Une famille congolaise prend un nouveau départ en Norvège
Une famille congolaise prend un nouveau départ en Norvège
Ce que Jean* et sa femme Maria* regretteront de l'Ouganda, c'est l'air frais et non pollué de la belle campagne de Kisowera, dans le district de Mukono, où ils vivaient avec leurs sept enfants après avoir fui la violence en République démocratique du Congo (RDC).
Ils sont impatients de prendre un nouveau départ en s'installant en Norvège, laissant derrière eux les souvenirs du traumatisme qu'ils ont vécu dans le Masisi, dans la province du Nord-Kivu en RDC.
« Je ne pourrai jamais y retourner. Le simple fait de penser à la maison est traumatisant », confie Jean sur un ton ferme.
Âgé de 54 ans, ce père de sept enfants a travaillé comme maçon jusqu'en 2006, moment où sa vie a basculé.
Des milices armées ont attaqué son village, battu les gens et mis le feu aux maisons, enfermant les gens à l'intérieur pour qu'ils meurent. Ceux qui ont pu s'échapper se sont enfuis dans la forêt, mais malheureusement, les personnes âgées, comme les parents de Jean, ont été tuées dans les incendies.
Jean a fui avec le plus jeune de ses enfants, sa femme Maria, 48 ans, et leurs jumeaux les plus âgés. Ils ont cherché refuge séparément dans la forêt et ne se sont retrouvés que deux jours plus tard.
« Je ne pourrai jamais y retourner. Le simple fait de penser à la maison est traumatisant ».
« Nous nous cachions dans la forêt et nous nourrissions essentiellement de tubercules sauvages. Nous marchions le jour et dormions la nuit dans les buissons », se souvient Jean, ajoutant qu'ils se sont retrouvés plus tard dans le village de Lukoto, en RDC.
Les habitants de Lukoto ont été bienveillants à leur égard. Ils leur ont fourni un abri et des terres à cultiver. Ils sont restés là pendant environ sept mois, jusqu'à la nuit tragique où des rebelles ont attaqué le village, à la recherche de nourriture et de jeunes hommes forts.
« Ils m'ont battu, ligoté et laissé pour mort », se souvient-il.
Sa femme qui était enceinte d'environ six mois à l'époque a été violée par cinq hommes, en présence de leurs trois jeunes enfants.
« La dernière chose que j'ai entendue avant de perdre conscience, c'était les rebelles qui discutaient pour savoir s'ils allaient me tuer ou non », précise Maria.
En partant, les rebelles ont enlevé le jeune frère de Jean et d'autres jeunes hommes, les obligeant à porter la nourriture et les animaux domestiques qu'ils avaient volés. Plus tard, un voisin qui avait réussi à s'échapper leur a annoncé que son jeune frère avait été tué dans la forêt.
Jean se souvient que son voisin les a retrouvés, sa femme et lui, en mauvaise posture et qu'il a mobilisé d'autres voisins pour les emmener dans une clinique voisine. Face au manque de médicaments dans la clinique, ils ont dû quitter le village et marcher plusieurs jours. Ils finissent alors par atteindre Bunagana, ville frontière entre l'Ouganda et la RDC.
Ils sont alors accueillis dans une église qui leur fournit un endroit pour dormir, de l'eau et de la nourriture.
« Mais nous ne pouvions pas dormir, car nous entendions toujours des coups de feu de l'autre côté de la frontière. Nous pensions qu'ils venaient pour nous », relate Jean.
Ému par l'état de Jean, la grossesse de sa femme et le traumatisme évident, un bon Samaritain propose alors de les emmener à Kampala, la capitale ougandaise, où ils pourraient bénéficier d’une meilleure assistance. Le couple a ensuite accueilli un petit garçon en bonne santé le jour de Noël 2006.
« Nous avons eu peur que quelque chose de fâcheux ne se produise pour le bébé, mais nous remercions Dieu qu'il soit né sans problème », souligne Maria.
Le couple a essayé de prendre un nouveau départ en Ouganda, en travaillant comme maçon pour Jean et comme travailleuse manuelle et lavandière pour Maria, afin de gagner un peu d'argent. Mais la pandémie de Covid-19 a rendu les choses plus difficiles. Les enfants plus âgés ont perdu leurs emplois et le salaire quotidien de Jean a diminué, ce qui a obligé les plus jeunes à abandonner l'école. La santé de Maria s'est également détériorée.
« J'attends avec impatience de nouvelles opportunités pour nous et pour nos enfants ».
« Ces dernières années ont été difficiles. C'est comme retourner dans un endroit où nous ne voudrions jamais retourner », explique Jean, en pensant à tout ce qu'ils ont vécu.
Lorsque l'Ouganda s’est imposé des restrictions au début de la pandémie en 2020, ils ont reçu, comme tous les autres réfugiés vivant dans des zones urbaines, un soutien financier du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et du Programme alimentaire mondial.
Le départ pour la Norvège est une chance pour eux d'aller de l'avant et de tourner le dos au passé.
« J'attends avec impatience de nouvelles opportunités pour nous, pour que nos enfants bénéficient d’une éducation et pour que je puisse recevoir un traitement médical », confie Maria.
Selon le HCR, plus de 125 000 réfugiés en Ouganda ont besoin d’être réinstallés. Seulement 3500 places ont été mises à disposition par les pays de réinstallation en 2021. Cette année, 1154 réfugiés ont quitté l'Ouganda, dont 147 vers la Norvège.
« Grâce à la réinstallation, nous sommes en mesure de protéger les plus vulnérables et de faire preuve de solidarité vis-à-vis des pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés », souligne Joël Boutroue, représentant du HCR en Ouganda.
Selon lui, cette approche est conforme au Pacte mondial sur les réfugiés qui appelle à un plus large partage des responsabilités de la communauté internationale avec les pays qui accueillent des réfugiés.
« Je remercie tous les pays qui font partie du programme de réinstallation de l'Ouganda et j'appelle d'autres gouvernements à joindre leurs efforts et à élargir l'accès aux solutions de pays tiers pour le plus grand pays d'accueil de réfugiés en Afrique ».
* Les noms ont été modifiés pour des raisons de sécurité et de protection