António Guterres met en garde le Conseil de sécurité des Nations Unies contre une possible « catastrophe » au Darfour
António Guterres met en garde le Conseil de sécurité des Nations Unies contre une possible « catastrophe » au Darfour
New York, mardi 24 janvier 2006
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres, a informé mardi le Conseil de sécurité des Nations Unies que la situation dans la région du Darfour, à l'ouest du Soudan, s'était détériorée au cours des six derniers mois et a prévenu de l'imminence d'une « bien plus terrible catastrophe », si des mesures énergiques n'étaient pas prises rapidement par la communauté internationale.
« Aujourd'hui, la violence et le sentiment d'impunité - jamais complètement tenus en échec - sont à nouveau des faits quotidiens au Darfour. Les travailleurs humanitaires voient leur accès aux personnes déplacées et à ceux qu'ils tentent d'aider régulièrement interrompu », a déclaré António Guterres lors de son allocution devant les 15 membres du Conseil de sécurité.
Il a remarqué que l'insécurité s'est maintenant étendue par delà la frontière avec le Tchad. Vendredi dernier, des rebelles armés ont ainsi kidnappé plusieurs représentants gouvernementaux et attaqué le village de Guéréda, où l'agence des Nations Unies pour les réfugiés s'occupe de plus de 25 000 réfugiés soudanais.
« La communauté internationale pourrait être confrontée à une catastrophe au Darfour », a déclaré António Guterres. « L'éviter nécessitera des mesures énergiques et l'engagement total de l'Union africaine et des Nations Unies. Si nous échouons - si aucune protection physique n'est garantie à ceux qui ont besoin d'aide - nous prenons le risque d'une catastrophe bien plus grande que ce que nous avons vu pour le moment. »
Plus tôt ce mardi, l'UNHCR avait annoncé que quelque 800 Soudanais du Darfour étaient arrivés ce mois-ci dans l'un de ses camps à l'est du Tchad, soulignant la détérioration de la situation sécuritaire.
Tout en évaluant avec pondération la situation en Afrique, António Guterres a dit au Conseil de sécurité qu'il était convaincu que la situation à l'est du Soudan, bien que largement passée sous silence, se « dégradait régulièrement », elle aussi. Il a prévenu que les derniers développements sur place étaient étroitement liés à la situation tendue entre l'Ethiopie et l'Erythrée voisines. Au cours de la dernière année, plusieurs milliers de nouveaux réfugiés érythréens ont fui vers le Soudan et l'Ethiopie, a-t-il dit, en ajoutant que « toute détérioration des relations entres ces deux [pays] présente un risque réel de déplacement massif de populations ».
António Guterres a aussi exprimé son inquiétude quant à la situation au Sud-Soudan, où un accord de paix a été signé il y a un an. Bien que des dizaines de milliers de réfugiés et de déplacés internes aient commencé à rentrer, la situation reste « fragile », a-t-il dit.
«... Au Sud-Soudan, il n'existe que 14 kilomètres de route goudronnée, presque aucune école et aucun hôpital et l'administration publique est extrêmement rare sur le terrain, » a-t-il déclaré. «... Il faut immédiatement fournir un soutien économique et politique massif - sans attendre que chaque chose soit mise en place et que toutes les conditions réglementaires soient remplies. Sinon, il se pourrait qu'il soit trop tard. »
António Guterres a également fourni au Conseil de sécurité des informations récentes concernant d'autres lieux actuels de tensions. Parmi ceux-ci figurent la République démocratique du Congo, d'où se sont enfuies près de 20 000 personnes pour traverser la frontière ougandaise la semaine passée ; la Côte d'Ivoire, où les bureaux de l'UNHCR et de plusieurs agences soeurs des Nations Unies ont été attaqués et détruits la semaine passée ; et la République centrafricaine, où la prolifération de bandes armées et l'état général d'anarchie au nord ont forcé des milliers de personnes à s'enfuir au Tchad ou au Cameroun.
António Guterres a dit au Conseil que, dans la période qui suit les crises - et au cours de laquelle les réfugiés rentrent chez eux - l'incapacité d'assurer une transition sans heurt pour passer de l'urgence au développement « figure parmi les échecs les plus récurrents de la communauté internationale ».
Renforçant ses propos initiaux sur la fragilité de la situation au Sud-Soudan, António Guterres a ajouté, « le retour massif de populations est difficile à maintenir sur la durée si le développement ralentit et l'instabilité augmente. Sans les ressources nécessaires au développement, à la reconstruction des institutions et à la réconciliation, les sociétés peuvent se disloquer, des conflits latents se réveiller et les civils être contraints de se déplacer à nouveau ».
António Guterres a approuvé la décision récente de créer une Commission de consolidation de la paix, indiquant qu'il s'agissait de l'un des événements les « plus marquants » de 2005.
« Trop peu de l'attention et des ressources de la communauté internationale sont généralement allouées à la reconstruction des sociétés qui ont été dévastées par la guerre et la violence », a-t-il remarqué.
Soulignant le mélange complexe des flux de réfugiés et de migrants économiques, António Guterres a souligné la recrudescence récente et tragique des décès de personnes traversant le golfe d'Aden de la Somalie vers le Yémen, ainsi que celle des personnes qui meurent en tentant de traverser la Méditerranée pour rejoindre l'Europe. « Protéger l'asile nécessite que nous soyons capables d'identifier, parmi ces flux mélangés, ceux qui ont un réel besoin de protection », a-t-il dit. « Réussir à trouver ces personnes devient de plus en plus difficile, au fur et à mesure que leur nombre et les risques qu'elles sont capables de prendre augmentent. »
Le Haut Commissaire de l'UNHCR a réclamé des mesures énergiques et concertées contre la traite d'êtres humains et les passeurs, mais a aussi attiré l'attention sur l'accroissement de l'intolérance dans les pays d'asile, en indiquant qu'il s'agissait de l'un des plus importants défis auxquels est aujourd'hui confronté l'UNHCR.