Alors que la guerre au Soudan se prolonge, des millions de personnes vivent toujours dans des camps de déplacés
Alors que la guerre au Soudan se prolonge, des millions de personnes vivent toujours dans des camps de déplacés
Nyapuot Riak Dup se souvient de cette terrible journée d'avril dernier, lorsqu'un éclat d'obus a éventré sa maison située à Omdurman, ville jumelle de Khartoum. Elle se souvient également du cratère creusé dans le sol, près de l'endroit où elle s'était abritée.
« Notre maison était en construction. Elle n'avait pas de toit, alors je me suis cachée sous les escaliers », précise la jeune femme. « J'ai eu très peur... mais grâce à Dieu, nous avons survécu. »
Elle et son mari ont rassemblé quelques objets de première nécessité et se sont enfuis avec leurs sept enfants et sa mère âgée de 70 ans. Ce fut le début d'un voyage éprouvant de deux jours pour se mettre en sécurité.
Nyapuot décrit les scènes horribles auxquelles ils ont assisté en fuyant la ville, devenue un champ de bataille. « Ce que nous avons vu dans les rues de Khartoum était très choquant », raconte cette mère de famille de 33 ans, en se couvrant les yeux avec son foulard. « Il y avait tant de corps allongés sur la route. Toute la ville était en ruines. »
« J'ai pleuré jusqu'à ce que nous quittions la ville", ajoute-t-elle. "Il y avait énormément de pillages et de destructions. Notre chauffeur de bus a veillé à ne s'arrêter pour personne, afin de nous protéger des pillards. Il nous a sauvé la vie. »
Plus d'un an après le début des combats meurtriers entre deux factions militaires rivales au Soudan, plus de 9 millions de personnes ont été forcées de fuir leurs foyers. Près de 2 millions d'entre elles ont cherché refuge dans les pays voisins, principalement au Tchad, en Egypte et au Soudan du Sud.
Nyapuot et sa famille ont fini par atteindre Alagaya, un camp situé près de la ville de Kosti, dans l'État du Nil blanc au Soudan, construit en 2014 pour accueillir les réfugiés fuyant le conflit au Soudan du Sud et qui abrite désormais 61 000 personnes.
Les parents de Nyapuot ont fui le conflit au Soudan du Sud dans les années 1980 et se sont installés à Khartoum, où elle est née. Mais comme elle n'a que peu de liens avec le pays d'origine de ses parents, Nyapuot préfère rester au Soudan. « J'espère retourner à Khartoum lorsque les combats cesseront, mais en attendant, je reste ici. »
Les conditions de vie dans le camp sont désastreuses, avec un accès insuffisant à l'eau, aux soins de santé et aux installations d'hygiène. La plupart des familles installées sous des tentes surpeuplées du camp témoignent avoir si peu de nourriture qu'elles ne peuvent offrir à manger à leurs enfants qu'une seule fois par jour.
Selon les Nations Unies, près de cinq millions de personnes au Soudan sont menacées de famine. La poursuite du conflit et de l'insécurité, la destruction des infrastructures, les problèmes logistiques et la saison des pluies en cours font que des millions de personnes à travers le pays restent coupées de l'aide humanitaire indispensable à leur survie.
Une paix insaisissable
Le 20 juin, à l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a conclu une visite d'une semaine au Soudan et au Soudan du Sud, au cours de laquelle il a rencontré Nyapuot et d'autres réfugiés, rapatriés et personnes déplacées internes.
« J'ai souhaité me rendre dans cette région au cours de cette semaine importante pour nous - la semaine où nous célébrons la Journée mondiale des réfugiés - parce que le Soudan du Sud et le Soudan sont deux pays liés par l'histoire et qu'ils ont tous deux accueilli des réfugiés d'autres pays en raison des multiples conflits qui ont affecté la région », a indiqué Filippo Grandi.
« Les civils n'ont aucune responsabilité dans ce conflit, et pourtant, comme c'est souvent le cas, ce sont eux qui en paient le prix le plus élevé. »
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Le Haut Commissaire a appelé les belligérants à mettre fin aux combats et à permettre aux organisations humanitaires d'accéder aux personnes ayant un besoin urgent d'assistance. « La paix est la seule solution pour que nous puissions aider comme il se doit ces personnes et toutes celles auxquelles nous n'avons pas accès en raison du conflit », a-t-il déclaré.
Dans la ville frontalière sud-soudanaise de Renk, Filippo Grandi a rencontré Babiker Suliman, réfugié soudanais et père de 10 enfants, qui a fui El Fasher, la capitale de l'Etat soudanais du Darfour Nord, en décembre de l'année dernière.
« Nous avons marché pendant une semaine pour échapper à la violence », a expliqué Babiker. « Nous avons tout abandonné derrière nous et avons été séparés de nos proches. Lorsque nous sommes arrivés ici, nous avons dû dormir dehors sur la route. Le vent soufflait, c'était difficile, surtout pour ma mère âgée de 90 ans. »
Depuis que la guerre a éclaté, plus de 150 000 réfugiés soudanais et 550 000 Sud-Soudanais de retour chez eux sont entrés dans le pays depuis le Soudan. Babiker fait partie des plus de 9 000 personnes actuellement hébergées dans un centre de transit à Renk, où les nouveaux arrivants bénéficient d'un abri temporaire et d'une assistance élémentaire en attendant d'être transférés vers d'autres sites. Le HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, travaille avec le gouvernement pour relocaliser les réfugiés soudanais dans des camps permanents et pour transférer les rapatriés sud-soudanais vers leurs régions d'origine.
En quête d'autonomie
Mahamoud Alnaji Teawa, 52 ans, et sa famille ont récemment été transférés de Renk vers le camp de réfugiés de Jamjang, situé à des centaines de kilomètres au sud-ouest de l'État de l'Unité, au Soudan du Sud. Ils ont fui les combats autour de leur petit village situé à l'ouest d'Omdurman, près de la capitale soudanaise, en se rendant d'abord à Kosti, puis en franchissant la frontière du Soudan du Sud.
Dès qu'il s'est installé dans le camp, Mahamoud a ouvert un petit commerce grâce à l'argent envoyé par son frère qui vit aux États-Unis. Il a d'abord installé une station de recharge solaire où les gens peuvent venir recharger leur téléphone moyennant paiement. Il a ensuite étendu son activité à la vente d'articles d'épicerie.
« Nous n'entendons plus de coups de feu », se félicite ce père de sept enfants. Après avoir échappé au conflit, la priorité de Mahamoud est de faire ce qu'il peut pour subvenir aux besoins de sa famille et réduire sa dépendance à l'égard de l'aide humanitaire.
« J'ai pu améliorer la vie de ma famille, notamment en achetant des lits, de sorte que, comme vous pouvez le voir, nous ne dormons plus à même le sol comme avant. Je veux [utiliser les bénéfices de mon activité] pour compléter l'aide alimentaire que nous recevons des Nations Unies et pour éviter de devoir emprunter de l'argent, pour être autonome et devenir indépendant. »