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Une jeune bénévole soudanaise récompensée pour son travail en faveur des réfugiés en Égypte

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Une jeune bénévole soudanaise récompensée pour son travail en faveur des réfugiés en Égypte

Nada Fadol gère un centre communautaire où les personnes déplacées de force bénéficient de services de santé gratuits et d'une formation professionnelle à Alexandrie.
11 Octobre 2024
Nada Shayeb (au centre à droite) à la fin d'une séance d'art-thérapie dans un centre géré par l'Initiative Rouh à Alexandrie, en Égypte.

Nada Shayeb (au centre à droite) à la fin d'une séance d'art-thérapie dans un centre géré par l'Initiative Rouh à Alexandrie, en Égypte.

Un mercredi matin, un groupe de réfugiés, principalement des femmes et des hommes originaires du Soudan et de Syrie, attend dans la salle d'attente d'un centre géré par l'Initiative Rouh dans la ville d'Alexandrie, dans le nord de l'Égypte.

À midi, une soixantaine de patients aux besoins médicaux variés ont déjà été pris en charge. C'est une autre journée bien remplie pour Nada Fadol, réfugiée soudanaise de 31 ans, qui gère ce centre polyvalent depuis que la guerre au Soudan a éclaté en avril de l'année dernière et que des réfugiés ont commencé à franchir la frontière vers l'Égypte.

Nada et ses amis ont transformé un appartement de trois chambres en un guichet unique d'aide aux réfugiés et aux demandeurs d'asile. Un convoi médical géré par le Croissant-Rouge égyptien se rend sur place deux fois par mois, offrant des services de santé et des examens médicaux gratuits.

« Nous contribuons à hauteur de nos moyens au paiement du loyer et des frais de fonctionnement », explique-t-elle. « Rouh signifie“âme” en arabe, car nous sommes tous une seule et même âme, quelle que soit [notre origine], que nous soyons syriens, soudanais ou égyptiens ».

Couper un sandwich en deux pour le partager

Nada sait parfaitement ce que représente le fait d'être déplacée, puisqu'elle est arrivée à Alexandrie fin 2015, seule et avec pour seul bagage la détermination de reconstruire sa vie.

S'adapter à la vie dans un nouveau pays a été difficile. Sans emploi et dans I'impossibilité de poursuivre ses études, elle s'est lassée de rester à la maison sans rien faire. Elle décide alors de mettre à profit ses compétences pour offrir des cours particuliers aux enfants réfugiés, principalement syriens, qui vivent dans son quartier.

« Ils avaient l'habitude de me demander : “Comment résoudre ce problème ?”, “Comment lire ceci ?” et “ Comment faire cela ?”. J'ai donc décidé de les réunir et de leur dispenser des cours à domicile ».

Elle s'est rapidement forgée une solide réputation au sein de la communauté, ce qui a amené de plus en plus de personnes à solliciter son aide. S’associant à d'autres jeunes réfugiés, elle lance alors l'initiative Rouh afin de mobiliser davantage de soutien en faveur des réfugiés.

Nada explique que l'idée de rendre la pareille et de s'occuper des autres est profondément ancrée dans la culture soudanaise et lui a été inculquée par ses parents dès son plus jeune âge.

Nada s'entretient avec Hamad Mohamed Abdelkader, un autre réfugié soudanais, en compagnie de Marwa Azhary Sayed Hegazy (à gauche), coordinatrice de l'Initiative Rouh, dans un centre géré par l'organisation à Alexandrie.

Nada s'entretient avec Hamad Mohamed Abdelkader, un autre réfugié soudanais, en compagnie de Marwa Azhary Sayed Hegazy (à gauche), coordinatrice de l'Initiative Rouh, dans un centre géré par l'organisation à Alexandrie.

« On nous a appris à ne jamais apporter un seul sandwich à l'école ; nous en emportions toujours deux au cas où quelqu'un n'aurait pas de quoi manger », explique-t-elle. Nous faisions cela parce que nous savions à quel point il était difficile pour quelqu'un de dire « je n'ai rien à manger ». Pour que personne ne se sente différent de nous, nous coupions nos sandwichs en morceaux et nous mangions en groupe.

Lorsque des centaines de milliers de réfugiés soudanais fuyant la violence ont commencé à arriver en Égypte, Nada a d'abord demandé à d'autres jeunes, réfugiés et issus des communautés de travailler avec elle pour aider les familles bloquées dans la ville frontalière d'Assouan, au sud du pays.

Deux de ses amis se sont rendus à Assouan pour évaluer la situation et établir un lien avec les jeunes de la ville, et à leur retour à Alexandrie, le groupe a immédiatement commencé à collecter des fonds.

« Nous avons collecté des fonds auprès des habitants d'Alexandrie, puis nous les avons envoyés à nos amis d'Assouan pour qu'ils achètent des jus de fruits, de l'eau et des repas et les distribuent aux personnes arrivant à la frontière », explique-t-elle.

En tant que premiers intervenants sur le terrain, Nada et ses amis, comme elle aime à appeler son équipe, ont réussi à aider des centaines de nouveaux arrivants. En plus de leur fournir des repas chauds et une aide financière, ils ont mis les plus vulnérables, notamment les enfants, les malades et les personnes âgées, en contact avec des habitants locaux qui leur ont fourni un logement temporaire.

Des familles déchirées

Avant avril 2023, elle n'avait jamais imaginé que son pays d'origine plongerait dans la violence. Sa mère et ses deux frères et sœurs sont venus en Égypte pour des raisons médicales quelques jours avant le début de la guerre. Les autres membres de sa famille ont été pris dans le conflit et ont fui dans différentes directions.

Souhaitant désespérément les retrouver, elle a créé un groupe de discussion sur Facebook Messenger afin d'entrer en contact avec d'autres personnes à la recherche de leurs proches. Elle retrouve sa sœur aînée grâce au groupe, qui a ensuite retrouvé leur père et le reste de la famille. Si certains de ses frères et sœurs ont depuis rejoint sa mère et elle en Égypte, le reste de la famille se trouve toujours au Soudan.

Le groupe de discussion a attiré des centaines d'autres personnes qui continuent à l'utiliser pour retrouver leurs familles qui sont toujours piégées dans le pays.

Alors que la guerre au Soudan entre dans sa deuxième année sans perspective de fin, environ 500 000 réfugiés soudanais ont été enregistrés en Égypte par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.

Un afflux aussi important et rapide peut submerger les ressources des agences humanitaires, ce qui rend les initiatives telles que Rouh vitales pour fournir une assistance communautaire et un soutien psychosocial essentiels aux personnes contraintes de fuir.

Nada discute avec des amis et des collègues.

En reconnaissance de son travail et de son dévouement à aider ses compatriotes réfugiés, Nada est lauréate régionale 2024 pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de la distinction Nansen du HCR pour les réfugiés.

« Je suis très heureuse d'avoir remporté cette récompense », confie-t-elle avec un grand sourire. « Je ne peux même pas décrire à quel point je me sens heureuse en ce moment ».

Elle était au centre lorsqu'on lui a annoncé la nouvelle, qui n'avait pas encore été rendue publique. « Ma bouche était grande ouverte, j'avais envie de crier. J'ai couru dans la rue et j'ai trouvé un coin. J'ai poussé un cri et je suis repartie comme si de rien n'était », plaisante-t-elle.

Chez soi, paix et amour

De retour au centre, dès que les derniers patients et médecins sont partis, les pièces sont réaménagées pour préparer les prochaines activités de la journée, qui comprennent une formation au crochet et à la fabrication de sacs en toile pour les jeunes femmes, suivie d'une séance d'art-thérapie pour les adultes et les jeunes.

La plupart des activités sont organisées par de jeunes réfugiés bénévoles comme Khalida Abas, 24 ans, que Nada a aidée à son arrivée dans la ville en mars dernier. « Je suis reconnaissante vis-à-vis de Nada, qui m'a accueillie dans ce pays », confie-t-elle. « Aujourd'hui, je forme des jeunes femmes à la fabrication de sacs en toile deux fois par semaine ».

« Nada est comme une grande sœur », ajoute-t-elle. « Je l'aime de tout mon cœur ; elle est mon modèle et c'est à elle que je demande conseil ». 

La dernière activité de la journée est une rencontre culturelle. D'autres personnes arrivent, notamment des Égyptiens, des Syriens et des réfugiés soudanais, apportant des fruits et des plats traditionnels faits maison. L'arôme du café fraîchement torréfié flotte dans l'air, accompagné de chansons soudanaises diffusées par un haut-parleur portable. Les personnes âgées sont assises au fond de la salle, près de la fenêtre, tandis que les jeunes, emmenés par Nada et Khalida - chacune vêtue du thawb, un vêtement soudanais aux couleurs vives - dansent à tour de rôle au milieu de la salle.

« Tout le monde attend ce moment avec impatience », explique Nada. « Nous nous réunissons une fois toutes les deux semaines pour faire la fête, danser, manger ensemble et jouer des chansons sur la maison, la paix et l'amour  ».

À terme, elle espère étendre son action au-delà de l'Égypte et toucher davantage de personnes dans le besoin.

« Nous pouvons aider autant que nous le pouvons avec des choses simples », souligne-t-elle. « Pourquoi ne pas trouver des volontaires dans d'autres pays qui ont des problèmes ? Ce serait merveilleux si nous pouvions aider autant de personnes dans le besoin que possible, où qu'elles se trouvent. »