Malgré les difficultés, les réfugiés sud-soudanais sont prêts à rentrer
Malgré les difficultés, les réfugiés sud-soudanais sont prêts à rentrer
YEI, Sud-Soudan, 16 juin (UNHCR) - Paul Mabe, 49 ans, a passé 22 années de sa vie comme réfugié. Depuis 1965, il a dû s'enfuir à plusieurs reprises du Sud-Soudan. Il raconte son amertume.
L'ancien enseignant, grand et mince, déclare dans un anglais précis : « Lorsque vous vous trouvez dans la maison de quelqu'un d'autre, vous vous sentez inférieur. Vous n'êtes pas libre de faire ce que vous voulez. »
C'est la métaphore qu'il utilise pour expliquer pourquoi il a laissé la majorité des membres de sa grande famille dans un camp de réfugiés de la République démocratique du Congo. Il est revenu pour planter des cultures et construire des maisons afin qu'ils puissent le rejoindre au Sud-Soudan.
Paul Mabe est l'exemple parfait d'un nombre croissant de familles de réfugiés qui ont un pied au Soudan, et l'autre de l'autre côté de la frontière.
Même s'il n'y a pas de statistiques précises, des dizaines de milliers de réfugiés sont déjà rentrés dans le sud par leurs propres moyens, sans attendre le déminage des routes ni le début des convois organisés par l'UNHCR à partir des pays voisins. L'agence des Nations Unies pour les réfugiés s'attend au retour de quelque 550 000 réfugiés sud-soudanais, ainsi que celui d'environ 4 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays.
Malgré sa vie mouvementée, Paul Mabe a reçu une bonne éducation. Il affirme avoir suivi de très près les pourparlers de paix de janvier dernier, qui ont mis fin à la guerre civile qui ravageait le Sud-Soudan depuis 21 ans, une région qui, ces 50 dernières années, a plus souvent connu la guerre que la paix.
Il a toujours rêvé de pouvoir rentrer et était convaincu que « malgré les hauts et les bas, la paix finirait par revenir. »
Malgré cela, il était conscient que les années défilaient : il a eu 11 enfants, et sa première femme est décédée. « En exil pendant si longtemps, vous ne pouvez rien planifier », dit-il. « J'ai l'impression d'avoir perdu une partie de ma vie. »
Il a quitté la RDC pour rentrer dans la région de Yei, il y a presque un an, accompagné de sa fille, Sabina, 25 ans, et de son bébé. De ses propres mains, il a directement commencé à construire une maison en torchis pour sa famille.
Sa seconde femme et dix de ses 11 enfants se trouvent toujours au Congo. Ils attendent que l'UNHCR les ramène chez eux et leur donne un peu d'aide pour recommencer leur vie au Sud-Soudan.
Comme tous les gens qui rentrent au pays, ils connaîtront d'abord des difficultés. Les pluies ont été tardives cette année, et les mauvaises récoltes ont fait monter les prix sur les marchés de Yei.
« Jusqu'à présent, cela a été vraiment dur », déclare le père Simon Khamis, un prêtre catholique romain qui travaille dans la communauté. « Toute la population masculine éprouve de grandes difficultés. Ils ont l'impression que leur vie est en morceaux. Les hommes sont traumatisés, car ils ont l'impression qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose pour leur famille. Beaucoup sombrent dans l'alcoolisme. »
En ce moment, ce sont les femmes qui rapportent l'argent à la maison, mais elles travaillent dur pour un salaire de misère. Pour profiter de l'explosion du marché de la construction dans les environs de Yei, les femmes se lèvent tôt le matin, marchent 8 km pour aller couper du foin nécessaire aux toits de chaume, ramènent leur récolte sur la tête pendant tout le trajet et la vendent pour l'équivalent de 25 cents de dollar.
L'UNHCR soutient financièrement des centres de formation professionnelle et d'autres projets, comme des hôpitaux et des écoles, afin de réduire le chômage et de relancer le développement du Sud-Soudan, pour le bien des communautés locales et des personnes rentrées au pays.
« Nous sommes en train de préparer un certain nombre de projets générateurs de revenus qui seront essentiels pour aider les Sud-Soudanais à commencer une nouvelle vie, et qui devraient contribuer à la croissance économique générale du pays », explique Vincent Chordi, le chef des opérations de l'UNHCR au Sud-Soudan.
Pour un étranger, le Sud-Soudan donne une impression de pauvreté absolue. Cependant, Paul Mabe envisage les choses avec philosophie : « Etre pauvre, c'est ne pas pouvoir se maintenir au niveau des autres », murmure-t-il. « Ici, tout le monde est pauvre. Il y a donc de la pauvreté, mais elle est la même pour tout le monde. »
Et surtout, ne le confondez pas avec ces hommes qui ont trouvé leur retour si décourageant. Il se concentre sur le travail à faire : une maison confortable et des cultures vivrières pour ses proches.
« Lorsque j'aide ma famille, j'aide à construire mon pays », dit-il, en jetant un regard attendri sur sa fille Sabina, assise dans un coin de leur maison vide, en train de bercer son bébé, Agnès, âgée de deux ans.
L'optimisme de Sabina est sans limite : « Je suis contente d'être de retour », dit-elle timidement. « La vie va être facile parce que nous sommes revenus dans notre pays. »
Par Kitty McKinsey à Yei