Un forum pour trouver des solutions en faveur des 36 millions de personnes déplacées en Afrique
Un forum pour trouver des solutions en faveur des 36 millions de personnes déplacées en Afrique
Malish Godfrey sourit aux visiteurs qui s'arrêtent pour admirer les perles soigneusement disposées sur sa table. Son stand est l'un des nombreux stands colorés de l'espace d'exposition du Centre des conventions de Kigali, au cœur de la capitale du Rwanda.
Les objets d'art exposés sont uniques. Fabriqués à la main par un collectif d'artisans réfugiés d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient, ils ont été sélectionnés pour un événement tout aussi unique qui se déroule juste au-dessus de l'exposition : le Forum africain du secteur privé sur les déplacements forcés.
Ce Sud-Soudanais de 39 ans a voyagé de Juba à Kigali pour représenter le projet Roots, une organisation à but non lucratif qui travaille avec des réfugiés et des femmes déplacées à l'intérieur du Soudan du Sud pour fabriquer des objets artisanaux à base de perles.
« C'est pour moi un moment vraiment incroyable car je représente les femmes de chez moi », a déclaré Malish. « Elles sont tellement heureuses de savoir que leurs compétences, leur talent et leurs produits seront vus par le reste du monde. »
La présentation de leur travail a été rendue possible par MADE51, une initiative de coopération du HCR et de ses partenaires stratégiques du secteur privé, qui soutient les réfugiés dans la vente de leurs produits à l'échelle mondiale.
Cette collaboration n'est qu'un exemple parmi les multiples pistes de solutions qui ont alimenté les discussions du forum organisé sur deux jours et baptisé « 36 millions de solutions » en référence aux quelque 36 millions de personnes déplacées de force en Afrique subsaharienne.
Premier du genre et organisé conjointement par le HCR, la Cohalition Amahoro et le Collectif des entrepreneurs africains, le forum a réuni des chefs d'entreprise, des philanthropes et des particuliers de tout le continent pour discuter des moyens novateurs de faire face à la crise du déplacement en Afrique.
La Haut Commissaire adjointe du HCR, Kelly Clements, a participé au Forum, où elle a souligné l'importance de l'engagement du secteur privé à agir, inspiré par la philosophie africaine de l'« ubuntu » - qui signifie « je suis parce que nous sommes ».
« Les dirigeants du secteur privé qui se joignent à nous ici sont les pionniers et les innovateurs de leur secteur, prêts à remettre en question ce que nous savons, pour créer quelque chose de mieux », a-t-elle déclaré. « En investissant dans les communautés déplacées de force en Afrique, le secteur privé investit dans l'avenir de l'Afrique. Lorsque les communautés déplacées de force ont la possibilité et les ressources nécessaires pour reconstruire leur vie, elles participent aux économies locales et contribuent au développement social de leurs communautés. »
« En investissant dans les communautés déplacées de force en Afrique, le secteur privé investit dans l'avenir de l'Afrique. »
Lors de l'ouverture officielle du Forum, le Premier ministre rwandais, Edouard Ngirente, a noté qu'une « solution durable aux problèmes des réfugiés ne peut être obtenue sans la coopération multilatérale et les acteurs du secteur privé. »
Il a exhorté les participants à considérer le Forum comme un appel à l'action.
« Ce forum doit marquer une prise de conscience de la nécessité d'une réponse collective à la crise des déplacements forcés sur notre continent. Utilisons-le comme une plateforme pour trouver des solutions pratiques et réalistes qui auront un impact positif sur les moyens de subsistance des communautés de réfugiés. »
Kelly Clements a également félicité le gouvernement rwandais pour avoir été « à l'avant-garde des engagements et de la mise en œuvre de mesures concrètes en matière d'inclusion, d'autosuffisance et de solutions pour les réfugiés. »
Le Rwanda accueille plus de 126 000 réfugiés et se distingue par son attachement aux divers engagements qu'il a pris lors du Forum mondial sur les réfugiés en 2019, axés sur l'éducation, les moyens de subsistance, la protection, l'environnement, l'énergie et la santé. Malgré la pandémie de Covid-19, le pays a maintenu le cap, en mettant en œuvre diverses interventions financées par le secteur privé et portant sur chacune des promesses énoncées.
Au cours de sa visite, Kelly Clements a pu voir certaines de ces initiatives en action.
Elle a visité le mécanisme de transit d'urgence à Gashora, établi en 2019 grâce à un partenariat entre le HCR, le gouvernement rwandais et l'Union africaine pour accueillir des demandeurs d'asile de divers pays africains évacués de Libye. Plus de 600 personnes évacuées de Libye y ont été accueillies, dont plus de 400 ont été réinstallées dans des pays tiers.
Dans le camp de réfugiés de Mugombwa, dans le sud du pays, elle a rencontré des réfugiés congolais et des Rwandais impliqués dans diverses initiatives telles que le projet des marais de Misizi - un programme agricole massif financé par la Fondation IKEA et soutenu par le gouvernement, qui a alloué plus de 50 hectares de terres à quelque 1400 réfugiés et Rwandais pour qu'ils les cultivent ensemble.
Clémentine Bugenimana, une réfugiée congolaise, et son meilleur ami rwandais, Mushimiyimana Yousine, font partie du projet. Ils travaillent ensemble pour cultiver la terre et s'occuper des porcs et des volailles de la coopérative.
« Nous avons bénéficié de ce projet parce que nous récoltons la nourriture ensemble, nous gagnons un peu d'argent et nous participons même à un groupe d'épargne », a expliqué Clémentine Bugenimana.
« Nous avons bénéficié de ce projet parce que nous récoltons la nourriture ensemble, nous gagnons un peu d'argent. »
Yousine reconnaît que le projet a permis de rapprocher les deux communautés.
« Sans cette initiative, nous ne nous serions pas connus et ne serions pas devenus de si bons amis ! »
Leurs enfants vont dans la même école - l'école intégrée G. S. Mugombwa - encore un autre projet qui favorise la cohésion sociale entre les deux communautés.
À la base une école primaire, l'école a été agrandie avec le soutien de la Banque mondiale et du programme Educate a Child, et dispose désormais d'un bâtiment d'enseignement secondaire. Un projet d'apprentissage connecté financé par Profuturo et LaCaixa a amélioré l'enseignement et l'apprentissage dans l'école.
Divers dirigeants du secteur privé participant au forum ont pris des engagements en vue de trouver des solutions aux défis des réfugiés et des communautés d'accueil : financement de bourses d'études, amélioration des infrastructures éducatives, investissement dans les entreprises, stages et offres d'emploi, amélioration de l'accès aux vaccins contre le Covid-19 et aux soins de santé, et plaidoyer en faveur de la délivrance de documents juridiques aux personnes déracinées et apatrides.
Sangu Delle, l'un des délégués du Forum et le PDG d'Africa Health Holdings, basé au Ghana, a exhorté les participants à exploiter le potentiel des populations déplacées sur le continent.
« La plus grande ressource de l'Afrique est notre capital humain, c'est notre population. Ce serait une occasion manquée si nous ne mettions pas à profit le potentiel de l'ensemble de nos populations », a-t-il déclaré. « L'histoire de l'ascension de l'Afrique ne doit pas se résumer à l'ascension de quelques-uns et à la mise à l'écart des autres. »
« La plus grande ressource de l'Afrique est notre capital humain, c'est notre population. »
Sarah Chan, responsable du repérage en Afrique pour une équipe de basket-ball de la NBA, les Raptors de Toronto, a illustré comment cette approche fondée sur l'intervention d'une multitude d'acteurs sociétaux l'a aidée, elle et sa famille au Soudan du Sud, à trouver de meilleures opportunités après s'être réinstallée au Canada grâce à une bourse d'études.
Elle estime que la question des solutions à la crise du déplacement est de la responsabilité de tous.
« Nous avons tous les solutions aux problèmes qui se posent dans nos contextes respectifs et bien que le secteur privé ait une tâche à accomplir, nous nous devons tous, en tant qu'êtres humains, de contribuer par nos efforts », a-t-elle déclaré lors du Forum. « Chacun d'entre nous peut jouer un rôle dans l'avènement des solutions que nous voulons voir se concrétiser. »
Alors que les discussions se terminaient, Kelly Clements, du HCR, a réaffirmé que le secteur privé peut être un agent essentiel du changement.
« Grâce à des modèles entrepreneuriaux innovants, le secteur privé peut promouvoir un accès plus durable et plus digne aux opportunités économiques pour les personnes déplacées de force, tout en créant de la valeur pour leurs propres entreprises. »