Des réfugiés soudanais fuient la violence et affluent au Tchad
Des réfugiés soudanais fuient la violence et affluent au Tchad
« Une balle a touché mon mari... Mon enfant a reçu une balle perdue au même moment, et j'ai été torturée parce que je refusais de dénoncer [mon mari] », raconte Haweya.
« Ils m'ont frappée avec un bâton et jusqu'aujourd'hui, mon oreille gauche me joue des tours, je n'entends plus bien. »
Son mari a succombé à ses blessures. Haweya s'est enfuie à pied en direction de la frontière avec le Tchad, portant son fils blessé sur le dos.
« J'ai dû laisser mes autres enfants là-bas, ce sont des connaissances qui me les ont amenés ici parce que je ne pouvais pas rester... Nous avons tout abandonné derrière nous. »
Haweya et ses quatre enfants font partie des 90 000 réfugiés soudanais qui ont fui vers le Tchad voisin depuis que les combats entre factions militaires rivales, qui ont débuté à Khartoum il y a un mois, ont embrasé de nombreuses régions du pays.
Des tensions ethniques ravivées
L'ouest du Darfour a été particulièrement affecté par ce conflit qui a ravivé les tensions ethniques et intercommunautaires existantes. De lourdes pertes civiles y ont été signalées, ainsi que des pillages et des incendies d'infrastructures publiques et humanitaires, et notamment de camps pour personnes déplacées internes.
« A Tendalti, il y a différentes communautés ethniques qui ont toutes peur d'être attaquées », explique Brice Degla, coordinateur des urgences pour le HCR au Tchad. « Même du côté [tchadien] de la frontière, ces personnes continuent à se sentir en insécurité parce qu'elles savent que la ville n'est pas très loin d'ici. »
La présence de ces réfugiés vient accentuer la crise humanitaire qui sévit déjà au Tchad, un pays enclavé et confronté à une insécurité alimentaire généralisée, aux effets du changement climatique et à des conflits intercommunautaires. Selon les Nations Unies, 6,9 millions de personnes, soit plus d'un tiers de la population tchadienne, ont besoin d'une aide humanitaire. Par ailleurs, avant même le récent afflux de réfugiés, le pays accueillait plus d'un million de personnes déracinées, dont 400 000 réfugiés soudanais dans l'est du pays.
Alors que de plus en plus de réfugiés fuyant la violence au Soudan franchissent chaque jour la frontière avec le Tchad, nombre d'entre eux n'ont d'autre choix que de dormir en plein air, tandis que d'autres passent la nuit dans des abris de fortune situés à proximité de la frontière. Environ 90% d'entre eux sont des femmes et des enfants.
« J'ai besoin de nourriture, j'ai besoin de vêtements et j'ai aussi besoin d'un abri », indique Haweya. « Nous n'avons rien pour nous abriter. J'ai l'intention d'aller chercher de la paille. Si j'en trouve dans la brousse, je construirai un abri. »
Les Tchadiens accueillent les nouveaux arrivants
Le HCR collabore avec le gouvernement tchadien et ses partenaires pour assurer l'enregistrement des nouveaux arrivants et leur fournir l'assistance vitale qui a été acheminée par avion vers l'est du Tchad. Il s'agit notamment de nattes de couchage, de moustiquaires, de savon et d'ustensiles de cuisine. Le HCR fournit également des services de protection tels que la prévention et la lutte contre la violence sexuelle et sexiste, l'identification des enfants les plus vulnérables et l'assistance aux personnes ayant des besoins spécifiques.
Certains Tchadiens comme Fatna Hamid ont ouvert leurs portes aux réfugiés soudanais, et ce malgré la précarité de leurs propres conditions de vie. Cette mère de cinq enfants, âgée de 44 ans, a déclaré avoir accueilli une cinquantaine de personnes chez elle, dans le village de Koufroune, au cours des dernières semaines.
Je suis émue lorsque je les vois.
« Je suis heureuse d'accueillir ces personnes qui se trouvent dans une situation difficile », affirme-t-elle. « Beaucoup ont des enfants ou sont malades, et ils ne peuvent pas se construire un abri. C'est pourquoi ils viennent chez moi. »
Elle-même mère célibataire, Fatna a déclaré pouvoir comprendre la détresse des mères qui fuient seules avec leurs enfants. Elle connaît d'ailleurs certaines des personnes qui sont arrivées, car elle fait du commerce avec les communautés situées de part et d'autre de la frontière.
« Je suis émue lorsque je les vois. Nous nous connaissons car nous faisons du commerce ensemble. Nous allons parfois au Soudan pour acheter des marchandises, donc ils savent que j'habite ici », explique-t-elle.
Fatime Mahmoud Adoum, 30 ans, son mari et ses cinq enfants font partie des réfugiés soudanais hébergés par Fatna.
« Elle est toujours à la recherche de quelque chose à nous donner à manger », dit-elle. « Mais se faire inviter comme ça pendant plus d'une semaine ou deux, c'est trop. Nous devons commencer à envisager de trouver une autre solution. »
En plus de fournir une aide d'urgence, le HCR et le gouvernement ont commencé à transférer les réfugiés vers un camp de réfugiés existant, situé à environ 50 kilomètres de la frontière, en prévision de l'arrivée prochaine de la saison des pluies.
Si nous n'agissons pas maintenant, il sera trop tard.
« Si nous n'agissons pas maintenant, il sera trop tard », affirme Brice Degla. « La saison des pluies arrive dans quelques semaines et si nous ne leur apportons pas une assistance immédiate, les routes seront bloquées et tous les réfugiés présents ici seront coincés. »
Après avoir vu sa maison réduite en cendres et perdu des amis et des membres de sa famille dans les violences au Darfour, Fatime n'a aucun espoir de retourner au Soudan de sitôt.
« Le conflit n'est pas terminé, il n'y a aucune réconciliation en vue et les gens ont peur de rentrer chez eux », dit-elle. « Je demande à Dieu de faire régner l’entente entre les gens afin que ceux qui veulent rentrer chez eux puissent le faire dans le futur. »