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Un artiste et réfugié syrien à l’honneur durant Art Basel

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Un artiste et réfugié syrien à l’honneur durant Art Basel

28 May 2019 Egalement disponible ici :
L’artiste Allam Fakhour participe au projet du HCR à Art Basel. Réfugié en Suisse depuis quatre ans, il a pu bénéficier du programme de réinstallation du HCR. © UNHCR/Mark Henley

Allam Fakhour se réjouit de voir ses œuvres exposées dans les rues de la ville de Bâle pendant la célèbre foire d’art contemporain Art Basel. Réfugié syrien résidant aujourd’hui en Suisse, il fait partie des 11 artistes dont le travail sera ainsi mis en lumière par le projet «Art Stands with Refugees» du HCR. Pour l’occasion, il a décidé de présenter une mappemonde parcourue de petites empreintes de pied d’un rouge écarlate. Un choix qui ne doit rien au hasard: «Le sang de nos enfants entache la pureté du monde civilisé», commente-t-il gravement. Sur une autre œuvre créée par l’artiste, les rêves des enfants subissant la guerre prennent vie sur la toile, un ballon permettant à l’un d’eux de fuir le conflit.

«En tant que Syrien, il me semble essentiel d’évoquer les victimes de la guerre et les réfugiés dans mes œuvres.» Accompagné de sa femme Mervat, Allam arrive en Suisse en 2015 grâce au programme de réinstallation de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le couple avait quitté la Syrie pour le Liban un an auparavant, laissant derrière lui le reste de sa famille. «En Syrie, la guerre perdure; elle m’évoque des souvenirs douloureux et tristes. Beaucoup de personnes que je connaissais y ont perdu la vie.» L’avancée des milices de l’État islamique, dangereusement proches de Salamiya (sa ville d’origine) dans le centre du pays, et les massacres qu’elles laissent dans leur sillage décident l’artiste, lui-même recherché par les autorités, à fuir. «Comme je ne soutenais ni le gouvernement ni l’État islamique, j’ai dû quitter la Syrie.»

«En tant que Syrien, il me semble essentiel d’évoquer les victimes de la guerre et les réfugiés dans mes œuvres.»

Allam Fakhour, artiste syrien

 

 

Allam Fakhour a longtemps milité en faveur des droits humains. En 2006, alors âgé de 28 ans, il se retrouve en prison avec sept autres activistes et purge une peine de cinq ans près de Damas, à Saidnaya, un lieu de détention tristement célèbre. Amnesty International lance alors un appel aux autorités syriennes et demande la libération du groupe. En 2011, celle d’Allam est accordée. La même année, le peuple syrien se soulève. Réprimés par les autorités nationales, ces mobilisations débouchent sur une véritable guerre civile.

Art Basel, une chance pour Allam

Aujourd’hui, Allam et Mervat vivent à Näfels, dans le canton de Glaris. C’est dans une maison claire à bardeaux, équipée d’un poêle ancien et nichée entre une paroi rocheuse et une route passante, que le couple s’est installé. L’artiste y a même aménagé un petit atelier. À l’intérieur, des portraits multicolores, souvent réalisés à l’acrylique, attendent patiemment d’être achevés. Parmi ses œuvres figurent aussi une sculpture impressionnante, symbolisant la souffrance des habitants touchés par la guerre dans son pays d’origine: le visage d’un homme et d’une femme viennent s’y fondre l’un dans l’autre, leurs deux bouches n’en formant plus qu’une seule, déformée par un cri collectif assourdissant.

«Avoir l’occasion de participer à une exposition durant Art Basel est quelque chose de très stimulant. Cela me donne un regain d’énergie, et l’espoir de pouvoir poursuivre ma carrière d’artiste.»

Allam Fakhour, artiste syrien

Allam Fakhour s’est réjoui lorsque le Bureau suisse du HCR lui a proposé de participer au projet qu’il organise cette année pour la deuxième fois à l’occasion d’Art Basel: «Avoir l’occasion de participer à une exposition durant Art Basel est quelque chose de très stimulant. Cela me donne un regain d’énergie, et l’espoir de pouvoir poursuivre ma carrière d’artiste.» Récemment, une galerie zurichoise s’est elle aussi intéressée à ses œuvres, qu’elle envisage d’exposer.

Difficile néanmoins pour Allam, aujourd’hui âgé de 42 ans, de s’implanter professionnellement en terres helvétiques: s’il a suivi des études d’art à l’Université de Damas pendant cinq ans, les métiers qu’il a exercés par le passé dans ce domaine (tels que sculpteur, décorateur, sérigraphe et professeur d’art) se font rares dans le canton de Glaris.

Les réserves des employeurs à l’encontre des réfugiés arabes et musulmans, suite aux attentats terroristes perpétrés par des extrémistes, n’échappent en outre pas à l’artiste... qui souligne toutefois que c’est justement pour fuir l’extrémisme qu’il a été contraint de quitter son pays. Le Syrien est même prêt à accepter un emploi en dehors de la sphère artistique. Après tout, il a déjà été agent d’entretien, a travaillé dans une scierie et postulé dans plusieurs restaurants. Les chantiers et autres travaux physiques ne sont cependant plus une option: de son séjour en prison et des tortures qu’on lui a infligées, Allam garde des séquelles au niveau des mains et des pieds. Sculpteur à l’opéra de Zurich le temps d’un stage, il aurait volontiers continué sur cette voie s’il n’avait pas été clair, dès le départ, qu’aucun poste fixe ne pourrait lui être proposé au sein de l’institution zurichoise. Comme tous les réfugiés munis d’une autorisation de séjour (permis B), il ne pourra pourtant déménager dans un autre canton que s’il y trouve un emploi à plein temps.

Des enfants dans l’attente

Outre les difficultés professionnelles rencontrées par Allam, le couple attend aussi depuis quatre ans que les fils de Mervat, issus d’un premier mariage, puissent venir en Suisse. Bien qu’elle soit constamment en contact avec eux via WhatsApp, la mère de famille souffre de la situation et a du mal à comprendre pourquoi ses enfants – restés avec leur père en Syrie à l’époque, car fuir avec eux aurait été trop risqué – n’ont pas encore pu la rejoindre. Obligés par la suite à quitter le pays pour se rendre au Liban, les deux jeunes hommes n’ont à ce jour pas pu bénéficier du programme de réinstallation du HCR, qui faute de places disponibles ne peut venir en aide qu’à des réfugiés particulièrement vulnérables. L’aîné, âgé de 20 ans, vit toujours au Liban pour éviter de devoir faire son service militaire, obligatoire en Syrie. De deux ans son cadet, le plus jeune des deux frères avait interrompu ses études après avoir quitté le pays, et a attendu pendant plusieurs mois au Liban de pouvoir s’installer en Suisse – en vain. Il est par la suite retourné en Syrie, où il vit à ce jour.

Les époux Fakhour se sont bien adaptés à la vie dans le canton de Glaris. Ils y ont rencontré des gens sympathiques, qui les ont aidés à créer un réseau et de nouvelles relations sociales. «Nous sommes toujours heureux de rencontrer des gens avec lesquels nous pouvons rire passer un bon moment», confie Allam.

 

 

Le 12 juin, Allam a quitté pour un temps son quotidien glaronnais pour jouir à nouveau de la reconnaissance qui était la sienne en tant qu’artiste au Liban et dans son pays d’origine, dans le cadre du projet «Art Stands with Refugees» du HCR. Cette nouvelle édition de l’événement a entre autres bénéficié du soutien d’Alfredo Jaar, artiste chilien de renom.

Mise à jour: nous nous réjouissons d'annoncer qu'Allam Fakhour organise sa première exposition en Suisse du 12 octobre au 22 novembre 2019 en collaboration avec la galerie Hard Cover à Zurich