes, comme des abus et du harcèlement sexuel, parfois de plaisanteries masculines sur les femmes. »
Les millions de femmes déracinées avec lesquelles l'UNHCR travaille à travers le monde méritent, elles aussi, une chance de prendre les décisions qui concernent leur existence, a également précisé Wendy Chamberlin. Elle a ajouté que l'ensemble des équipes de l'UNHCR sur le terrain devaient être sensibilisées aux besoins des femmes réfugiées et que le personnel féminin était particulièrement bien placé pour les comprendre.
« Beaucoup de nos bénéficiaires sont des femmes. Du fait de leurs besoins spécifiques, il est naturel qu'elles s'entendent mieux avec les membres féminins de l'équipe », a-t-elle ajouté. « Je ne pense pas que nous pourrions faire notre travail, protéger et assister les réfugiés sur le terrain, sans l'aide de notre personnel féminin. »
La Haut Commissaire assistante Judy Cheng-Hopkins estime que les Nations Unies, dans leur ensemble, « n'atteignent » pas les objectifs établis dans le domaine de l'égalité des genres mais que le Secrétaire général Kofi Annan fait preuve de sérieux dans ses efforts pour corriger cette situation.
En sa qualité d'ancienne employée du Programme des Nations Unies pour le développement et du Programme alimentaire mondial, Judy Cheng-Hopkins a expliqué qu'elle était convaincue que ses presque trente années passées sur le terrain et aux sièges de diverses institutions onusiennes l'avaient aidée à devenir la première femme Haut Commissaire assistante pour les opérations de l'UNHCR.
« J'aime à penser que j'ai été choisie non parce que je suis une femme mais en raison de mon expérience, de mes acquis, de mes diplômes et de mes 27 années passées au service de plusieurs organisations des Nations Unies ... que ce sont les principales raisons de ma nomination ... », déclare-t-elle. « J'espère vraiment que c'est le cas. Il faut toutefois être un peu réaliste. Le fait qu'en plus je sois une femme, qui plus est une femme originaire d'un pays en voie de développement, a peut être était le facteur décisif. »
Même si elle est convaincue qu'elle a été choisie sur la base de ses compétences personnelles, Judy Cheng-Hopkins estime que le changement et la diversité peuvent contribuer à améliorer une organisation déjà performante.
« Qu'y a-t-il de mal à cette remise en cause ? Quel mal peut-il y avoir à susciter un peu d'angoisse chez les hommes ? Je pense que cela ne peut qu'être bénéfique, en particulier lorsqu'on est en train d'introduire des changements et que l'on veut faire savoir que cette organisation reste extrêmement valable et très solide ... »
Madame Cheng-Hopkins prévoit de passer davantage de temps sur le terrain, puisqu'elle dirige les opérations de l'UNHCR dans le monde entier. Elle est d'accord sur le fait qu'il peut être plus difficile pour des femmes haut placées de travailler avec des homologues masculins dans des sociétés conservatrices, mais ces obstacles peuvent être dépassés.
« Je me souviens être allée en Afghanistan, du temps des taliban, avec le PAM, il y avait des mollahs et encore des mollahs », se rappelle-t-elle. « Quelques-uns étaient légèrement progressistes et d'autres étaient très conservateurs.... Je ne voudrais pas considérer en bloc toutes les sociétés conservatrices. Je pense que certaines, et c'est là que notre opinion rentre en compte, seraient à même de recevoir une femme haut placée, pour des discussions sérieuses.... D'autres peuvent être plus hésitantes, mais avec un petit coup de pouce, ce serait possible ... et surtout si nous faisons la preuve de notre sensibilité et de notre sérieux, et que nous ne les confrontons pas à leurs préjugés ... »
Judy Cheng-Hopkins est juste rentrée de sa première mission au Tchad et a été impressionnée par les employés de l'UNHCR qu'elle a rencontrés là-bas, notamment par les femmes responsables d'opérations.
« Je reviens tout juste du Tchad où il y a beaucoup de femmes », a-t-elle expliqué. « La déléguée est une femme, au caractère aussi trempé que l'on puisse imaginer. L'un de ses adjoints est une femme, à Abéché, amenée à gérer une opération de réfugiés dans des conditions particulièrement difficiles. D'un style différent, mais tout aussi solide, toutes deux dédient leur vie à l'UNHCR et à leur métier. D'accord, peut-être est-ce par coïncidence que j'ai rencontré ces femmes lors de ma première mission. Mais le fait est qu'elles sont là-bas, contrairement aux idées préconçues selon lesquelles les femmes ne voudraient pas aller dans des situations ou des pays difficiles. »
La Haut Commissaire assistante pour la protection Erika Feller a dirigé le département de la protection internationale de l'UNHCR depuis 1999. Elle est convaincue que l'agence est maintenant engagée vers la parité, et ainsi plus consciente des contraintes que vivent les familles.
« J'aime à penser que les gens ont ce qu'ils méritent parce qu'ils ont les compétences demandées et les capacités requises », a indiqué Erika Feller, la responsable des juristes de l'UNHCR. « Je crois que c'est ne pas rendre service aux femmes que de leur faire croire que pour arriver à ce niveau, le fait d'être une femme devrait jouer un rôle important ... »
Bien entendu, la difficulté tient à trouver un bon équilibre travail-vie personnelle. C'est un défi pour toute organisation, mais particulièrement dans la nôtre car il y a beaucoup de lieux d'affectation n'autorisant pas la présence de la famille. Ce n'est pas seulement un défi pour les femmes, mais aussi pour les hommes car les familles sont séparées. Cela peut être traumatisant pour tous les membres de la famille. »
Tout en reconnaissant que c'est une généralisation, Erika Feller pense que sur le terrain, les femmes peuvent avoir une attitude différente au sein d'une équipe. Elles sont davantage prêtes que les hommes à travailler ensemble dans un cadre harmonieux.
« Dans une organisation comme l'UNHCR, qui dépend beaucoup de nombreuses équipes de petite taille arrivant ensemble dans des lieux difficiles, où les gens dépendent beaucoup les uns des autres, je pense que c'est précieux d'avoir cette capacité particulière », a-t-elle ajouté. « Dans un environnement professionnel, il s'agit de la capacité de travail en équipe pour coopérer harmonieusement les uns avec les autres plutôt que d'établir des rapports basés sur la hiérarchie et les rapports de force. »
Comme ses deux collègues, Erika Feller a aussi souligné l'importance d'accompagner les femmes réfugiées vers le processus de prise de décision, les rendant capables de tenir un rôle plus influant dans leur camp et leur communauté. Les cinq engagements de l'UNHCR pour les femmes réfugiées, ayant pour objectif de leur permettre de mieux faire entendre leur voix dans la gestion de leur vie quotidienne, vont dans la même direction.
« Ainsi nous avons, bien sûr, nos cinq engagements pour les femmes réfugiées, qui sont généralement respectés dans nombre des opérations de l'UNHCR », ajoute-t-elle. « Nous avons des programmes de formation pour nos employés, qui incluent notamment des éléments spécifiques pour accroître la participation des femmes, sensibiliser les équipes à la contribution que ces femmes peuvent apporter et aux problèmes qu'elles rencontrent dans leurs communautés. »
Erika Feller, dont le succès et la carrière professionnelle ne sont plus à démontrer, indique que des jeunes femmes en début de carrière la consultent souvent pour lui demander conseil. Elle pense que des programmes de parrainage peuvent être extrêmement utiles pour les orienter dans la bonne direction.
« L'une des choses que j'ai toujours dite à chaque jeune femme essayant de grimper les échelons de la hiérarchie est de ne pas tomber dans le piège d'être plus homme qu'un homme, mais de rester fidèle à elle-même », dit Erika Feller. « Elle est non seulement une femme, mais elle le reste dans le cadre de son travail. Certains aspects de sa personnalité et de ses compétences viennent directement du fait qu'elle est une femme. Elle ne devrait pas les mettre de côté et faire primer l'étroitesse d'esprit qui voudrait que, pour avoir du succès, vous devez battre l'homme à son propre jeu. C'est très important de rester soi-même. Et ce que vous êtes est une combinaison unique de nombreuses choses provenant de votre passé, de votre éducation, de votre origine ethnique et de votre genre. Vous ne devriez pas essayer de minimiser l'importance de votre genre en supposant à titre erroné qu'il va vous desservir.