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La quête d'autonomie d'un boulanger congolais réfugié au Burundi

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La quête d'autonomie d'un boulanger congolais réfugié au Burundi

Au Burundi, un réfugié congolais fournit du pain entièrement confectionné de façon artisanale aux habitants d'un camp de réfugiés ainsi qu'aux communautés voisines.
26 Janvier 2023

À la question de savoir quelle est la particularité de son pain, Cadet Kavugwa Shebulike répond avec une pointe d’humour. « Mon pain est ce qui se fait de mieux dans le camp et à 50km à la ronde », déclare-t-il.


À la question de savoir quelle est la particularité de son pain, Cadet Kavugwa Shebulike répond avec une pointe d’humour. « Mon pain est ce qui se fait de mieux dans le camp et à 50km à la ronde », déclare-t-il.

C’est en janvier 2019 que ce boulanger a dû fuir son foyer à Uvira en République démocratique du Congo en compagnie de sa famille pour trouver refuge au Burundi voisin. « Des hommes armés ont fait irruption chez moi en pleine nuit. Ils m’ont tiré dessus et laissé pour mort avant de partir en emportant tout mon argent et mes biens de valeur », se souvient-il. « Ils ont également poignardé ma femme au bras. »

« Mon pain est ce qui se fait de mieux dans le camp. »

Alertés par les coups de feu, les voisins viennent alors à leur secours et les conduisent à l’hôpital où ils sont pris en charge et soignés. La famille échappe de justesse à une seconde attaque de la part des mêmes assaillants quelques semaines plus tard. Ils décident alors de trouver refuge au Burundi voisin.

« Nous avons fui en pleine nuit et avons pu traverser la frontière après une marche de plusieurs heures, la peur au ventre, les mains et les poches vides », se souvient Cadet Kavugwa Shebulike, désormais installé dans le camp de réfugiés de Nyankanda, situé à l’est du Burundi et qui accueille environ 12 000 réfugiés congolais.

Au mois de septembre de la même année, il entreprend de lancer une boulangerie au sein du camp. « Plutôt que de rester les bras croisés et de dépendre complètement de l’aide que nous recevons de la part du HCR et des autres organisations humanitaires, j’ai jugé utile de retrousser mes manches et m’investir dans le domaine que je connais le mieux », souligne-t-il.

Cadet Kavugwa Shebulike prépare du pain avec ses employés et stagiaires dans sa boulangerie dans le camp de réfugiés de Nyankanda au Burundi.

La production de sa première fournée est alors rendue possible grâce aux quelques économies dont il dispose, ainsi qu’à l’aide de sa femme et d’un ami issu des communautés vivant aux alentours du camp. « Mon capital de départ était d’environ 4000 francs burundais – environ 2 dollars – auxquels j’ai ajouté 8000 francs qu’un ami a accepté de me prêter », se souvient-il. Les ressources ainsi réunies lui permettent de produire quotidiennement environ six kilogrammes de pain qu’il expose dans un kiosque monté à proximité de son logement.

Les clients ne se font pas longtemps attendre. Grâce à la qualité des produits qu’il propose, la réputation du boulanger dépasse rapidement les limites du camp.

Afin d’augmenter sa capacité de production, Cadet Kavugwa Shebulike a bénéficié d’une aide du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, dans le cadre de son appui aux activités génératrices de revenus. Il a ainsi reçu un nouveau four d’une plus grande capacité, du matériel, ainsi que de la farine, de l’huile et des ferments, ingrédients indispensables à la fabrication du pain.

L’aide apportée par le HCR par l’entremise de son partenaire, l’ONG RET international, a permis au boulanger d’embaucher trois apprentis et de passer de moins d’une dizaine de kilogrammes à une production quotidienne de 50 kilogrammes de pain. Le fruit de cette production s’apprécie non seulement au sein du camp, mais aussi dans les villages environnants. « Nous avons des clients fidèles jusqu’à Ruyigi, à plus d’une dizaine de kilomètres du camp », souligne fièrement l’artisan.

« Je ne connais aucun réfugié qui souhaite rester indéfiniment dans une situation de précarité et de dépendance. »

Attaché à son métier et à l’autonomie que lui confère son travail, Cadet Kavugwa Shebulike se dit convaincu que tous les réfugiés aspirent à l’autonomie et qu’ils ont la capacité d’exceller chacun dans leur domaine. « Être réfugié n’est pas un handicap. Ce n’est pas la fin du monde. Je suis la preuve vivante qu’on peut être réfugié et accomplir de belles choses », souligne-t-il. « Je ne connais aucun réfugié qui souhaite rester indéfiniment dans une situation de précarité et de dépendance. »

En visite en Tanzanie en août 2022, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés pointait du doigt le sous-financement de la réponse à la situation des réfugiés burundais et appelait à un soutien accru des donateurs afin de stimuler la fourniture de services de base.

Cet appel a été réitéré trois mois plus tard par la Haut Commissaire adjointe des Nations Unies pour les réfugiés, Kelly T. Clements, lors d’une visite au Burundi. « Nous avons besoin d’un soutien étendu pour permettre à toutes ces familles de se reconstruire durablement. Cela passe notamment par un accès aux services de base tels que l’école pour les enfants. Il est également capital d’assurer un plus grand accès à des opportunités économiques », soulignait-elle.

Fort de son succès, Cadet Kavugwa Shebulike ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Mais son ambition d’accroitre sa capacité de production et de conquérir une nouvelle clientèle bute face aux difficultés d’accès à l’électricité et aux restrictions à la liberté de mouvement auxquels font face les réfugiés. A cela viennent s’ajouter des difficultés d’accès au réseau téléphonique.

Afin de trouver des solutions à ces obstacles, le HCR mène un plaidoyer en faveur du raccordement des camps au réseau électrique national.

Cadet Kavugwa Shebulike aimerait pouvoir développer son entreprise, mais le manque d'accès à l'électricité dans le camp et les restrictions sur les mouvements des réfugiés sont des obstacles.

L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés plaide également en faveur d’un accès étendu des réfugiés aux opportunités économiques et à d’autres services qui permettraient d’augmenter leur potentiel et d’accroître leur capacité à contribuer au bien-être de leurs communautés d’accueil.

En attendant la levée de ces obstacles et que les conditions sécuritaires lui permettent d’envisager un retour chez lui, Cadet Kavugwa Shebulike partage ses connaissances avec d’autres réfugiés ainsi que des membres des communautés d’accueil à qui il apprend les rudiments du métier de boulanger-pâtissier. Une façon d’exprimer sa gratitude pour l’aide dont il a bénéficié depuis le jour où tout a basculé pour lui et sa famille.

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