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Une famille syrienne réunie en Allemagne après une fuite cauchemardesque

Communiqués de presse

Une famille syrienne réunie en Allemagne après une fuite cauchemardesque

3 mars 2017 Egalement disponible ici :
Les demandeuses d’asile syriennes Fatima, Zaha et Iman ont survécu à leur périple cauchemardesque avec leurs enfants afin de rejoindre leurs époux en Allemagne. © HCR/Gordon Welters

DRESDE, Allemagne - Elle a traversé à pied et de nuit des frontières en pleine montagne; elle a lutté contre la nausée sur les eaux agitées de la mer Égée et elle a marché pendant des heures dans des campagnes inconnues.

Le moment était arrivé. C’est dans un abri temporaire quelconque en Serbie que les bébés de Fatima Khalouf sont nés. Mais ce n’était pas un accouchement simple.

«Ça a commencé par une douleur», explique Fatima, 28 ans, assise à la table de la salle à manger d’une ferme dans un village à proximité de Dresde. «Mes belles-sœurs sont allées voir les responsables de l’abri pour leur dire ‘aidez-nous, les bébés arrivent’.»

On l’a rapidement emmenée à l’hôpital où des médecins serbes l’ont aidée à accoucher en effectuant une césarienne d’urgence. Deux semaines plus tard, Fatima était à nouveau sur pied, un nouveau-né dans chaque bras, pour reprendre à pied la route vers l’Allemagne et vers son mari.

Avant la guerre, Fatima et son mari vivaient dans la région de Qalamoun, au nord de Damas. Son frère, son épouse Zaha et leurs quatre enfants habitaient près de chez eux, tout comme la sœur de Zaha, Iman, son mari et leur fils. C’était une famille unie et les six cousins grandissaient ensemble comme des frères et sœurs.

La guerre est arrivée à l’été 2015. Très rapidement, les hommes n’ont plus été en mesure de sortir par peur d’être obligés à aller se battre. Ils ont préparé un plan pour partir et trouver un lieu sûr pour eux et leurs familles. À défaut d’alternatives sûres, ils se sont adressés à des passeurs. N’ayant pas assez d’argent pour que les 12 membres de la famille puissent partir tous ensemble, ils ont décidé de de faire d’abord partir les hommes.

Après le départ de leurs maris, Fatima, Zaha et Iman se sont installées dans la même maison pour s’occuper ensemble de leurs enfants. Mais en janvier de cette année, la fuite est devenue leur seule et unique option. «Les missiles tombaient sans cesse. Il y avait beaucoup de morts. Nous étions terrorisées pour nos enfants», explique Iman, 41 ans.

«Nos maisons ont été bombardées», ajoute Zaha, 35 ans. «Alors nous avons logé chez des amis, de-ci, de-là. Notre plus grande crainte était que nos enfants soient blessés ou tués. Nous ne voulions pas qu’ils restent là, qu’ils grandissent entourés de toute cette horreur.»

Les trois femmes et leurs six enfants se sont alors mis en route à travers le pays déchiré par la guerre, rejoignant tout d’abord en bus la ville d’Idlib, près de la frontière turque.

«Nous ne pouvions pas retourner en Syrie, il n’y avait plus rien pour nous là-bas.»

Arrivées là, des passeurs leur ont expliqué que leur seule option était une marche de neuf heures pour traverser les montagnes jusqu’en Turquie. Au cours d’une nuit glaciale de janvier, elles ont donc traversé à pied les montagnes transformées en bourbier par la pluie. En route pour la frontière, alors qu’elle grimpait sur les sentiers de montagne dans la nuit, Fatima, enceinte de sept mois, a glissé et chuté. Mais elles ont continué à marcher, sans s’arrêter, jusqu’à la Turquie.

«Nous avons rencontré des gens qui nous suppliaient de nous arrêter pour le bien des enfants», explique Iman. «Mais c’était justement pour les enfants qu’il fallait continuer.»

Quand elles sont finalement arrivées sur la côte turque, les femmes ont trouvé que la mer était trop agitée pour embarquer sur un bateau pour la Grèce.

Après une semaine, la mer s’est calmée et les femmes ont embarqué à leur tour. Il était minuit et des passeurs les attendaient. Elles sont montées à bord du frêle esquif qui est parti dans le noir.

«J’ai prié pour qu’on nous sauve», raconte Fatima.

Et sa prière a été entendue. Elles ont été récupérées par un bateau de secours qui patrouillait les eaux grecques. Elles ont d’abord été conduites jusqu’à l’île de Samos, avant d’être embarquées sur un autre bateau pour Athènes.

Mais la famille est arrivée au moment où les pays installaient des clôtures le long de leurs frontières sur la route occidentale des Balkans. Arrivées à la frontière serbe, la police leur a dit qu’elles ne pourraient pas quitter le pays.

La rupture de la poche des eaux de Fatima s’est produite alors qu’Iman et Zaha étaient en train de parlementer avec les gardes. Les jumeaux sont nés par césarienne d’urgence. «Après 15 jours, Fatima allait suffisamment bien pour quitter l’hôpital», explique Iman. «Il fallait que nous retrouvions nos maris.»

Profitant à nouveau de la tombée de la nuit, Zaha et Iman ont embarqué Fatima, ses nouveau-nés et les autres enfants dans trois taxis et ils sont tous partis pour la frontière hongroise. Là, elles se sont retrouvées devant une clôture de fil de fer.

Alors que le soleil se levait sur la foule en attente, les gardiens ont laissé passer la famille. Ce soir-là, elles ont trouvé un taxi qui les a conduites à Vienne. Et de là, elles ont pris un train pour le sud de l’Allemagne.

Elles ont passé les semaines suivantes à se déplacer d’un abri à l’autre près de la ville de Dresde, en Allemagne orientale, qui leur avait été affectée pour leur procédure de demande d’asile. Leurs maris ont pu venir leur rendre visite depuis leur hébergement à Düsseldorf, à l’autre bout du pays. C’était la première fois que les enfants voyaient leurs pères depuis plus d’un an.

Réunir les familles présente des avantages pour les pays d’accueil et pour les personnes concernées, indique Katharina Lumpp, Représentante du HCR en Allemagne.

«La réunification familiale est importante. Il faut que les préoccupations liées à la situation des membres de famille pris au piège ou bloqués dans des zones de conflit n’empêchent par un réfugié de créer une vie nouvelle dans son pays d’accueil», précise-t-elle.

Grâce à un heureux hasard, la famille est désormais plus proche de réaliser son rêve de regroupement. En mai, les femmes ont appris qu’elles allaient être transférées. Un autobus les a conduites jusqu’à un petit village au sud-ouest de Dresde, dans une maison qu’elles pourront désormais considérer comme leur foyer.

«C’est très important de conduire les nouveaux arrivants dans les villages et de commencer leur intégration sur place, à une échelle plus petite et plus personnelle.»

Des bénévoles, Sarah Brendal et son mari Stevi, les attendaient dans la cour de la ferme toute spécialement rénovée pour la famille. Tous deux sont les cofondateurs de Refugeum, un projet visant à aider et à offrir refuge à des nouveaux arrivants. Leur mission est de faciliter leur intégration dans les zones rurales de l’Allemagne occidentale, là où se sont produites une série de manifestations et d’attaques anti-réfugiés qui ont fait la une de la presse internationale.

«C’est très important de conduire les nouveaux arrivants dans les villages et de commencer leur intégration sur place, à une échelle plus petite et plus personnelle», explique Sarah. «Ça permet aussi de faire évoluer les voisins et la façon dont ils voient les choses. Ils réalisent que les membres de la famille qui sont là sont en fait très gentils.»

Pour Fatima et sa famille, le soulagement d’être en sécurité et de retrouver bientôt son mari pour toujours, est quelque chose qu’elle a encore du mal à réaliser. «Nous aurions pu perdre un membre de la famille si nous étions restés en Syrie», dit Iman. «Nous sommes tellement reconnaissantes que nos enfants puissent grandir avec leurs pères.»

Et Fatima de conclure: «Je suis si heureuse que nous ayons réussi. Je me sens tellement mieux en sachant que toute la famille est ici, en sécurité. Et maintenant, tout ce je veux, c’est saisir les opportunités perdues en Syrie.»