Après des années de conflit, les déplacés de la République centrafricaine veulent rentrer chez eux
Après des années de conflit, les déplacés de la République centrafricaine veulent rentrer chez eux
Nina Clarisse Renessio, déplacée interne de 38 ans, est de retour dans sa région d’origine. Elle s’est installée sur un site destiné aux personnes déplacées dont certains, comme elle, ont pris la décision de rentrer chez elles. Le site se trouve à Bria, ville située à 580km de Bangui, la capitale de la République Centrafricaine (RCA). Veuve et mère de six enfants, elle a pu construire la maison qui abrite sa famille grâce à une aide reçue dans le cadre du groupe de travail « solutions durables » dirigé par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
C’est en 2018 que Clarisse et ses six enfants fuient Nzacko plus à l’est du pays pour échapper à l’insécurité. « Les enlèvements et les assassinats étaient courants de la part des membres des groupes armés. C’est ainsi que mon mari et mon fils ont été assassinés », se souvient-elle.
Elle entreprend alors un périlleux voyage long de 175 kilomètres en quête de sécurité pour elle et ses six enfants. « Nous avons marché jour et nuit. Au cours du voyage, nous avons traversé plusieurs villages désertés par leurs habitants. À plusieurs reprises, nous avons dû nous réfugier dans la brousse », précise-t-elle. « Ce n’est que dans la nuit du troisième jour que nous avons pu atteindre Bria ».
Comme pour Clarisse et sa famille, les conflits dans la région de la Haute-Kotto ont occasionné le déplacement de plus de 55 000 personnes. Parmi elles, 33 000 sont installés sur le site de PK3 à Bria.
Au sein du site, la vie s’organise grâce au courage et à la détermination de ces familles déplacées qui, si elles peuvent bénéficier de protection et de services essentiels offerts par les organisations humanitaires, doivent affronter de nombreux défis notamment liés à l’accès à l’éducation pour les enfants ou encore à l’accès aux terres cultivables. « Un camp n'est pas un endroit propice au développement d’un enfant », confie Awa Pélagie, installée dans le camp avec ses six enfants depuis 2016.
Comme elle, nombre de ces personnes déplacées aspirent à regagner leurs régions d’origine. Des enquêtes d’intentions de retour réalisées en mai 2021, décembre 2021 et mai 2022 montrent que 92% des ménages installés sur le site de PK3 expriment l’intention de le quitter dans les prochains mois. Parmi eux, 83% souhaitent retourner dans leur lieu de résidence initial.
« Plus que tout, je voudrais pouvoir retrouver ma maison. »
Mais cette volonté de retour est souvent entravée par le manque de moyens financiers. « Au plus fort de la crise, nous ne pouvions pas sortir du site pour des raisons de sécurité. Cela nous empêchait de cultiver ou de faire du commerce pour gagner de quoi subvenir aux besoins de nos familles », se souvient Awa Pélagie.
Avec l'amélioration progressive de la situation sécuritaire dans la région, elle peut désormais cultiver dans un rayon de cinq kilomètres du site. Mais cela n’entame en rien sa volonté de regagner son lieu de vie d’origine. « Plus que tout, je voudrais pouvoir retrouver ma maison. Toute aide dans ce sens est la bienvenue », souligne-t-elle. « Retrouver ma maison me permettra non seulement de loger dignement ma famille mais cela me permettra également de scolariser mes enfants qui ne vont plus à l’école ».
En collaboration avec d’autres acteurs humanitaires réunis au sein d’un groupe de travail sur les solutions durables, le HCR a facilité en 2022 la relocalisation de près de 800 personnes déplacées à Bria.
« Cette année, le HCR va accompagner le transfert d’au moins 3000 ménages sur les 6000 recensées ailleurs dans le pays. Cet accompagnement s’articulera notamment autour de la mise à disposition d’abris d’urgence », précise Laetitia Kakou-Silue, cheffe de Bureau du HCR à Bria. « Mais il s'agit aussi de puits, d'écoles, de centres de santé. Il y a beaucoup à faire. »
Malgré les efforts conjugués du gouvernement, des organisations humanitaires et de développement et des communautés pour s’assurer que les retours s’opèrent dans la sécurité et la dignité, des ressources supplémentaires la reconstruction des services sociaux de base, la réhabilitation des logements sont nécessaires pour, ainsi que la mise en œuvre d'activités génératrices de revenus pour soutenir la résilience des ménages de retour chez eux.
C’est dans ce sens que Raouf Mazou, Haut Commissaire assistant du HCR chargé des opérations a appelé, en marge d’une visite conjointe de quatre jours dans le pays avec la Banque africaine de Développement, les acteurs du développement à soutenir les personnes déplacées, « pour les aider à reconstruire leur vie, à relancer l'économie, à reconstruire leurs maisons et à remettre sur pied les infrastructures dont ils ont besoin pour mener une vie normale.
« Les personnes que nous avons rencontrées à Bria ont clairement indiqué qu'elles souhaitaient retourner chez elles, pour peu que les conditions sécuritaires et matérielles soient réunies », a-t-il souligné. « Elles n’ont pas seulement besoin d’assistance humanitaire comme elles en ont bénéficié jusqu’à présent, mais aussi d’une assistance au développement, qui leur permette de reprendre leurs activités génératrices de revenus. »
Les crises successives depuis 2013 ont causé le déplacement de plus de 500 000 personnes à l’intérieur du pays. Plus de 700 000 d’entre elles ont trouvé refuge dans les pays limitrophes notamment au Cameroun, en République Démocratique du Congo, au Tchad, au Congo, au Soudan et au Soudan du Sud.
Loin de se laisser abattre, bon nombre des personnes installées sur le site de PK3 débordent de créativité pour trouver des solutions aux défis du quotidien. Dans un monde idéal, Awa Pélagie se voit reconstruire sa maison, travailler la terre et vendre le produit de son travail afin de générer de quoi subvenir aux besoins de sa famille. En attendant des jours meilleurs, Renessio Nina Clarisse se spécialise quant à elle dans l’élevage de chèvres et de volaille.