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Une religieuse brésilienne qui milite en faveur des réfugiés remporte la distinction Nansen du HCR

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Une religieuse brésilienne qui milite en faveur des réfugiés remporte la distinction Nansen du HCR

Ayant consacré sa vie à la cause des réfugiés, Sœur Rosita Milesi continue à incarner les valeurs d'accueil du Brésil à l'égard des personnes contraintes de fuir.
17 Octobre 2024
Brazil. UNHCR Nansen Refugee Award, 2024 Global Laureate, Sister Rosita Milesi, honoured for decades-long dedication to helping people forced to flee

 

Lorsqu'on lui demande comment une fille de fermier devenue religieuse catholique a fini par devenir l'une des plus influentes militantes brésiliennes en faveur des droits des réfugiés, Sœur Rosita Milesi, 79 ans, offre une réponse simple : la détermination.

« J'ai toujours été très déterminée, depuis mon enfance. Si j'entreprends quelque chose, je remuerai ciel et terre pour y parvenir », affirme-t-elle par un après-midi étouffant dans la ville de Boa Vista, au nord du Brésil. C'est là que l'organisation qu'elle dirige - l'Institut des migrations et des droits de l'homme (IMDH) - vient en aide aux réfugiés et aux migrants du Venezuela et d'autres pays.

Pour son engagement de longue date en faveur des réfugiés et son rôle de premier plan dans l'élaboration des politiques d'accueil du Brésil, Sœur Rosita Milesi a été désignée lauréate mondiale 2024 de la distinction Nansen du HCR pour les réfugiés.

La détermination de Sœur Rosita n'est pas alimentée par une ambition personnelle, mais par une foi profonde et un engagement à venir en aide aux autres. Ces valeurs lui ont été inculquées dès son plus jeune âge par ses parents italophones, qui terminaient chaque journée de travail en priant avec leurs 11 enfants. Même s'ils ne disposaient que de peu de moyens, ils fournissaient également du travail, de la nourriture et un lit aux personnes dans le besoin qui venaient les voir.

À l'âge de 9 ans, Rosita a quitté la maison familiale dans l'État du Rio Grande do Sul, au sud du pays, pour intégrer un convent scolaire situé à proximité et dirigé par des missionnaires scalabriniens. La congrégation a été fondée à la fin du 19ème siècle pour venir en aide aux migrants italiens arrivant sur le continent américain. Bien que les activités de la congrégation se soient depuis éloignés de leur objectif initial, cette mission fondatrice a fini par définir la vie et le travail de Sœur Rosita.

Après avoir prononcé ses vœux et être devenue religieuse en 1964, alors qu'elle n'avait que 19 ans, Sœur Rosita a passé les vingt années suivantes à travailler comme institutrice et administratrice d'hôpital dans des établissements gérés par la congrégation pour aider les plus démunis. Durant cette période, sa détermination lui a permis de surmonter les réticences de la congrégation lorsqu'elle s'est montrée intéressée par des études de droit. Elle a fini par obtenir une maîtrise.

Militante pour les droits des réfugiés

« Quand on me demandait pourquoi je suivais ces cours, je répondais ‘Je serai avocate pour les pauvres’, car c'était notre mission à l'époque : aider les gens dans le besoin. Les réfugiés et les migrants ne faisaient pas encore partie de mes priorités », explique-t-elle.

Grâce à sa formation juridique, lorsque les Scalabriniens ont décidé, dans les années 1980, de revenir à leurs racines en apportant leur aide aux réfugiés et aux migrants, c'est à Sœur Rosita qu'a été confiée la création d'un centre d'études sur les migrations dans la capitale, Brasilia.

« Je connaissais peu de choses sur ces questions, mais il fallait que je me prépare. J'ai donc commencé à étudier la thématique du déplacement des personnes et j'ai décidé de me consacrer aux migrants et aux réfugiés », ajoute-t-elle.

Sœur Rosita s'entretient avec Halima Ali Mohamed (à gauche), réfugiée burundaise, et Odette Ildunayezu (à droite), réfugiée kenyane, devant son bureau à l'Institut pour la migration et les droits de l'homme (IMDH) à Brasilia.

Sœur Rosita s'entretient avec Halima Ali Mohamed (à gauche), réfugiée burundaise, et Odette Ildunayezu (à droite), réfugiée kenyane, devant son bureau à l'Institut pour la migration et les droits de l'homme (IMDH) à Brasilia. 

C'est de cette manière indirecte qu'est née une militante pour les droits des réfugiés exceptionnelle. Son expertise et son discret pouvoir de persuasion se sont avérés déterminants lorsque le projet de loi brésilienne sur les réfugiés a été proposé en 1996. Sœur Rosita a su rallier des soutiens pour élargir la définition de la notion de réfugié, conformément à la déclaration de Carthagène sur les réfugiés de 1984, ce qui a permis d'inclure dans la loi adoptée en 1997 un nombre beaucoup plus important de personnes en quête de protection internationale. Elle a obtenu des résultats tout aussi impressionnants lors de l'adoption de la loi brésilienne sur les migrations en 2017.

« Toute loi reste en vigueur pendant de nombreuses années. Qu'elle soit bonne ou mauvaise, il est difficile de la modifier. Nous ne pouvions donc pas laisser passer une loi de portée restreinte s'il était possible de l'élargir », explique-t-elle à propos de la loi de 1997. « J'ai même écrit au Vatican, à Rome, pour leur demander d'envoyer une lettre au gouvernement brésilien pour lui dire à quel point il était important d'élargir le concept de réfugié. Et ils ont envoyé la lettre, Dieu merci ».

Luana Guimarães Medeiros, directrice du département des migrations au ministère brésilien de la justice et de la sécurité publique, a souligné le « rôle crucial » de Sœur Rosita dans l'approbation des deux textes législatifs. Elle a également insisté sur sa contribution continue en tant que proche partenaire et conseillère du ministère.

Sœur Rosita s'entretient avec Luana Guimarães Medeiros, directrice du département des migrations, devant le bâtiment du ministère brésilien de la Justice à Brasilia.

Sœur Rosita s'entretient avec Luana Guimarães Medeiros, directrice du département des migrations, devant le bâtiment du ministère brésilien de la Justice à Brasilia.

« C'est une personne qui est toujours là - quel que soit le gouvernement au pouvoir - pour prodiguer de bons conseils, des conseils réalistes, des conseils concrets sur la façon dont nous pouvons améliorer les choses d'une manière très pratique, humaine et accueillante », affirme Luana Medeiros. « Je ne pouvais pas imaginer une meilleure personne au Brésil - ou peut-être même dans le monde - pour recevoir cette récompense parce qu'elle a littéralement consacré toute sa vie à la cause des réfugiés. »

Un rôle concret

Outre son travail juridique, Sœur Rosita coordonne un réseau d'environ 70 organisations nationales soutenant les réfugiés, les migrants et les communautés locales. Elle siège également au Comité national pour les réfugiés (CONARE) et au conseil d'administration de la Fondation scalabrinienne. Elle a publié de nombreux articles sur les déplacements forcés et les migrations. « J'ai toujours eu la capacité de faire trois, quatre ou cinq choses en même temps », dit-elle sans détour.

Sœur Rosita est avant tout une humanitaire engagée et pragmatique. Elle et ses équipes de l'IMDH à Brasilia et Boa Vista travaillent sans relâche pour améliorer la vie de quelques-unes des 790 000 personnes ayant besoin d'une protection internationale au Brésil et provenant de 168 pays différents, dont le Venezuela, Haïti, l'Afghanistan, la Syrie, l'Iraq, le Burkina Faso, le Mali et l'Ukraine.

Elizabeth Tanare, vénézuélienne de 38 ans, retrouve Sœur Rosita dans le jardin du centre Casa Bom Samaritano à Brasilia.

Elizabeth Tanare, vénézuélienne de 38 ans, retrouve Sœur Rosita dans le jardin du centre Casa Bom Samaritano à Brasilia.

Comme Sœur Rosita elle-même, le soutien de l'IMDH est pragmatique et axé sur les besoins des réfugiés. Avec le soutien de partenaires, dont le HCR, l'IMDH vient en aide principalement aux femmes, aux enfants et aux groupes les plus vulnérables en leur donnant accès à des documents d'identité, à une assistance sociale et à un emploi formel. Il fournit également un soutien financier et des conseils pour aider les réfugiés à développer leur propre activité et distribue des kits sanitaires et nutritionnels aux mères d'enfants en bas âge.

De retour à Brasilia, la Casa Bom Samaritano est un grand bâtiment de deux étages, situé dans une banlieue verdoyante de la capitale et géré par l'organisation partenaire AVSI Brésil. Jusqu'à 90 Vénézuéliens peuvent y bénéficier simultanément d'un hébergement, de cours de langue, d'une formation professionnelle et d'autres formes d'aide. Sœur Rosita, immédiatement reconnaissable à sa chevelure blanche comme neige, accueille le personnel et les résidents par leur nom. Son attitude bienveillante et sa curiosité naturelle mettent tout le monde à l'aise.

Elizabeth Tanare, 38 ans, et son mari y ont vécu pendant plusieurs mois après avoir quitté le Venezuela en 2023. Elle y a appris le portugais et la gestion des finances personnelles avant de créer sa propre activité de massothérapeute avec l'aide de l'IMDH.

Au bureau de l'IMDH à Boa Vista, Sœur Rosita enregistre une jeune mère vénézuélienne pour une distribution de colis alimentaires.

Au bureau de l'IMDH à Boa Vista, Sœur Rosita enregistre une jeune mère vénézuélienne pour une distribution de colis alimentaires.

 

« Ici, ils nous ont soutenus, ils nous ont donné des conseils [et] après trois mois, nous nous sommes sentis intégrés au sein de la société brésilienne », témoigne Elizabeth Tanare. « Sœur Rosita nous a aidés à acheter du matériel, notamment une table de massage, pour que nous puissions commencer à travailler. Elle est la pièce du puzzle qui rassemble tout. Elle établit des liens avec d'autres institutions et elle est toujours en contact avec tout le monde. »

L'engagement d'une vie

Sœur Rosita reconnaît que son rôle consiste souvent à servir de point de contact pour d'autres personnes. « Beaucoup de gens n'ont pas le courage de se lancer, mais ils sont prêts à apporter leur soutien. Il faut donc que quelqu'un prenne l'initiative pour que nous puissions unir nos forces », explique-t-elle. « Lorsqu'un besoin humain ou humanitaire se fait sentir, je n'ai pas peur d'agir, même si nous ne parvenons pas à réaliser tout ce que nous voulons. »

Elle noue également des liens personnels très étroits avec de nombreuses personnes auxquelles elle vient en aide. Jana Alraee, une ancienne enseignante, est arrivée à Brasilia en 2014 avec son mari ingénieur et ses trois filles après avoir fui leur domicile à Damas, la capitale syrienne. Ayant épuisé ses économies et étant incapable de parler la langue ou de trouver un emploi, elle envisageait de retourner en Syrie avec sa famille lorsqu'un ami l'a mise en contact avec Sœur Rosita.

Elle leur a trouvé un professeur de portugais, les a aidés à créer leur activité de restauration syrienne, aujourd'hui florissante, et, surtout, est devenue une amie et une source de soutien toujours présente pour la famille.

« Lorsqu'on fuit son pays à cause de la guerre, on laisse tout derrière soi, sa famille, sa mère, son père, tout le monde. Alors, quand on rencontre quelqu'un comme Sœur Rosita, avec un si bon cœur, elle vous donne de l'amour, des conseils... Je l'appelle 'Mère', je ne l'appelle pas 'Sœur', parce qu'elle me donne tout ce qui me manque », confie Alraee, en prenant la main de Sœur Rosita dans les siennes. « Si je me sens perdue, elle me remet sur le droit chemin... elle est toujours avec moi, toujours. »

Jana Alraee enlace son amie Sœur Rosita à l'intérieur de la maison familiale dans un quartier résidentiel de Brasilia.

Jana Alraee enlace son amie Sœur Rosita à l'intérieur de la maison familiale dans un quartier résidentiel de Brasilia.

 

A l'approche de son 80ème anniversaire, Sœur Rosita suggère avec un sourire ironique que certaines personnes pensent qu'elle n'a plus de rêves à poursuivre. Si c'est le cas, ils se méprennent sur la pérennité de son engagement. Elle énumère ses projets : améliorer l'accès à l'éducation des enfants réfugiés, améliorer la reconnaissance des diplômes des réfugiés et, à la suite des récentes inondations qui ont frappé sa région natale, le Rio Grande do Sul, s'attaquer aux conséquences de plus en plus graves du changement climatique sur les réfugiés et les personnes déplacées.

Autant dire que Sœur Rosita ne cessera jamais de rêver d'un avenir meilleur pour les réfugiés, et d'œuvrer en ce sens.

« Il faut toujours avoir un rêve parce qu'il nous montre l'horizon », dit-elle. « Nous n'atteignons jamais l'horizon parce que plus nous avançons, plus l'horizon s'éloigne. Mais il nous montre le chemin. Avoir une utopie, avoir un rêve, avoir la conviction de construire quelque chose de meilleur est fondamental. Et c'est fondamental pour les réfugiés. »