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Une activiste transforme l'adversité en un nouveau départ pour les femmes réfugiées

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Une activiste transforme l'adversité en un nouveau départ pour les femmes réfugiées

Grâce au travail accompli auprès de ses compagnes réfugiées en Ouganda, la défenseure congolaise des droits humains, Sabuni Françoise Chikunda, est la lauréate régionale pour l'Afrique de la distinction Nansen du HCR pour les réfugiés.
21 Septembre 2020

L'activiste Sabuni Françoise Chikunda a marqué la vie de nombreuses personnes depuis son arrivée dans le site d'installation de réfugiés à Nakivale, en Ouganda, il y a trois ans.


Pour les enfants du centre d'accueil, cette femme de 49 ans toujours souriante est une enseignante d'anglais dévouée. Pour les femmes qui se retrouvent tous les jours pour fabriquer des objets artisanaux et discuter de leurs préoccupations dans le centre pour les femmes de Kabazana, elle est la fondatrice et la présidente de ce centre. Et pour les centaines de femmes vivant dans le site d'installation qui ont subi des violences sexuelles et sexistes, elle est leur conseillère et leur confidente.

« Je veux les aider à oublier les problèmes qu'elles ont connus pour qu'elles puissent démarrer une nouvelle vie », explique Françoise, en regardant, depuis un champ, le vaste site d'installation de Nakivale qui accueille près de 133 000 réfugiés.

Transformer l'adversité en un nouveau départ est une expérience profondément personnelle pour Françoise, arrivée à Nakivale en juin 2017 après avoir surmonté les épreuves de la violence et des déplacements plusieurs décennies auparavant.

« Je veux les aider à oublier les problèmes qu'elles ont connus pour qu'elles puissent démarrer une nouvelle vie. »

Pendant le génocide de 1994 au Rwanda, elle a survécu à une attaque brutale. Elle a ensuite enduré la violence, la torture et le viol de la part de miliciens armés qui l'ont enlevée et réduite en esclavage pendant des années dans son pays natal, la République démocratique du Congo (RDC).

« J'ai subi beaucoup de choses.... J'ai perdu ma maison, ma famille, mon travail... tout », dit-elle doucement. « J'ai été violée plusieurs fois. Mon mari et mes quatre enfants ont été assassinés. »

Elle a réussi à fuir en Ouganda où, en six mois à peine et malgré les traumatismes subis, elle est devenue responsable communautaire, enseignante bénévole et conseillère grâce à sa personnalité enjouée et sa vision positive de la vie.

Son visage s'illumine quand elle parcourt la salle de classe actuellement vide de Nakivale où elle avait l'habitude d'enseigner l'anglais avant que toutes les leçons ne soient interrompues à cause de la pandémie de Covid-19.

« J'adore enseigner, c'est ma passion. Cela m'occupe aussi », dit-elle. « Plus j'enseigne, mieux je me sens. »

Le fait de se trouver dans cette salle de classe semble lui donner une forme de libération du passé.

« Je traite les enfants comme les miens », ajoute-t-elle. « Je n'ai pas d'enfants alors, quand je suis avec eux, je suis vraiment heureuse. »

Son propre calvaire l'a conduite à se rapprocher d'autres victimes de violence dans la zone d'installation, en commençant par un groupe de seulement 10 femmes qui se rencontraient chez elle. Elles partageaient leurs expériences et se concentraient surtout - ce qui est vital - sur les prochaines mesures qu’elles devaient prendre pour refaire leur vie.

Son travail est soutenu par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, par l’intermédiaire de son organisation partenaire, le Conseil Américain pour les réfugiés, qui a fourni un espace à Françoise pour installer le centre pour femmes de Kabazana en 2018. Depuis sa création, plus de 1000 femmes y ont bénéficié d'une formation à diverses activités génératrices de revenus, comme la couture, la cuisine, l'artisanat, la coiffure et l'agriculture.

Pour son activisme sans relâche, Françoise a été choisie comme lauréate régionale pour l'Afrique de la distinction Nansen du HCR pour les réfugiés, une récompense annuelle prestigieuse qui rend hommage à celles et ceux qui accomplissent sans relâche un travail exceptionnel pour aider et soutenir les personnes déracinées et les apatrides.

Le/la lauréat(e) de la distinction, dont le nom n'a pas encore été dévoilé, sera annoncé(e) le 1er octobre. Le Prix lui-même sera présenté par le HCR lors d'une cérémonie virtuelle le 5 octobre.

« Jour après jour, quand elles voient les changements et l'amélioration de l'état de ces femmes, d'autres personnes continuent de venir au centre », déclare fièrement Françoise.

Alors qu'elle arpente le site, elle croise un groupe de femmes qui la saluent avec enthousiasme. Elles ne l'ont pas vue depuis presque trois mois, depuis qu'elle est partie se faire soigner à Kampala, la capitale.

« Je ne pense pas à ce qui m'est arrivé et, dans ces moments-là, je ne pleure pas. »

La plupart sont des victimes de violences et elles bénéficient des services offerts par le centre créé par Françoise. Vêtues de tenues africaines aux couleurs éclatantes, elles prennent Françoise dans les bras en riant bruyamment, puis se rendent chez une amie. 

L'une de ces femmes, Ntahobari, a survécu à un terrible viol collectif en fuyant la RDC en 2016. Séparée de son mari et de ses quatre enfants, elle a réussi à venir jusqu'en Ouganda et vit dans l'angoisse depuis lors. Elle ne sait pas où se trouve sa famille ni si son mari et ses enfants sont encore en vie. 
Elle a rencontré Françoise grâce au centre pour femmes où elle reçoit une aide qui la maintient occupée.

« Je ne pense pas à ce qui m'est arrivé et, dans ces moments-là, je ne pleure pas », déclare-t-elle en parlant du temps qu’elle passe avec les autres femmes.

Françoise comprend le besoin de rester occupée, comme elle le fait elle-même souvent, pour tenir les mauvais souvenirs à distance.

« Vous savez, quand vous êtes inactifs, le stress vous envahit et vous ressassez sans cesse les événements que vous avez vécus », explique-t-elle. « Mais quand je suis occupée à former les femmes et à enseigner aux enfants, en échangeant nos expériences, cela aide beaucoup. »

Les femmes ont ouvert divers commerces et ont récemment commencé à produire du vin. Mais en raison des restrictions à la circulation liées à la pandémie de Covid-19 et au confinement qui a suivi, elles ont dû s'adapter rapidement et ont transformé la fabrique de vin en pharmacie. Elles prévoient désormais d'ouvrir un dispensaire.

Neema Claire, qui a appris la couture et la coiffure, fait partie des femmes formées au centre pour femmes. Avec Françoise, elles ont économisé assez d'argent pour créer une entreprise qui fabrique et qui loue des robes de mariée et des décorations dans le site d'installation.

« Chaque week-end, nous louons des robes à deux voire parfois quatre couples », dit-elle.

Du fait de la pandémie de Covid-19, les affaires ont ralenti mais les femmes ont diversifié leurs activités et ouvert une épicerie. 

« Je leur ai appris à être indépendantes et j'en suis très fière. »

Pour l'avenir, Françoise aimerait recevoir davantage de financements, de matériel de couture et d'espace pour continuer de travailler avec un nombre croissant de femmes et de filles dans le site d’installation.

« Je veux voir un changement dans leur vie, socialement et économiquement, tout en leur ouvrant des opportunités plus larges », déclare-t-elle.

« Cela me fait tellement de bien d'aider mes compagnes réfugiées à guérir en ces temps difficiles », ajoute-t-elle en souriant. « Je leur ai appris à être indépendantes et j'en suis très  fière. »

La distinction Nansen pour les réfugiés doit son nom à Fridtjof Nansen, l'explorateur et humanitaire norvégien lauréat du Prix Nobel qui a occupé le premier poste de Haut Commissaire pour les réfugiés après avoir été nommé par la Société des Nations en 1921. Cette distinction vise à honorer les valeurs de persévérance et d'engagement face à l'adversité prônées par ce dernier.

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