La capoeira transporte l'ambiance olympique en République démocratique du Congo
La capoeira transporte l'ambiance olympique en République démocratique du Congo
CAMP DE RÉFUGIÉS DE MOLE, République démocratique du Congo - C’est un samedi après-midi chaud et moite dans le camp de réfugiés de Mole. Beaucoup font la sieste, mais un groupe de jeunes hommes et femmes robustes se livrent à leur nouvelle obsession: la capoeira.
Cet art martial brésilien comprend à la fois de la danse, de l’acrobatie et de la musique. Il offre l’avantage d’occuper ses adeptes et il aide également à atténuer les tensions entre les différents groupes de réfugiés centrafricains dans ce camp - où sont hébergées plus de 14 000 personnes - dans l’extrême nord de la République démocratique du Congo (RDC).
«Tout le monde peut s’y essayer, les femmes, les personnes âgées, les mères et les pères. Ils peuvent pratiquer ce sport car c’est un jeu. Il peut aussi devenir un art pour instaurer la paix», explique Maxime Obingui, âgé de 37 ans et originaire de Bangui. «Les Chrétiens et les Musulmans dansent la capoeira. Nous nous entraînons tous ensemble. Nous voulons être ensemble, comme une famille», ajoute-t-il, en faisant allusion au conflit intercommunautaire qui sévit dans son pays de l’autre côté du fleuve Oubangui.
La capoeira a été introduite, avec succès, au camp il y a deux mois par un groupe d’aide locale, ADSSE (Association pour le Développement Social et la Sauvegarde de l’Environnement), qui voulait étendre la gamme d’activités de loisirs disponibles pour les jeunes à Mole.
«La capoeira, c’est un nouveau sport pour moi. Je l’ai découverte ici. J’aime la capoeira car j’aime le rythme et la musique», explique Armand Kouissi, 28 ans, qui la pratique très aisément. Il est d’ailleurs surnommé «Capoeira Man». Il a également perçu la possibilité de restaurer la paix grâce à cette activité.
«Je la vois aussi comme un outil pour promouvoir la paix. Au début, nous avons eu quelques tensions mais, grâce à la capoeira, nous nous entendons bien. Le sport unit les communautés», déclare-t-il, ajoutant: «Nous pensons que la capoeira est un outil qui peut être utilisé pour promouvoir une cohabitation pacifique dans le camp. Quand nous parlons aux gens qui nous regardent durant les entraînements, nous leur transmettons des messages de paix.»
Le camp de Mole avait été ouvert en juillet 2013 pour faire face à l’exode depuis la République centrafricaine. La plupart des réfugiés qui y sont hébergés sont originaires de Bangui, y compris de nombreux élèves du secondaire et des étudiants de l’enseignement supérieur. Ils manquent leur éducation, ce qui fait naître des tensions et des frustrations.
C’est l’une des raisons pour lesquelles ces personnes fuyant la violence sont passionnées, ironiquement, par un art martial. «Je me sens mieux quand je pratique la capoeira. J’oublie tout ce qui s’est passé pour moi, même à Bangui. Avant, l’atmosphère n’était pas bonne au camp», explique Eric Moussa, 19 ans, qui étudiait la littérature à Bangui avant d’avoir dû fuir pour sauver sa vie, à bord d’un bateau pour traverser le fleuve Oubangui vers la sécurité.
Il fait partie des 40 réfugiés qui se sont inscrits aux cours de capoeira organisés par ADSSE, qui gère le projet avec l’aide du HCR. Des dizaines d’autres sont intéressés à participer à des sessions de formation le lundi, le mercredi et le vendredi. L’apprentissage se fait grâce à des CD et à des étudiants plus expérimentés. Des démonstrations sont effectuées le week-end.
«Ce que j’apprécie dans la capoeira, c’est le jeu. J’aime les mouvements et la musique. Je ne manque jamais aucun cours. La capoeira a changé le camp. Avant, la vie était plus difficile mais, maintenant, le camp s’est amélioré», se réjouit Marie-Sabine, 38 ans. «Un jour, vous devrez m’emmener au Brésil», ajoute-t-elle.
Pendant ce temps, un projet mené par le HCR va bientôt se concrétiser pour faire venir des maîtres de la capoeira. Ils viendront au camp et enseigneront aux réfugiés les rudiments ainsi que des notions plus avancées dans cette activité qui a recours à la puissance, à la vitesse et à un effet de levier pour une large gamme de coups de pied en l’air, de retournements et de déplacements complexes.
Stefano Severe, représentant du HCR en RDC, a indiqué l’agence était en contact avec un groupe de capoeira à Kinshasa et l’ambassade du Brésil pour étudier cette possibilité. Soulignant l’effet positif de la capoeira à Mole, il a expliqué: «Nous ne devons pas manquer cette occasion de contribuer à la restauration de la paix parmi les réfugiés centrafricains. Contribuer à la paix parmi les réfugiés contribue également à ramener la paix en République centrafricaine.»
«Capoeira Man» Armand Kouissi est convaincu qu’il pourra continuer un rôle influent pour promouvoir la réconciliation et la coopération, une fois le conflit terminé et que les gens auront regagné la République centrafricaine. «Elle nous apporte beaucoup de joie. Nous tenons à l’amener à Bangui. Si, un jour, nous pouvons revenir dans notre pays, nous pratiquerons cet art là-bas aussi», ajoute-t-il.