Ni crime, ni condamnation pour des réfugiés en détention à Bangkok
Ni crime, ni condamnation pour des réfugiés en détention à Bangkok
BANGKOK, Thaïlande, 9 juillet (HCR) - Bhumika Dhakal, une jeune fille réfugiée de grande taille et débrouillée, alors âgée de 12 ans, balayait le sol et surveillait ses trois petites soeurs quand la police a frappé à la porte de leur maison avant le petit-déjeuner, il y a deux ans, pour les emmener.
« Mes parents étaient sortis et ils m'avaient demandé de faire le ménage », s'est-elle rappelée depuis le centre de détention pour l'immigration de Bangkok, un centre surpeuplé. « Il y avait aussi une Sri Lankaise qui avait été arrêtée. Elle demandait si elle pouvait aller dans le parc pour aller chercher ses enfants avant qu'ils ne l'emmènent. Elle m'a aussi indiqué que c'était une bonne idée de prendre des vêtements, alors j'ai rapidement préparé un petit sac. Ma soeur de neuf ans pleurait mais le reste d'entre nous, même la petite de deux ans, sommes rentrées silencieusement dans le fourgon de police. »
Bien que tous les membres de la famille aient reçu des lettres du HCR confirmant qu'ils bénéficient d'une protection en tant que réfugié - les parents ont été arrêtés plus tard dès leur retour à la maison. Ils sont dans le centre de détention pour l'immigration depuis deux ans, soit la durée moyenne pour des réfugiés arrêtés à Bangkok. La capitale thaïlandaise accueille désormais 2 150 réfugiés et demandeurs d'asile (en plus des quelque 112 000 réfugiés originaires du Myanmar qui vivent dans des camps isolés au nord de la Thaïlande), toutefois des réfugiés urbains vivent ici dans la crainte d'une arrestation.
La Thaïlande considère tous les réfugiés urbains comme des migrants illégaux s'ils ne détiennent pas de passeport en cours de validité et des visas. L'année dernière, le HCR a réussi à obtenir la remise en liberté d'environ la moitié de ceux qui avaient été arrêtés par la police thaïlandaise.
Le vrai problème intervient lorsqu'ils sont transférés au centre de détention pour l'immigration - où se trouvent actuellement 189 réfugiés - car la détention y est illimitée, bien que les réfugiés n'aient commis aucun crime. Deux réfugiés y sont détenus depuis sept ans et ils n'ont toujours aucun espoir en vue pour une libération.
« J'ai cru que j'allais défaillir », a expliqué le père de Bhumika, Ghanashyam Dkakal, quand il a découvert que ses enfants avaient été emmenés et qu'il a allait subir le même sort avec sa femme. « Le problème essentiel est l'éducation de nos enfants. Nos filles devraient étudier, au lieu de passer deux ans dans une cellule. »
Il est détenu dans une cellule pour hommes séparément de sa femme, qui vit avec les quatre filles, maintenant âgées de quatre à 14 ans, dans une cellule prévue pour 150 personnes dans laquelle s'entassent actuellement 400 femmes et enfants. Ghanashyam Dkakal indique ne pas comprendre pourquoi sa famille a été arrêtée, et il ne sait pas à quoi sert leur détention prolongée. C'est très inquiétant de ne pas savoir combien de temps ils auront à rester dans ce centre de détention.
Ils sont soumis à une forte pression psychologique causée par le vide juridique dans lequel ils se trouvent. La réalité de la cellule surpeuplée, c'est le manque de sommeil, en effet « depuis notre arrivée au centre de détention, les enfants ont pu dormir seulement 50 pour cent du temps requis. »
Le sommeil est aussi un problème majeur pour la Sri Lankaise qui a passé près de deux ans au centre de détention, soit plus longtemps que la période vécue avec son mari après leur mariage. Ils ont été arrêtés tous les deux ensemble. « Il n'y a pas assez de place pour s'allonger ici. Pendant deux ou trois jours, je dois dormir assise, alors j'ai maintenant des problèmes de dos », a indiqué Mathi*, cette jeune femme de 24 ans. Les détenus se plaignent du fait que les cellules sont surpeuplées et qu'il y ait seulement quatre latrines pour les 400 personnes.
Le supplice de la détention est aggravé par le fait que les détenus n'ont « aucune idée du temps que nous devrons rester ici », a indiqué le mari de Mathi, Sivanathan*. « J'ai l'impression que ma vie est finie », a indiqué ce Sri Lankais de 38 ans. « Tout ce que j'ai fait, c'est venir dans ce pays et demander une protection aux Nations Unies. Je continue à me demander quelle erreur ai-je bien pu commettre ? »
Il est actuellement détenu séparément de sa femme, il a le droit de la voir seulement une heure et demi par semaine, il est tourmenté par la culpabilité d'avoir aggravé la souffrance de sa femme par inadvertance. « Lorsque nous étions libres, ma femme souhaitait vraiment avoir un bébé. Je lui disais, ce n'est pas le pays approprié pour nous. Nous allons partir pour une réinstallation dans un pays tiers et alors nous pourrons préparer l'arrivée d'un enfant. » Il n'est pas sûr que ce jour arrive jamais.
De son côté, le rêve de Mathi est modeste. « La plupart des femmes n'ont pas un bon mari. J'ai trouvé un bon mari qui n'a pas de mauvaises habitudes. Mais je ne peux pas vivre avec lui. Je ne sais si je devrai rester toute seule toute ma vie. Je vous serais reconnaissante si vous pouviez juste me laisser vivre avec lui. »
Pour Ghanashyam, sa femme et leurs quatre filles, la détention a soudain pris fin début juillet, quand ils ont pris l'avion depuis Bangkok pour commencer une nouvelle vie en Nouvelle-Zélande dans le cadre d'un programme de réinstallation du HCR dans un pays tiers. Avant son départ, il a lancé un appel au monde : « Aucun pays ne devrait enfermer des personnes dans des cellules tout en sachant que les réfugiés bénéficient d'une protection internationale. Si un gouvernement pouvait décider d'une amnestie, de compassion et de ne pas arrêter des réfugiés comme nous, ce serait alors un jour victorieux. »
* Noms fictifs pour des raisons de protection
Par Kitty McKinsey à Bangkok, Thaïlande