Des réfugiés trouvent la sécurité en Arménie, mais leur avenir reste incertain
Des réfugiés trouvent la sécurité en Arménie, mais leur avenir reste incertain
Karine, 24 ans, venait de donner naissance à son deuxième enfant - une fille prénommée Mane - et attendait avec impatience l'arrivée de sa famille à la maternité de Martakert, une ville du Karabakh, pour la ramener elle et son bébé à la maison.
Dans la maison de Karine, à la périphérie de la ville, sa meilleure amie et belle-sœur, Mariam, était en train de décorer la maison et de dresser la table pour accueillir le nouveau membre de la famille. Elle était également entourée de son mari Hrach et de leurs deux enfants, ainsi que de son beau-frère - le mari de Karine - Artyom.
Mais la fête annoncée n'a jamais eu lieu. Des messages ont commencé à circuler demandant aux gens de se mettre à l'abri. À l'hôpital, les médecins ont dit à Karine et aux autres mères du service de descendre au sous-sol avec leurs nouveau-nés.
« À ce moment-là, ma principale appréhension était liée au fait que mon fils se trouvait à l'école », raconte Karine. Je me disais : « Où est-il... que va-t-il lui arriver ? »
Tandis qu'Artyom se rendait en toute hâte à l'école maternelle pour récupérer leur jeune fils et l'emmener à l'hôpital, Mariam et sa famille se sont précipités chez eux et se sont réfugiés dans leur sous-sol. « Nous avons tout abandonné ... et nous nous sommes enfuis. Nous n'avons pas fini de décorer la pièce. Nous avons juste réussi à attraper nos papiers et avons couru à la cave », explique Mariam.
Les moyens de communication étant coupés, les membres de la famille ont préféré se réunir à l'hôpital et ont passé deux nuits angoissantes dans un abri souterrain. Finalement, craignant pour leur sécurité, ils ont pris la décision difficile de fuir la ville et de rejoindre la frontière avec l'Arménie. Comme les routes étaient encombrées de familles tentant de s'enfuir, ce qui était habituellement un voyage de trois heures leur a pris plus de 40 heures.
Ce n'est que lorsqu'ils ont finalement franchi la frontière arménienne, tôt le 25 septembre, à la hauteur du village de Kornidzor, épuisés et affamés, que Karine a pris conscience de ce qui leur arrivait. « Je n'oublierai jamais le moment où nous avons atteint Kornidzor. J'ai souvent vu dans les films des personnes se trouvant dans des situations extrêmement difficiles (...) approchées par des travailleurs humanitaires, des voitures, des services de secours. Je n'aurais jamais imaginé que je serais à mon tour approchée par des travailleurs humanitaires me proposant leur aide. »
Karine et sa famille font partie des plus de 100 000 réfugiés qui ont rejoint l'Arménie depuis le Karabakh en l'espace d'une semaine à la fin du mois de septembre. Nombre d'entre eux sont arrivés traumatisés, épuisés et affamés, et ont eu besoin d'un soutien psychosocial et d'une aide d'urgence. Environ 30 % des réfugiés sont des enfants, ainsi que de nombreuses femmes et personnes âgées.
Des équipes du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, sont présentes à la frontière arménienne depuis le premier jour, pour apporter leur soutien à la réponse menée par le gouvernement. L'agence a fourni du matériel pour aider les autorités à enregistrer les nouveaux arrivants et à évaluer les besoins des familles réfugiées.
Le HCR travaille 24 heures sur 24 et, avec son partenaire l'ONG Mission Armenia, distribue des lits pliables et des matelas, des couvertures chaudes et des oreillers, des draps, des articles d'hygiène, des ustensiles de cuisine et d'autres produits de première nécessité aux familles. De nombreux nouveaux arrivants sont accueillis dans des communautés frontalières isolées et doivent faire face à des conditions de vie difficiles en ce début d'hiver. L'agence et ses partenaires des Nations Unies et des ONG ont lancé un appel de fonds de 97 millions de dollars pour pouvoir répondre aux besoins urgents des réfugiés en Arménie.
Si certains réfugiés vivent dans des hôtels, des auberges, des écoles et d'autres abris temporaires, Karine et ses proches font partie de ceux qui sont actuellement hébergés par leur famille ou leurs amis en Arménie. Quinze membres de cette grande famille se sont entassés dans la maison à deux chambres des parents de Hrach et Artyom à Vardenis, dans la province de Gegharkunik, une ville de campagne située au milieu de plaines entourées de montagnes au nord et à l'est et du lac Sevan à l'ouest.
La mère des deux frères, Romella, a fait part du désespoir qu'elle a ressenti lorsqu'elle a perdu le contact avec ses enfants et leurs familles pendant plusieurs jours. « C'était un sentiment horrible. Je pleurais tout le temps, je priais pour avoir de leurs nouvelles. Je ne peux pas décrire le sentiment de soulagement que j'ai ressenti lorsque j'ai appris que mes enfants étaient arrivés sains et saufs. »
Ce soulagement l'emporte sur les possibles réticences liées à la présence de tant de membres de la famille sous un même toit. « Au contraire, je ressens de la joie, du bonheur. Lorsque les enfants étaient partis, nous nous sentions seuls et la maison nous paraissait vide. Maintenant que tout le monde est là et que nous sommes ensemble, la maison est pleine. Je suis tellement heureuse. Croyez-moi, je ne me fais plus de soucis, plus rien ne me tracasse. »
« Nous ne pouvons pas vivre ici longtemps dans ces conditions. »
Mais Karine et sa jeune famille restent profondément marquées par leur récente expérience, comme un grand nombre de réfugiés en Arménie dont la vie a été bouleversée. « Ce qui m'attriste le plus, c'est que mon fils se réveille tous les matins à 5 heures en disant : ‘’Tu ne vas pas m'emmener au jardin d'enfants, hein ? Je ne veux pas aller au jardin d'enfants". Il a toujours peur et ne veut pas aller à l'école, car il y est resté seul lorsque tout cela est arrivé. »
Hrach sait que la situation actuelle n'est que provisoire, mais il sait aussi que l'avenir reste incertain. Lui et sa femme Mariam possèdent une petite maison près de la capitale Erevan, mais elle n'est qu'à moitié terminée et ils n'ont pas les moyens d'achever les travaux de rénovation en plus du coût de l'hypothèque.
« Nous ne pouvons pas vivre ici longtemps dans ces conditions », dit-il. « C'est notre priorité aujourd'hui. La chose la plus importante pour moi à ce stade est de trouver un endroit où vivre, et à partir de là, nous pourrons commencer une nouvelle vie : trouver un emploi, inscrire les enfants à l'école et au jardin d'enfants. [Mais] nous avons besoin d'un toit pour reconstruire notre vie et pouvoir élever nos enfants. »