Une bijoutière vénézuélienne surmonte son handicap pour recommencer une nouvelle vie en exil
Une bijoutière vénézuélienne surmonte son handicap pour recommencer une nouvelle vie en exil
A son arrivée en Equateur, la bijoutière vénézuélienne Stéphanie souhaitait reprendre son activité florissante de joaillerie, comme c’était le cas dans son pays d’origine – bien décidée à surmonter les défis liés à son handicap.
Cette mère de 34 ans avait perdu accidentellement son bras droit il y a plus de 10 ans et elle a appris à se servir de son bras gauche avec tant de dextérité qu’elle pouvait fabriquer des bijoux à base de perles parmi les plus compliqués. Son père avait été également joailler, et elle dit avoir ce métier « dans le sang ».
Grâce à une mise de fonds de HIAS, une ONG qui travaille avec le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, Stéphanie a lancé Manex, une fabrique de bijoux faits à la main et dont la marque combine les mots espagnols « mains » et « étranger ».
« Nous devons constamment aller de l’avant et persévérer envers et contre tout. »
« Nous, les réfugiés, nous n’avons pas le luxe de baisser les bras – même ceux d’entre nous qui ne souffrent d’aucun handicap », a indiqué Stéphanie, dont la famille avait trouvé refuge en Equateur en 2016, après avoir fui des menaces ciblées suite au meurtre de son frère. « Nous devons constamment aller de l’avant et persévérer envers et contre tout pour concrétiser, ailleurs à travers le monde, nos rêves et les opportunités d’avenir que nous avions dans notre pays d’origine. »
Comme Stéphanie, il y a des millions de réfugiés et de demandeurs d'asile handicapés à travers le monde, bien que leur nombre exact soit inconnu. Selon les statistiques mondiales les plus récentes qui remontent à 2011, 15% de la population mondiale souffre d'un handicap. En appliquant ce taux aux 79,5 millions de personnes déracinées en 2019, cela signifie qu'il y a environ 12 millions de personnes handicapées déracinées.
Cependant, d'autres études ont montré que de nombreuses personnes déracinées sont confrontées à des taux de handicap bien plus élevés que la population générale. En effet, dans des endroits en proie à des conflits chroniques, comme l'Afghanistan, on estime que plus de la moitié des personnes déracinées sont handicapées, les femmes étant particulièrement touchées.
Alors que Stéphanie est déterminée à renouer avec le succès dans sa nouvelle vie en Equateur, elle reconnaît qu’elle doit à nouveau surmonter les mêmes obstacles qu’elle avait connus après avoir perdu son bras dans un accident de voiture lorsqu’elle se rendait à l’hôpital pour donner naissance à son premier enfant.
En tant qu'amputée, elle avait dû faire face à un licenciement soudain, à la dévalorisation et à une mise à l'écart jusqu'à ce que, peu à peu, elle puisse prouver tout ce dont elle était capable. Lorsque la famille a fui en Équateur, elle s'est retrouvée à la case départ.
« Devoir quitter mon pays a signifié que je devrais recommencer à subir… toute la discrimination à laquelle j’avais déjà été confrontée du fait de mon handicap, en plus de la discrimination à l’encontre des femmes et de la xénophobie », a expliqué Stéphanie, qui avait déjà été déplacée une fois dans le passé. Née en Colombie, elle avait dû fuir, à l’âge de sept ans, le conflit armé avec sa famille, en quête de sécurité au Venezuela voisin, où ils avaient finalement pu bénéficier d’une naturalisation. « L’adaptation avait été très difficile. »
Elle explique que le fait de fuir son foyer en tant que personne handicapée représente un double défi – tout comme celui qu’elle avait dû surmonter après son accident.
« J’ai dû gérer deux choses très difficiles en même temps : devenir mère pour la première fois et devenir handicapée », a indiqué Stéphanie, qui a dû apprendre comment tenir, changer et nourrir son nouveau-né avec une seule main, la main gauche. Avant l’accident, elle est droitière.
« Devoir quitter mon pays signifiait être confrontée, de nouveau, à tous les défis. »
Alors que la population réfugiée est souvent confrontée à des problèmes pour répondre à leurs besoins de base comme un toit au-dessus de leur tête et l’accès à l’emploi, à l’école et aux soins de santé, les personnes handicapées doivent surmonter les habituels obstacles avec d’autres dus, largement, aux attitudes et comportements de la société. Les personnes déracinées handicapées sont souvent davantage confrontées à des risques accrus de discrimination, d’exploitation et de violence. Elles doivent même surmonter des barrières pour accéder à une assistance humanitaire grandement nécessaire. De plus, les personnes affectées d’autres types de handicaps qualifiés « d’invisibles » - qui ne sont pas identifiables à première vue, comme par exemple la surdité ou certaines déficiences cognitives ou psychosociales – peuvent même être confrontées à des problèmes encore plus importants, selon les experts.
« La première étape pour alléger le fardeau subi par les personnes déplacées handicapées est la reconnaissance. Le HCR considère que les personnes handicapées peuvent avoir à surmonter des stigmatisations additionnelles et des risques accrus », a déclaré Ricardo Pla Cordero, employé du HCR en charge de la protection qui aide à adapter les programmes et les stratégies du HCR pour répondre aux divers besoins des personnes handicapées. « Il est de notre responsabilité de connaître ces barrières et de les alléger – voire de les supprimer. »
Stéphanie considère son handicap non seulement comme une source de défis mais surtout de sa forte capacité de résistance.
Les handicaps « vous blessent d’une part car ils vous privent d'opportunités – en termes d'éducation, d’emplois décents et de promotions », dit-elle, ajoutant « qu’ils finissent également par vous aider parce que les difficultés auxquelles nous, les handicapés, sommes confrontés nous rendent plus débrouillards et nous permettent de créer nos propres opportunités. »
Alors que la pandémie de coronavirus affecte lourdement son plan d'entreprise, l'objectif de Stéphanie est de pouvoir un jour embaucher des travailleurs négligés par de nombreux autres employeurs - comme d'autres personnes handicapées et âgées, ainsi que des réfugiés - pour mettre en valeur leur potentiel souvent ignoré. « Trouver un emploi n'est pas facile quand on est handicapé, car les gens vous regardent et décident que vous ne pouvez pas faire le travail, sans même vous en donner la chance », a déclaré Stéphanie, qui, pendant la pandémie de coronavirus et les réductions de dépenses qui en ont résulté pour des produits non essentiels comme les bijoux, a dû accepter un travail de vente de fruits et de légumes et d'autres emplois journaliers sporadiques.
« La façon dont on peut voir les choses, en ayant l'attitude ‘je ne peux pas le faire’, est le vrai handicap », a déclaré Stéphanie. « Si je peux le faire, tu le peux aussi. »