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Canada : un violoniste syrien continue sa carrière musicale grâce à ses parrains

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Canada : un violoniste syrien continue sa carrière musicale grâce à ses parrains

La guerre a interrompu la carrière musicale prometteuse de Sari Alesh. Grâce à ses parrains, le violoniste peut aujourd'hui jouer à nouveau.
19 Décembre 2016
Sari joue du violon au Alix Goolden Performance Hall, qui fait partie du Victoria Conservatory of Music.

Contrairement à la plupart des 31 000 réfugiés arrivés au Canada l’année dernière, Sari Alesh, 31 ans, n’a pas apporté une compétence professionnelle. Mais, parmi ses maigres possessions, il a apporté plutôt ses connaissances musicales.


« J’ai juste écouté mon cœur », dit‑il. « Il m’a toujours dit : ‘Tu es un musicien et tu ne sais rien faire d’autre’ ».

En février 2016, le jour de son anniversaire, le jeune violoniste est arrivé seul sur un archipel pluvieux de la côte ouest du Canada, parmi quelque 400 réfugiés réinstallés à Victoria, dans la province de la Colombie‑Britannique.

La musique était omniprésente dans la vie de Sari avant son arrivée au Canada. Formé à la musique classique à Damas, en Syrie, il a effectué des tournées en Europe et au Moyen‑Orient avec l’Orchestre national symphonique syrien, jouant à une occasion pour la célèbre chanteuse libanaise Fairouz.

Cependant, la guerre en Syrie a rapidement mis un terme à son succès, l’obligeant à fuir, tout comme plus de 11 millions d’autres Syriens. En 2014, abandonnant sa famille et renonçant à sa carrière musicale prometteuse, il a fui la capitale syrienne et trouvé refuge à Istanbul, en Turquie.

À Victoria, Sari s’est vite rendu compte que le paysage musical de son nouveau pays était aussi déconcertant que les gigantesques cèdres rouges de l’île de Vancouver. S’attendant à entendre des sonates et des arias du répertoire classique européen, il a vite constaté que la musique de violoneux était le genre le plus populaire.

Dès son arrivée, il a trouvé un refuge artistique auprès de Faraidoun Akhavan et Paulina Eguiguren, deux de ses parrains. Sari, au violon, et Faraidoun, au barbat, un luth persan, jouaient de la musique du Moyen‑Orient jusqu’à tard le soir.

« Nous sommes venus ici et nous avons tous les deux reçu de l’aide », dit Paulina, qui est arrivée au Canada il y a plus de 20 ans avec son mari alors qu’elle était réfugiée. « Nous pouvons dire, ou je peux dire du moins, que je me sens liée spirituellement aux autres lorsque je peux les aider, de quelque manière que ce soit. »

Comme beaucoup de résidents de Victoria, Faraidoun et Paulina voulaient parrainer une famille syrienne, ou une personne seule, mais la démarche ne leur était pas familière. Chacun de leur côté, ils ont communiqué avec une organisation multiculturelle de la ville qui était signataire d’une entente de parrainage, c’est‑à‑dire l’un des groupes de coordination qui gèrent les parrainages privés au Canada. En parlant, les futurs parrains, après avoir décidé de mutualiser des ressources pour accueillir un réfugié syrien, ont découvert qu’ils avaient tous un point commun : ils entretenaient des liens étroits avec le monde artistique. « C’était trop parfait », dit Sabine Lehr, la coordonnatrice de l’organisation qui jumèle les réfugiés avec les parrains.

« Je me sens liée spirituellement aux autres lorsque je peux les aider, de quelque manière que ce soit. »

Paulina, une artiste, s’est rapidement liée d’amitié avec Sari. « Il y avait quelque chose chez lui qui était un peu différent », dit‑elle. « Je pense que j’ai vu l’artiste en lui. La compassion que l’on ressent seulement lorsqu’on a souffert. »

Le hasard faisant bien les choses, la fille de Paulina, Julia, joue aussi d’un instrument. Paulina ne cherchait pas un professeur pour sa fille à l’époque, même si Sari a enseigné la musique pendant six ans en Syrie. Au grand étonnement de Paulina, Sari et Julia se sont tout de suite bien entendus quand ils ont commencé à jouer ensemble ; ils communiquaient par les notes sur la page. Très vite, la maison de Paulina se remplissait du son de l’accordéon de Julia, qu’agrémentait le violon de Sari.

« Elles m’ont vite touché, dit Sari. Après cinq minutes, elles étaient comme ma famille. » 

La nouvelle vie de Sari, plus calme et plus sûre à Victoria, a été le premier signe que sa vie et sa carrière, lentement démantelées par le conflit, pourraient reprendre leur cours.

Il a rapidement reçu une bourse pour étudier l’anglais à l’Université de Victoria. Il a ainsi pu améliorer ses compétences linguistiques et s’immerger davantage dans la collectivité. Il rêve d’obtenir un diplôme d’éducation pour enseigner la musique dans les écoles publiques.

À l’université, il a créé un programme pour enseigner la musique à des élèves trisomiques, car il tient à partager sa passion de la musique avec les autres. « Lorsque j’enseigne la musique, j’aide mes étudiants à se perfectionner », dit‑il. « Lorsque je les rencontre plus tard et que je vois qu’ils jouent mieux, je suis fier d’eux, et je suis fier de moi aussi. »

Le musicien a ainsi commencé à faire parler de lui à l’école, et certains ont noté sa présence. Parmi ceux‑ci, le maestro Ajtony Csaba. Il a donné à Sari l’occasion de jouer avec l’Orchestre de l’Université de Victoria. Sari est vite devenu un musicien recherché pour les concerts de bienfaisance et les manifestations locales. Il a été invité à jouer sur la pelouse de l’Assemblée législative de la Colombie‑Britannique lors de la fête du Canada.

 « Ce fut un grand honneur pour moi de jouer à la fête du Canada, se rappelle Sari. Je ne peux pas exprimer ce que j’ai ressenti. C’était merveilleux. »

Mais la guerre a eu de graves conséquences, et ce, à plus d’un titre. Les doigts de Sari, naguère rapides, avaient ralenti, du fait qu’il n’avait pas pu s’entraîner rigoureusement pendant les années où il fuyait la guerre.

L’une des parrains-marraines de Sari, Heather Ferguson, siégeait au conseil d’administration du Conservatoire de musique de Victoria. Ayant des beaux‑enfants de l’âge de Sari, elle était déterminée à l’aider. « Si leur vie venait à être déchirée et s’ils venaient à se trouver dans le besoin, j’aimerais qu’une personne, quelque part dans le monde, leur tende la main », dit‑elle.

Elle a fait en sorte que l’un des meilleurs professeurs d’instruments à cordes du Canada, Michael van der Sloot, aide Sari à retrouver ses dons, qui avaient soufferts pendant sa fuite. Cloîtré avec son professeur dans un petit bureau au conservatoire, Sari s’est plongé dans la musique. Les notes le ramenaient à sa vie en Syrie. Les mélodies étaient différentes, mais les gestes étaient réconfortants. « Lorsque vous faites de la musique, vous offrez vos sentiments. Je n’offre rien d’autre », dit Sari. « Les gens qui aiment ma musique comprennent mon message. »


Ton histoire est une épopée est une série de profils concernant des citoyens canadiens qui ont accueilli des réfugiés syriens avec compassion et soutien. A travers tout le pays, des étrangers, des amis, des familles et des communautés créent de puissants liens d'amitié qui transcendent le langage et la culture.

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