De la paix intérieure à la guérison collective
De la paix intérieure à la guérison collective
"Je me suis longtemps demandée comment quelqu'un pouvait soudainement attaquer son voisin. Je pense que les peurs et les histoires négatives peuvent nous amener à percevoir les autres comme moins humains et à permettre de tels actes." Sanela Music est née en ex-Yougoslavie. Son enfance a été brutalement interrompue par l'éclatement du conflit en 1992, alors qu'elle avait dix ans. Aujourd'hui, avec sa fondation de promotion de la paix SANCHILD, elle s'engage à lutter à lutter contre les stéréotypes et à promouvoir l'inclusivité.
La guerre était incompréhensible pour la jeune fille. En fuyant la Bosnie-Herzégovine, Sanela, sa mère et ses trois jeunes sœurs se sont cachées dans les forêts et ont vécu dans différents camps de réfugié-e-s. La séparation d'avec leur père, qui est resté derrière pour aider les autres, a laissé une cicatrice permanente. "Les personnes réfugiées peuvent s'échapper des zones de guerre, mais les cicatrices du conflit restent et marquent nos expériences et nos perceptions longtemps après que les armes se soient tues", dit Sanela.
Au milieu de la tourmente, elle se souvient de moments de compassion et de solidarité inattendus. Comme les volontaires italien-ne-s qui lui ont apporté du réconfort et de la joie, à elle et à d'autres enfants, dans un camp de réfugié-e-s en Slovénie - une expérience qui l'a profondément changée.
Un voyage entre survie et résilience
Lorsque Sanela et sa famille sont arrivées en Suisse en 1993, elles ont trouvé un refuge et une lueur d'espoir. Un an plus tard, la nouvelle leur est parvenue que leur père était blessé et détenu dans un camp de concentration en Bosnie. Grâce à l'aide de la Croix-Rouge, il a finalement rejoint sa famille en Suisse.
Les débuts dans un nouveau pays ont été très difficiles. Après avoir assuré l'essentiel, la famille a dû essayer de s'intégrer dans la société et de surmonter les obstacles tels que les différences culturelles, la discrimination et les préjugés. Ils ont dû apprendre une nouvelle langue, rattraper l'éducation scolaire, chercher du travail et faire reconnaître leurs qualifications. Au milieu de ces défis, il était important pour eux de préserver leur dignité.
Guérir les blessures individuelles et collectives
Il n'est pas facile de concilier le poids des traumatismes passés avec l'espoir d'un avenir meilleur. Mais dans cette adversité, il y a aussi des opportunités de développement personnel et de résilience. Sanela souligne l'importance de se confronter aux blessures psychologiques de la guerre pour guérir et se renouveler.
"Reconstruire la confiance et la cohésion sociale dans des communautés brisées est un processus long et souvent douloureux", admet Sanela. "Beaucoup de réfugié-e-s, moi y compris, portent le poids de la culpabilité des survivant-e-s. Nous nous demandons pourquoi c'est nous qui avons survécu alors que tant d'autres ont péri. Ce sentiment de culpabilité rend notre douleur difficile à gérer. Souvent, nous cachons nos émotions par un sentiment de gratitude obligatoire. Pourtant, ces sentiments refont inévitablement surface sous différentes formes et demandent une solution si nous voulons trouver la paix intérieure".
Fondation SANCHILD: construire des communautés plus fortes et promouvoir une paix durable.
Suite à sa propre expérience de guérison personnelle, Sanela a ressenti le besoin de s'attaquer aux causes de la violence et de la division et a créé la fondation SANCHILD. Celle-ci se consacre à la promotion d'initiatives de paix en Bosnie, donne aux communautés locales les moyens de guérir les blessures intergénérationnelles et encourage le dialogue interculturel.
"La guerre continue d'influencer la vie des gens. Et il est à craindre qu'elle ait même un impact sur les générations futures. C'est pourquoi nous voulons essayer de surmonter ensemble les terribles expériences du passé. Pour cela, il est important de développer la compassion et la volonté de se réconcilier. Notre objectif est une société dans laquelle tous les groupes de population peuvent vivre ensemble de manière pacifique et respectueuse", explique Sanela.
L'un des projets clés est l'initiative HARMONY, développée en collaboration avec la Fondation Rotary. Celle-ci permet aux éducateurs-trices locaux-les, aux travailleurs-euses sociaux-les et aux activistes de mettre en place leurs propres projets de promotion de la paix dans leurs communautés. Le projet peut ainsi contribuer à des changements dans toute la région des Balkans.
A l'avenir, Sanela prévoit d'étendre ses efforts pour soutenir les personnes réfugiées en Suisse à travers des projets visant à promouvoir l'intégration et à guérir les traumatismes. Elle est profondément préoccupée par les stéréotypes répandus dans le monde entier qui alimentent les préjugés envers les réfugié-e-s et les migrant-e-s. Pour Sanela, le dialogue est indispensable pour créer une société où chacun-e est le bienvenu et pour promouvoir une paix et une stabilité durables. Cela n'est pas seulement nécessaire dans les situations post-conflictuelles, mais dans toutes les communautés où différents groupes de population se rencontrent.