Après avoir été otage de la LRA, Rose devient couturière
Après avoir été otage de la LRA, Rose devient couturière
DUNGU, République démocratique du Congo, 19 septembre (HCR) - C'est une matinée paisible à Dungu, dans la province Orientale, en République démocratique du Congo (RDC). Rose*, 18 ans, porte une jolie robe brodée, un cadeau de son mari pour la Journée de la femme. Elle donne le bain à son bébé. Tout en hydratant la peau de son fils avec de l'huile de palme, il touche son ventre arrondi, un petit frère ou une petite soeur qui arrivera bientôt.
Cette scène de bonheur familial aurait été difficile à croire encore récemment. Quand elle avait 14 ans, Rose a été enlevée par l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) et elle a passé 20 mois en captivité. Elle a été sauvée par l'armée ougandaise en 2011, mais elle a découvert peu de temps après qu'elle était enceinte.
Elle n'avait aucun moyen d'existence, sa mère l'avait rejetée et elle s'apprêtait à retourner dans la brousse. C'est alors qu'elle a rencontré soeur Angélique, une religieuse qui a dédié sa vie à aider les femmes et les jeunes filles ayant subi des violences commises par la LRA.
« Comme elle ne pouvait pas réintégrer la communauté, elle avait l'intention de repartir dans la brousse », explique Soeur Angélique en se remémorant sa rencontre avec Rose. « Je l'ai emmenée avec moi et je lui ai appris la pâtisserie et la couture. » La religieuse l'a aussi convaincue de garder et d'aimer son bébé, un fils qui a maintenant deux ans.
La LRA commet des atrocités dans la province Orientale depuis 2005 et elle a enlevé près de 3 000 personnes, dont plus de 1 000 enfants. Les garçons sont utilisés comme porteurs ou sont obligés de piller les villages. Les filles sont mariées de force aux soldats de la LRA, et beaucoup accouchent pendant leur captivité. De nombreux enfants ont été libérés depuis 2008, mais d'après eux beaucoup d'autres vivent encore dans la brousse.
Rose fait partie des plus chanceux. Aujourd'hui, elle est mariée et elle attend un deuxième enfant pour bientôt. Elle a rencontré son mari au marché où elle cuisinait et vendait des mandazis (beignets).
« Il venait acheter de la nourriture sur mon stand et il m'a trouvé jolie », explique Rose de sa voix douce. » Il a envoyé un voisin pour me parler et a officiellement demandé ma main à mon père qui, l'ayant trouvé sérieux, a accepté. J'étais heureuse de construire une famille et de rétablir mon honneur. »
Sa vie est simple mais heureuse. Elle se lève chaque jour à cinq heures du matin, allume un feu et cuisine avant de partir aux champs ou au marché où elle vend des mandazis et de la soupe. Elle a de nombreux clients et, quelquefois, elle doit organiser deux services pour répondre à la demande.
Durant le week-end, elle aime beaucoup coudre. Quand elle a commencé à suivre des cours de couture avec soeur Angélique, elle rêvait d'avoir sa propre machine à coudre. Son rêve est devenu réalité et les autres femmes la considèrent comme une bonne couturière. Elles viennent souvent lui demander des conseils pour coudre des robes pour de grands évènements ou des uniformes d'écoliers.
« J'ai eu beaucoup de commandes (de robes) pour Pâques et l'argent que j'ai gagné m'a permis de préparer l'arrivée du bébé. J'ai acheté presque tous les vêtements nécessaires. J'ai juste besoin d'un autre ensemble avec le haut et le pantalon de la même couleur qui coute environ 4500 francs congolais », explique Rose, le sourire aux lèvres.
Toutefois, le traumatisme n'est pas complètement oublié. Elle souffre toujours d'une maladie sexuellement transmissible qu'elle a attrapée en captivité et elle a besoin de soins médicaux constants.
Rose a également des difficultés à convaincre son mari d'accepter son premier enfant. Il ne veut pas payer les frais pour le petit garçon, celui-ci n'étant pas son fils. Elle a exposé ce problème à soeur Angélique et elle lui a demandé son avis.
En plus d'aider les jeunes filles à devenir indépendantes financièrement et à reconstruire leur vie, soeur Angélique leur apporte son aide pour négocier avec leurs familles et leurs communautés. L'année dernière, après plusieurs mois de médiation, elle a convaincue la mère de Rose de se réconcilier avec sa fille.
Aujourd'hui la vie de Rose reste difficile mais, grâce à soeur Angélique, elle a eu une deuxième chance pour recommencer une nouvelle vie ainsi que sa famille.
*Nom fictif pour des raisons de sécurité
Par Céline Schmitt à Dungu, République démocratique du Congo