Des inondations exposent les déplacés colombiens à de nouveaux problèmes
Des inondations exposent les déplacés colombiens à de nouveaux problèmes
ALTOS DE CAZUCÁ, Colombie, 29 mai (UNHCR) - Cinq ans après son arrivée à Altos de Cazucá, un quartier pauvre de la banlieue de la capitale colombienne Bogota, Denise se retrouve à nouveau sans foyer. Il y a dix jours, sa petite maison qui avait été construite dans la précarité sur les collines des Andes a été quasiment emportée par l'eau, dévalant des montagnes et transperçant la maison par le mur arrière.
Par crainte d'un glissement de terrain, tous les habitants du quartier se sont réfugiés dans une petite église. Quatre cents personnes y ont passé trois nuits. Mais, en raison du manque de place, Denise et ses voisins ont dû se décider à partir. Trop effrayés pour rentrer chez eux, ils ont loué un logement qu'ils pouvaient difficilement se permettre. Après deux jours sans précipitation, la pluie s'est remise à tomber, plus violente que jamais. Il leur a suffit d'un coup d'oeil pour comprendre le danger que représentaient leurs maisons si fragiles.
Au cours des dernières semaines, d'importantes pluies se sont abattues dans de nombreuses régions de Colombie. A travers tout le pays, des habitants ont été contraints de quitter leurs maisons, les rivières débordant et les glissements de terrain emportant tout sur leur passage. Les plus vulnérables sont les personnes vivant dans les zones de grande pauvreté, dans des maisons de fortune qui ont le plus souvent été construites sur des terrains dangereux - des zones où de nombreux déplacés internes ont été forcés de s'installer.
« Les déplacés finissent souvent par s'établir dans les banlieues des grandes villes et construisent des hébergements rudimentaires, là où ils le peuvent », indique Roberto Meier, le délégué de l'UNHCR en Colombie. « La plupart du temps, les seuls terrains qu'ils peuvent trouver sont dans des zones dangereuses, au bord d'une rivière, par exemple, ou dans des endroits sujets aux éboulements de terrain. A chaque fois que de fortes pluies tombent, ils sont les premiers à perdre leurs maisons, une fois de plus. »
L'UNHCR coopère avec les autorités locales dans les régions voisines de Bogota où se trouvent des déplacés internes afin d'aider à coordonner la réponse d'urgence aux inondations et à identifier des solutions alternatives en termes de logements.
Lorsque Denise et ses quatre enfants en bas âge sont arrivés à Altos de Cazucá, il y a cinq ans, ils ont construit leur maison sur une décharge d'ordures, sur un terrain en friche situé à l'extrémité d'un bidonville tentaculaire. Elle a utilisé des sacs à ordure résistants, de vieux morceaux de plastique et de zinc que des voisins avaient eu la gentillesse de lui donner pour construire ce qui n'était alors rien de plus qu'une cabane.
« C'était peu de choses mais ça valait mieux que de dormir dans la rue avec les enfants », a expliqué Denise. « En se remémorant le passé, je ne sais pas comme j'ai trouvé la force de continuer. Tout ce que j'ai fait alors, c'était par amour pour mes enfants. En tout cas, nous n'avions pas le choix, je savais que je ne pourrais pas rentrer à la maison. »
Denise, dont la mère et le frère ont été kidnappés par les membres d'un groupe armé irrégulier, ont fui leur ville d'origine après que ce même groupe armé leur ait donné un jour pour quitter la région. Le soir même, elle a fait un trajet de quatre heures en bus vers Bogota, où elle ne connaissait absolument personne. La partie la plus traumatisante de cette terrible expérience est d'avoir été forcée à dormir dans la rue avec ses petits enfants, le plus jeune âgé de quelques mois à peine.
« Jamais je n'aurais imaginé qu'une pareille chose puisse m'arriver », a-t-elle dit. « Le pire a été que personne n'a essayé de m'aider. Parce que nous étions dans les rues, tout le monde nous regardait comme si nous étions des voleurs ou des mendiants. Pendant tout ce temps-là, je me suis inquiétée de ce qui pouvait bien se passer dans mon village et de la manière dont j'allais réussir à nourrir mes enfants. C'est seulement quand je suis arrivée à Altos de Cazucá que j'ai reçu de l'aide de la part d'autres personnes déplacées. »
A ce moment-là, Altos de Cazucá n'était qu'un bidonville, où des milliers de personnes déplacées comme Denise ont rejoint d'autres personnes sans ressource tentant de reconstruire leur vie. Il n'y avait pas de services de base, ni eau ni électricité, ni présence de l'Etat. La zone était dirigée par des gangs armés qui imposaient selon leurs propres critères une justice impitoyable.
L'UNHCR a commencé à travailler à Altos de Cazucá en 2004 et a donné l'impulsion pour l'ouverture, début 2005, d'un bureau des Nations Unies fournissant des conseils juridiques et une assistance à la population locale. Quelques mois après, le gouvernement a suivi avec l'ouverture de la « Maison des droits ». Les populations des alentours ont maintenant accès à des services médicaux, à des conseils juridiques et médico-sociaux, ainsi qu'à de la formation professionnelle.
« L'idée était de regagner une partie du terrain qui, en l'absence des institutions étatiques, avait été perdu au profit de divers éléments criminels et de groupes armés irréguliers », a indiqué Roberto Meier. « Les gens ont maintenant acquis le réflexe de se tourner vers l'Etat pour recevoir de l'aide, même si ce tout dernier désastre nous montre que beaucoup reste à faire non seulement en terme de sécurité pour leur hébergement mais aussi pour le secours d'urgence. »
Comme partout dans le voisinage, la maison de Denise s'était améliorée au fil des années. La plupart des murs extérieurs sont maintenant en briques et elle a construit une chambre supplémentaire à l'arrière. Ce logement a toujours été modeste, mais ressemblait de plus en plus à une maison. De retour brièvement pour évaluer les dommages, Denise scrute le ciel de peur que d'autres pluies torrentielles ne détruisent le toit en tôles.
« Nous avons bien fait de partir, nous ne sommes pas en sécurité ici », a-t-elle affirmé, pressant chacun à quitter rapidement la maison. « Nous devrons attendre la fin des intempéries pour commencer à repeindre. Et qui sait, si Dieu le veut, l'hiver prochain sera peut-être meilleur. »
Par Marie-Hélène Verney à Bogota