Experts et réfugiés soulignent le rôle du développement dans la lutte contre le déplacement forcé
Experts et réfugiés soulignent le rôle du développement dans la lutte contre le déplacement forcé
GENÈVE - Le HCR et les autres organisations humanitaires doivent intensifier leur coopération avec les acteurs du développement pour améliorer la vie et les perspectives des personnes déracinées et apatrides, selon les participants à un colloque de deux jours à Genève.
Les trois quarts des 103 millions de réfugiés et de personnes déplacées internes dans le monde, ainsi que la majorité des apatrides, vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Le développement offre des solutions à de nombreux défis auxquels ces personnes et leurs communautés d'accueil sont confrontées, et il peut également contribuer à prévenir de futurs déplacements forcés.
Au cours du Dialogue bisannuel du Haut Commissaire sur les défis de protection, qui s'est achevé jeudi, des représentants des secteurs de l'humanitaire et du développement, des réfugiés, des gouvernements, des ONG, du secteur privé et de la société civile ont discuté du rôle que peut jouer le développement pour garantir la protection, offrir des solutions et assurer l'inclusion des personnes déracinées et de leurs hôtes.
« L'inclusion est l'une des meilleures formes de protection. »
« L'inclusion, les opportunités, sont essentielles à la vie des réfugiés, des personnes déplacées, des rapatriés et de ceux qui les accueillent », a déclaré aux participants le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi. « L'inclusion est l'une des meilleures formes de protection. Et l'inclusion - au sein des sociétés, des services, de l'économie - est souvent rendue possible ou favorisée par le développement. »
Même si le HCR restera toujours une organisation à vocation humanitaire qui se consacre à la protection des personnes contraintes de fuir, Filippo Grandi a souligné l'importance de s'engager auprès des partenaires du développement pour informer et donner forme à leurs interventions dans des contextes de déplacement forcé et d'apatridie.
Lors d'un échange avec le Haut Commissaire au début de la conférence, Antoinette Sayeh, Directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI), a approuvé ces approches.
« Le partenariat pour le développement est un moyen très important de relever de manière durable les défis auxquels sont confrontés les populations déracinées et les pays qui les accueillent », a-t-elle déclaré.
Antoinette Sayeh a cité une analyse récente du FMI concernant l'impact économique sur les pays d'Amérique latine et des Caraïbes qui ont accueilli des millions de réfugiés et de migrants vénézuéliens ces dernières années. Elle a déclaré que ces mouvements peuvent présenter à la fois des défis et des opportunités en matière de développement, les politiques d'intégration des réfugiés étant cruciales à cet égard.
« Nous savons que des pressions considérables s'exercent sur les pays qui accueillent des réfugiés, et certains d'entre eux le font avec assez bien de réussite. Prenons l'exemple de la Colombie, des efforts qu'elle a déployés pour accueillir les réfugiés vénézuéliens et des contributions que ces derniers apportent à l'économie », a-t-elle déclaré.
Ce point a été repris par Soukenya Kane, Directrice pour la fragilité, le conflit et la violence à la Banque mondiale, qui a décrit le déplacement forcé comme étant non seulement une préoccupation humanitaire mais aussi un défi en matière de développement.
Au cours des six dernières années, la Banque mondiale a accordé un financement de plus de 5 milliards de dollars aux réfugiés et aux communautés d'accueil, a déclaré Soukenya Kane, mais elle a ajouté que les efforts doivent aller au-delà du seul financement.
« Certains [pays] d'accueil ont pris l'initiative de mieux gérer ces situations de crise par des réformes politiques visant à intégrer les réfugiés dans le marché du travail, la santé, l'éducation, la protection sociale et le système financier », a-t-elle déclaré, ajoutant que la Banque mondiale utiliserait ses dispositifs de financement pour encourager davantage de pays à suivre cet exemple.
Pendant ces deux jours, le Dialogue a également donné lieu à des discussions animées sur les déplacements internes, les retours librement consentis et durables et la réintégration, ainsi que sur le rôle des autorités locales et nationales.
Les réfugiés ont occupé une place prépondérante lors de ces deux jours de discussions. Parmi eux, Adriana Figueredo, réfugiée vénézuélienne et militante des droits des jeunes, qui vit actuellement à Saltillo, au Mexique, a souligné la nécessité d'adopter des approches de développement qui encouragent une mobilisation rapide afin de renforcer la capacité des communautés locales à accueillir les personnes déracinées.
« Il est extrêmement important que les gouvernements et les communautés locales développent la résilience nécessaire puisqu'ils seront les premiers en contact avec les communautés de réfugiés », a déclaré Adriana Figueredo.
« Il est essentiel que les réfugiés... comme moi prennent part aux efforts de développement. »
Nour, 20 ans, originaire de Syrie, a également pris la parole. Elle a fui le conflit à deux reprises. La première fois à l'âge de neuf ans, lorsqu'elle a fui la crise avec sa famille pour se réfugier au Liban. La seconde fois, en mars, à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, après s'être installée dans ce pays à l'âge de 17 ans et n'y avoir commencé que récemment des études universitaires en orthophonie.
Aujourd'hui installée en Allemagne, elle affirme que l'implication des personnes déracinées dans la conception des programmes de développement est la clé d'une approche efficace.
« Il est essentiel que les réfugiés et les autres personnes déplacées comme moi prennent part aux efforts de développement dès le départ [afin] qu'elles puissent apporter leur talent, leurs compétences et leur vision », a déclaré Nour, ajoutant : « Tant que nous ne trouverons pas le moyen de mettre fin aux guerres dans nos pays, nous ne connaîtrons pas le développement dont nous avons tant besoin. »
En clôture de la conférence, Filippo Grandi a exhorté les participants à promouvoir les approches abordées et à les transformer en actions et en engagements concrets lors du deuxième Forum mondial sur les réfugiés, en décembre 2023. Le compte à rebours de l'événement a commencé jeudi avec le passage de témoin officiel des co-parrains du premier Forum en 2019 - Allemagne, Costa Rica, Éthiopie, Pakistan et Turquie - aux prochains co-parrains : Colombie, France, Japon, Jordanie, Niger et Ouganda.