En quête d'un avenir meilleur, des désespérés tentent la traversée vers le Yémen au péril de leur vie
En quête d'un avenir meilleur, des désespérés tentent la traversée vers le Yémen au péril de leur vie
BOSSASSO, Somalie, 12 septembre (UNHCR) - Ils dorment dans les rues, ils acceptent n'importe quel travail pour payer les passeurs et entreprendre la dangereuse traversée du Golfe d'Aden. Le risque de périr noyé est balayé par leur espoir d'échapper au chaos et à la pauvreté qui règnent en Somalie.
Depuis cinq ans, les personnes qui veulent partir pour le Yémen ou les riches Etats pétroliers du Moyen-Orient en quête d'une vie meilleure viennent dans ce port situé au nord-est de la région somalienne du Puntland. Depuis le début de la nouvelle saison de navigation - elle se déroule de septembre à mai chaque année - l'UNHCR a vu plusieurs centaines de personnes débarquer de frêles embarcations au Yémen, au terme d'une traversée de 300 kilomètres.
Des groupes d'Ethiopiens et de Somaliens, sans doute prêts à entreprendre ce dangereux périple pour atteindre le Yémen, se dirigent vers Bossasso, une plaque tournante du trafic bien connue de la région autoproclamée indépendante. La police a opéré quelques arrestations mais elle a aussi été informée que des bateaux transportant des personnes étaient en train de partir.
Pour une somme d'environ 50 dollars, les passagers seront entassés sur de frêles embarcations pour une traversée du Golfe d'Aden de 48 heures sous un soleil de plomb. Tous ne termineront pas le voyage. Sur le premier bateau parti cette année, quatre personnes sont mortes après avoir été forcées à se jeter à l'eau avant d'avoir rejoint les côtes. Le voyage est pénible : les bateaux chavirent, certains passagers sont balancés par-dessus bord par les trafiquants et la plupart doivent nager pour atteindre la rive, les bateaux évitant ainsi d'accoster au Yémen.
Au cours de la précédente saison de navigation, l'Organisation internationale pour les migrations a fait état d'une augmentation très nette du nombre d'individus transitant par le Puntland. L'équipe de l'UNHCR au Yémen estime qu'environ un bateau par jour - soit 100 personnes - arrive pendant la saison. Sur la base des années antérieures, plusieurs centaines de personnes mourront avant d'avoir rejoint le Yémen.
« Les gens sont vraiment désespérés », indique le commandant de la police de la région du Puntland, le Général Yusuf Ahmed Khair. Il prévoit d'ailleurs un nombre plus important de départs cette année. Bossasso est une ville poussiéreuse et chaude qui ne dispose que de quelques bâtiments et qui est dépourvue de toute route goudronnée. Elle est encerclée par des campements immenses et misérables où vivent des personnes déplacées originaires de l'ensemble de la Somalie. Des milliers d'Ethiopiens vivent aussi dans divers quartiers de la ville.
Toutefois, en raison de la sécurité relative qui y règne et des activités commerciales qui s'y déroulent, cette ville attire des habitants du sud et du centre de la Somalie, des régions en proie à l'anarchie, et des Ethiopiens. Du fait de l'industrie de la pêche, il est aisé de trouver des bateaux pour la traversée du Golfe depuis Bossasso.
« Beaucoup d'Ethiopiens ont été déplacés par les inondations et de nombreux Somaliens fuient Mogadiscio et le sud de la Somalie à cause de la violence », ajoute Yusuf Ahmed Khair. « Ils veulent une vie meilleure. Ils pensent que le Yémen est un paradis, ça les pousse à partir. »
Les conditions de vie à Bossasso sont difficiles. La plupart de ceux qui souhaitent traverser le Golfe d'Aden dorment dans les rues et près du port, le temps pour eux de rassembler l'argent nécessaire pour payer les passeurs. Les plus chanceux sont hébergés par la communauté éthiopienne ou par d'autres Somaliens. Dans la plupart des cas, ils ont à peine de quoi manger et préfèrent épargner le peu d'argent qu'ils ont pour payer leur traversée. Les conditions sont particulièrement dangereuses pour les femmes, qui sont souvent plus vulnérables aux viols et à la violence.
Les Somaliens qui atteignent le Yémen reçoivent automatiquement le statut de réfugiés car nombre d'entre eux fuient le violent conflit, même si tous n'en font pas la demande. Les Ethiopiens ne sont pas reconnus automatiquement comme réfugiés, mais leurs situations peuvent être traitées individuellement. On compte actuellement 88 000 réfugiés au Yémen, dont 84 000 sont somaliens.
Il y a un an, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres a lancé un appel à la communauté internationale pour endiguer le flux des désespérés qui quittent la Somalie pour le Yémen. « La communauté internationale doit aider et faire pression sur les autorités locales du Puntland et de Bossasso pour sévir contre les passeurs. »
L'UNHCR travaille avec les autorités pour arrêter la traite d'êtres humains, mais leurs représentants du gouvernement disent ne pas disposer des ressources suffisantes pour arrêter les nombreux bateaux. Le commissaire de police du Puntland dit qu'il n'a pu intercepter que « quelques-uns » des passeurs.
Parallèlement, les autorités locales indiquent que les personnes qui ont fui la violence ou les persécutions ne seront pas expulsées de Bossasso vers les zones d'où ils ont fui en Ethiopie ou vers le sud ou le centre de la Somalie. L'UNHCR travaille avec les autorités locales pour que les demandeurs d'asile puissent déposer une demande pour obtenir le statut de réfugié au Puntland. En août, la police a arrêté 36 Ethiopiens et Somaliens du sud qu'ils suspectaient de vouloir rejoindre le Yémen. Yusuf Ahmed Khair a expliqué que la police avait sauvé leurs vies.
L'Ethiopien Hassan Mohamed faisait partie des personnes arrêtées. Comme les autres, il maintient n'être venu vers le port de commerce que pour chercher du travail. Il a cependant admis qu'il avait déjà effectué deux fois la traversée vers le Yémen. Cette fois il était avec sa femme, la seule femme dans le groupe d'hommes tous âgés d'une vingtaine d'années, et a clamé qu'il n'avait pas l'intention d'entreprendre à nouveau la traversée du Golfe d'Aden.
Mais la police croit à une toute autre version des faits, au vu des maigres possessions des migrants. Ils avaient des petits sacs contenant des fruits secs et de l'eau, le strict minimum pour survivre à une traversée périlleuse lorsque la température atteint 40°C.
Par Catherine-Lune Grayson à Bossasso, Somalie