"Je veux être la première réfugiée syrienne pilote."
"Je veux être la première réfugiée syrienne pilote."
Par une matinée nuageuse, Maya Ghazal s’est récemment installée dans le cockpit d’un petit avion sur un aérodrome de l’ouest londonien, a vérifié les commandes de vol et roulé jusqu’en bout de piste pour décoller.
Âgée d’à peine 20 ans, elle était sur le point de faire son premier vol solo en tant qu’élève pilote.
« Je suis impatiente, un tant soit peu nerveuse, mais aussi très confiante », dit-elle.
Peu de jeunes seraient tentés par cette expérience. Mais le parcours de Maya rend les choses encore plus inhabituelles. Il y a seulement quatre ans, elle a fui le conflit en Syrie avant de s’installer au Royaume-Uni. Même si tout le monde la considérait comme une réfugiée, elle avait d’autres projets.
Tous les réfugiés qui arrivent dans un nouveau pays espèrent un nouveau départ, mais Maya sort du lot par la détermination qu’elle a mise au service de ses objectifs. Parallèlement, elle a épousé la cause des jeunes réfugiés.
„L’éducation est capitale pour les réfugiés.“
Elle est l'une des co-organisatrices du tout premier Forum mondial sur les réfugiés qui se tiendra la semaine prochaine à Genève où l'éducation des réfugiés figurera en bonne place de l'ordre du jour des ministres, des dirigeants d'entreprise, des chefs confessionnels et des organisations non gouvernementales. Le Forum sera l’occasion de promouvoir l'idée que l'éducation est un droit fondamental de l'être humain et que tous doivent y avoir accès, y compris les réfugiés.
« L’éducation est capitale pour les réfugiés afin qu’ils puissent un jour réaliser leur rêve », dit-elle.
Maya a grandi à Damas, une enfance qu’elle décrit comme normale. À l’école, elle rêvait de devenir diplomate. Mais lorsque le conflit a explosé en 2011, tout a changé. La vie est devenue de plus en plus difficile pour sa famille à mesure que les combats se rapprochaient. Elle se rappelle un jour sur le chemin de l’école où des missiles sont tombés à proximité, et elle ne savait plus si la sécurité se trouvait devant ou derrière elle.
Son père est parti en Grande-Bretagne pour y demander l’asile et, en 2015, le reste de la famille l’a rejoint dans le cadre d’un programme de regroupement familial.
En Angleterre, la famille était en sécurité, mais recommencer à zéro quand on a 16 ans n’a pas été chose facile. Plusieurs écoles ont refusé de l’inscrire et elle est restée chez elle pendant des semaines, souvent seule, à se demander ce que l’avenir lui réservait. Pour passer le temps, elle apprenait à jouer de la guitare. Finalement, elle a été acceptée dans une école.
Il ne restait plus rien de son rêve de devenir diplomate, mais la vie lui réservait d’autres perspectives. Un jour où elle se trouvait près de l’aéroport d’Heathrow avec sa mère, elle s’est mise à regarder par la fenêtre les avions qui décollaient et atterrissaient.
Prise d’inspiration, elle a décidé de se lancer dans une nouvelle voie : étudier le génie aéronautique à l’université et se former pour devenir pilote commercial.
« Mon rêve est de devenir la première pilote syrienne réfugiée », dit-elle.
Dans le même temps, elle travaille d’arrache-pied pour maîtriser la prise de parole en public et a commencé à travailler avec le HCR. Ses interventions ont impressionné son public en Grande-Bretagne et en Europe, mais ceux qui l’ont écoutée ont aussi été touchés par son parcours et sa détermination à s’en sortir face à l’adversité. Son message s’adresse également aux réfugiés :
« Je veux montrer aux autres (réfugiés) ce que j’ai traversé… Je veux… leur dire que ça va aller mieux », ajoute-t-elle.
„Je n’ai pas de limites.“
Entreprendre un premier vol solo est un prérequis pour l’accès à la licence de pilote et aucun instructeur ne laisserait un élève pilote voler seul avant qu’il ne soit prêt. Pour autant, ce n’est pas rien : à des centaines de mètres d’altitude, il n’y a personne dans le siège du copilote si l’on perd ses moyens ou si quelque chose dysfonctionne.
« C’est un but que je voulais atteindre. Ça été difficile. J’ai beaucoup lutté. J’ai souvent été découragée (mais) je savais que je pouvais le faire et j’ai continué de croire en moi », explique-t-elle, ajoutant qu’elle voulait aussi braver les stéréotypes sur les jeunes musulmanes et les réfugiés.
ISa mère, Rimah Darkachli, était tout en faveur de la formation de Maya, même si elle a eu quelques « trépidations de maman » quand elle a vu sa fille s’envoler solo.
Finalement, l’avion piloté par Maya a accéléré sur la piste et a décollé. Elle a fait une large boucle autour de l’aérodrome avant de se poser avec aisance. Après coup, elle a eu cette réflexion :
« En fait, il n’y a rien qui vous contrôle si ce n’est l’espace aérien contrôlé. C’est moi qui ai le contrôle de l’appareil. Je n’ai pas de limites. »