Les vivres d'un mariage sont distribués à des déplacés au Kirghizistan
Les vivres d'un mariage sont distribués à des déplacés au Kirghizistan
DJALAL-ABAD, Kirghizistan, 24 juin (HCR) - Une grand-mère âgée de 60 ans, Mavludahon, avait mis de côté durant des mois du blé et d'autres denrées alimentaires pour le mariage de son fils qui est prévu à l'automne. Toutefois, ces deux dernières semaines, elle a utilisé ses réserves pour nourrir des centaines de personnes ayant fui vers son village pour échapper à la violence sévissant dans d'autres parties de la région de Djalal-Abad au sud du Kirghizistan.
Peu après l'éruption des violences le 10 juin, des milliers de civils apeurés ont traversé son village sur leur chemin vers l'Ouzbékistan en quête de sécurité. Un calme précaire est revenu dans le sud du pays, mais Mavludahon héberge toujours des réfugiés internes dans l'enceinte de la maison familiale qui est fortifiée, même si un grand nombre parmi les 12 000 déplacés internes aurait commencé à rentrer dans leur village d'origine jeudi.
Seules les femmes enceintes et âgées sont hébergées à l'intérieur même de la maison, les autres déplacés dorment sur des tapis disposés sur l'herbe ou dans la cour. « Cela ne me dérange pas qu'ils restent ici car les gens ont besoin de s'entraider dans cette situation tragique », a indiqué Mavludahon au HCR mardi. « Certains d'entre eux ont pleuré pendant des jours après leur arrivée. »
Les personnes qui sont actuellement hébergées chez cette matriarche font partie de la seconde vague de personnes arrivées au village le 14 juin. Elles se dirigeaient vers la frontière mais elles n'ont pas pu la traverser.
Situés à seulement cinq minutes à pied de la frontière, le village de Mavludahon et ses environs accueillent l'une des plus fortes concentrations de déplacés internes dans la région de Djalal-Abad. Les enfants et les femmes sont hébergés chez des familles d'accueil, alors que les hommes dorment en plein air.
Minajathon, âgée de 90 ans, est la doyenne des personnes séjournant dans la maison de Mavludahon. Elle arrive à peine à marcher et elle a dû être aidée par des voisins possédant une voiture quand son village, situé près de la ville de Bazar-Korgon, a été frappé par un groupe armé.
« Je pensais qu'ils ne s'attaqueraient pas à moi car je suis vieille et seule à la maison », a-t-elle indiqué au HCR. « Toutefois, je n'ai eu qu'une minute pour sortir de la maison avant qu'ils ne la réduisent en cendres sous mes yeux », a ajouté la vieille dame, heureuse d'avoir pu s'échapper mais inquiète pour l'avenir.
« Nous sommes bien nourris, mais nous ne pouvons pas ici beaucoup plus longtemps », a indiqué Minajathon, ajoutant : « Nous avons besoin de faire quelque chose. Nous devons rentrer dans notre village d'origine avant l'hiver. »
Agée de 40 ans, Hosyaton a fui son village avec son mari et ses deux petits-enfants. Ils ont eu la chance de pouvoir rester ensemble pendant la fuite éperdue. La famille a fui en traversant leurs champs de maïs alors que des groupes armés traversaient le village, séparant les hommes des femmes. « Nous avons dû baisser la tête. Si nous étions restés la tête droite, ils nous auraient vus, même dans le champ de maïs », a-t-elle expliqué.
Hosyaton a fait part de son hésitation à rentrer dans son village d'origine, où les communautés d'origine ethnique kirghize et ouzbèke avaient pourtant vécu ensemble dans la paix. « Après avoir vu une si grande tragédie, nous sommes choqués. Même les gens du pays ont commencé à tirer. On peut soigner des blessures physiques, mais la confiance a disparu, comment peut-on vivre avec eux », a-t-elle expliqué.
Le HCR achemine d'urgence davantage de matériel humanitaire comme des batteries de cuisine, des jerrycans, des couvertures et des matelas vers le Kirghizistan. Les personnes qui sont de retour dans des maisons endommagées auront également besoin de matériel d'aide humanitaire alors qu'elles reconstruisent.
En début de semaine, le HCR a estimé que 300 000 personnes sont des déplacés internes, y compris 40 000 d'entre elles étant des sans abri. Parallèlement, des réfugiés en nombre croissant rentrent depuis l'Ouzbékistan dans leurs villages d'origine et des interventions urgentes en matière d'abri seront nécessaires pour les y aider.
Par Asel Ormanova à Djalal-Abad et Ariane Rummery à Bichkek, Kirghizistan