Des milliers de Soudanais fuient la violence et gagnent l'Éthiopie
Des milliers de Soudanais fuient la violence et gagnent l'Éthiopie
Hawa Ahmed Yassin, 40 ans, préparait le petit-déjeuner par une matinée froide et pluvieuse de juin de l'année dernière, lorsque des combats ont éclaté dans sa ville natale de Kourmouk, dans l'État du Nil Bleu au Soudan. Les échanges de tirs et les bombardements étaient si proches de sa maison qu'elle et sa famille ont dû tout abandonner et s'enfuir.
« Nous avons dû partir », explique-t-elle. « Nous n'avons pas eu le temps de préparer nos affaires, ni même de prendre notre thé. »
Avec ses dix enfants et sa mère âgée de 80 ans, elle a entrepris un difficile voyage de trois heures pour atteindre la frontière avec l'Éthiopie et demander l'asile.
« Il pleuvait et la route était boueuse », raconte-t-elle. « Des coups de feu retentissaient du côté des montagnes, c'était vraiment terrifiant. Ma mère était malade et ne pouvait pas marcher. À un certain moment, elle a dit vouloir rentrer, mais c'était trop dangereux, alors nous avons dû la soutenir. »
Depuis avril dernier, lorsque le conflit a éclaté à Khartoum, la capitale du Soudan, et s'est ensuite étendu à d'autres régions du pays, près de 8 millions de personnes ont été déplacées tant à l'intérieur du pays qu'au-delà de ses frontières, principalement vers le Tchad, le Soudan du Sud et l'Égypte, mais aussi vers l'Éthiopie, qui a accueilli plus de 47 000 réfugiés et demandeurs d'asile.
Ces derniers mois, les combats se sont intensifiés avec la prise de Wad Madani, la deuxième ville du pays, dans l'État d'Al Jazirah, par les Forces de soutien rapide. La ville accueillait des centaines de milliers de personnes déplacées de Khartoum et d'ailleurs qui ont été forcées de s'enfuir pour la deuxième fois.
Hawa compte parmi les plus de 20 000 personnes, dont certains réfugiés de retour, qui ont fui vers l'Éthiopie via la frontière de Kourmouk, à l'ouest du pays, au cours des neuf derniers mois. La plupart sont arrivées de l'État du Nil Bleu, fuyant les combats entre l'armée soudanaise et les Forces de soutien rapide. Cependant, au cours des cinq dernières semaines, plus de 2 700 personnes sont arrivées de Wad Madani.
Les récentes arrivées mettent à rude épreuve les capacités du centre de transit d'urgence mis en place au début de la crise par le Service des réfugiés et des rapatriés du gouvernement éthiopien et le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, en collaboration avec leurs partenaires. Une assistance de base y est fournie (nourriture, eau, tentes, couvertures, articles de cuisine et services médicaux d'urgence), mais la capacité du centre est limitée et le camp de réfugiés le plus proche, Sherkole, qui accueille plus de 15 000 réfugiés, est plein.
La plupart des nouveaux arrivants sont des femmes et des enfants confrontés au traumatisme de la guerre qui les a arrachés à leur foyer. Ils vivent dans des abris de fortune bricolés avec des bâches en plastique, des bâtons, de l'herbe et des bouts de tissu. D'autres trouvent refuge dans des hangars communautaires surpeuplés, où ils sont entassés dans des conditions insalubres, sans aucune intimité et avec des installations sanitaires et une hygiène insuffisantes.
Survivre en ne buvant que du thé
Avec l'aide de ses enfants, Hawa a installé une petite tente et une cuisine rudimentaire sous un arbre qui leur procure un peu d'ombre. Elle, sa vieille mère et ses dix enfants doivent partager cette tente, qui les protège à peine de la chaleur du soleil et de la fraîcheur de la nuit. Elle dit que le plus urgent pour eux est d'avoir un logement convenable et de la nourriture en plus grande quantité.
« Nous essayons de manger deux fois par jour, mais quand nous n'avons pas assez de nourriture, j'essaie de compenser par du thé », confie-t-elle.
Dans le cadre de la politique du gouvernement éthiopien visant à intégrer les réfugiés dès le début de la crise, les autorités régionales ont alloué de nouveaux terrains pour la construction d'un site d'accueil des réfugiés à environ 88 kilomètres de la frontière. Les personnes actuellement hébergées dans le centre de transit y seront bientôt transférées et auront accès à de meilleurs abris ainsi qu'aux services nationaux de santé et d'éducation.
L'Éthiopie est l'un des principaux pays d'accueil de réfugiés en Afrique, avec près d'un million de réfugiés en plus de 3,5 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, mais c'est l'une des opérations du HCR les moins bien financées. À la fin de l'année 2023, les programmes du HCR en Éthiopie n'étaient financés qu'à hauteur de 36 %. Le HCR a besoin de 426 millions de dollars pour faire face à la situation dans le pays cette année.
- Voir aussi : En visite en Éthiopie, le chef du HCR appelle à davantage de soutien en faveur des personnes qui fuient le Soudan
« La générosité sans faille de l'Éthiopie envers les personnes déracinées, y compris celles qui sont récemment arrivées du Soudan, est remarquable et devrait s'accompagner d'un soutien encore plus important de la part de la communauté internationale », a indiqué le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, qui vient d'achever une visite de trois jours dans le pays.
« Je sais qu'il y a beaucoup d'autres crises dans le monde. Certaines sont particulièrement graves. Certaines font les gros titres. Mais nous ne pouvons pas oublier que, pour les personnes avec lesquelles je viens de m'entretenir, qui ont fui la guerre au Soudan, le quotidien est fait de souffrances, jour après jour », a-t-il ajouté.
L'espoir de retrouver la paix
Aux abords du centre de transit de Kourmouk, on ne peut que constater la résilience et l'esprit entrepreneurial dont font preuve les réfugiés en installant des boutiques de fortune au bord de la route, où ils vendent des fruits, des légumes et divers autres produits de consommation courante.
Assises sur un petit tabouret en bois dans un petit abri en face de leur tente, Hawa et sa fille font frire des falafels dans une grande poêle posée sur un réchaud traditionnel.
« Comme vous pouvez le voir, je tire mes revenus de la vente de falafels et si j'en retire un peu d'argent, j'achète du savon pour eux [mes enfants] en plus de la nourriture, mais ce n'est pas suffisant pour acheter des vêtements, des chaussures ou des médicaments », explique-t-elle.
Hawa ne pense pas pouvoir retourner au Soudan de sitôt en raison de la violence persistante et des traumatismes qu'elle et sa famille ont connus lors de leur fuite vers l'Éthiopie. Ils seront bientôt relogés sur le nouveau site.
« J'espère que la guerre prendra fin, car elle n'a rien de bon », conclut-elle. « J'espère que mes enfants pourront avoir une éducation de qualité et qu'ils vivront dans un environnement sûr où ils pourront avoir accès aux soins de santé, afin que ma mère et moi puissions avoir l'esprit tranquille. »