Journée internationale de la femme : les projets d'études d'une jeune fille violée tombent à l'eau
Journée internationale de la femme : les projets d'études d'une jeune fille violée tombent à l'eau
NYAKABANDE, Ouganda, 7 mars (HCR) - Il y a deux ans à peine, Florence*, 16 ans, était une lycéenne pleine d'ambition. C'était chose rare dans la région de Masisi, qui ne connait que l'anarchie et le danger, où elle vivait avec sa famille dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC).
Puis sa vie a tourné au cauchemar. Alors qu'elle partait travailler dans le champ de légumes cultivé par sa famille après une journée d'école, elle a été attaquée et violée par un homme en uniforme tandis que ses plus jeunes frères et soeurs courraient appeler au secours. Elle a été soumise à un test VIH mais sa joie d'être dépistée négative a été de courte durée quand elle a appris qu'elle était enceinte.
« J'ai été désespérée quand on m'a dit que j'étais enceinte d'un homme que je ne connaissais pas alors que j'étais encore jeune et que j'allais encore au lycée », a déclaré l'adolescente au HCR dans le centre de transit de Nyakabande. Dans ce centre, situé dans le district de Kisoro au sud-ouest de l'Ouganda, l'agence pour les réfugiés fournit des abris, de l'aide et une protection aux Congolais fuyant de l'autre côté de la frontière en provenance de la province du Nord Kivu en RDC.
Outre le traumatisme du viol, Florence a également connu la stigmatisation et la persécution de la part de son entourage et de ses voisins après son accouchement. Le HCR et ses partenaires l'ont aidée en l'orientant vers des organismes et des services offrant des traitements médicaux et psychosociaux spéciaux.
Mais le plus effroyable est que cette jeune femme fait partie des dizaines de milliers de personnes, principalement des femmes mais également des hommes, victimes de violences sexuelles et liées au genre dans le climat de conflit récurrent et d'anarchie régnant dans l'est de la RDC, en particulier dans la province du Nord Kivu où les viols et abus sexuels demeurent extrêmement courants.
Le HCR et ses partenaires dénoncent ce problème depuis longtemps et António Guterres, le Haut Commissaire pour les réfugiés, a fait des programmes de sensibilisation à la violence sexuelle et liée au genre une priorité, de même que les programmes de réponse et de prévention face à ce fléau qui toucherait 60 millions de filles dans le monde selon les estimations.
En RDC, d'après une étude de 2011 publiée par le Journal américain de santé publique, près de 1 150 femmes sont victimes de viols chaque jour. L'année dernière, dans le Nord Kivu, selon les chiffres des Nations Unies, 2 094 cas de violence sexuelle et liée au genre ont été enregistrés, dont 1 315 commis contre des personnes déplacées à l'intérieur du pays. Au total, 1 146 personnes ont subi un viol.
Dans le centre de Nyakabande, le personnel du HCR s'occupe chaque année de dizaines et de dizaines de victimes comme Florence, dont la plupart ont été agressées dans le Nord Kivu, où elles n'ont pas accès à des services de santé d'urgence post-viol comme les kits PEP (post-exposure prophylaxis ou prophylaxie post-contact). Sur les 325 cas de violence sexuelle et liée au genre signalés à Nyakabande l'an dernier, 302 ont eu lieu en RDC et 214 étaient des viols.
Cependant, bien qu'il s'agisse d'un problème très grave, de nombreuses victimes ne signalent pas les cas de violence sexuelle et liée au genre de crainte d'être stigmatisées. « C'est un réel défi d'inciter les réfugiés à signaler les cas de violence sexuelle et liée au genre, en particulier le viol et les violences domestiques », déclare Clarisse Ntampaka, responsable des services communautaires pour le HCR dans le sud de l'Ouganda.
Selon elle, l'agence obtiendrait « certains résultats grâce au dialogue avec les représentants des réfugiés et les groupes de réfugiés, en présentant les lois ougandaises et les services disponibles et en montrant que signaler ces problèmes permet de s'y attaquer et de faire changer les choses ».
Le HCR, en coopération avec des partenaires spécialisés, fournit également des conseils psychosociaux aux victimes de viols et autres formes de violence sexuelle et liée au genre dans le centre de Nyakabande, comme à Elodie*, une autre survivante de viol ayant fui de chez elle, dans l'est de la RDC, vers l'Ouganda après son agression.
Comme Florence, elle a craint d'avoir été contaminée par le VIH mais bien que les résultats du test se soient avérés négatifs, elle a eu du mal à surmonter l'agression commise par deux hommes armés chez elle. « Je préfère mourir que de rentrer au Congo, je déteste les hommes de là-bas et ils me font peur », a déclaré cette mère de quatre jeunes enfants au HCR.
Dans sa vie, Elodie a connu beaucoup de souffrances et de pertes - son premier mari a disparu après une attaque de leur village au cours de laquelle elle avait subi un premier viol ; son deuxième mari est décédé de maladie dans son Rwanda natal et elle a été contrainte de retourner au Nord Kivu.
Mais au delà de sa douleur à vif, elle fait preuve d'une résilience et d'une force extraordinaires. Elle continue de rêver à l'avenir malgré les horreurs du passé. Elle espère rester en Ouganda et elle a hâte de se voir attribuer un lopin de terre par le gouvernement ougandais pour pouvoir se remettre à l'agriculture, une activité qu'elle connait bien.
Plus important encore, elle prie pour que ses trois garçons et sa fille, ainsi que le bébé qu'elle porte, aillent à l'école et construisent un avenir meilleur, loin de la RDC. Florence aussi pense aux études. Le HCR l'a transférée du centre de transit de Nyakabande vers le site de Rwamwanja, où des milliers de réfugiés congolais mènent une vie relativement normale. Ses projets semblaient être tombés à l'eau, mais elle peut désormais reprendre sa scolarité avec les encouragements du HCR et un espoir de paix.
* Les noms ont été changés pour des raisons de protection.
Par Lucy Beck à Nyakabande, Ouganda