De nombreux enfants réfugiés seraient victimes d'abus en Afrique de l'ouest
De nombreux enfants réfugiés seraient victimes d'abus en Afrique de l'ouest
Le HCR et Save the Children UK ont aujourd'hui donné des détails concernant les troublantes conclusions d'une équipe d'évaluation conjointe, menée à la demande des deux organisations afin de se pencher sur des cas de violences et d'exploitation sexuelles dont sont victimes des enfants réfugiés en Afrique de l'Ouest.
L'équipe d'évaluation a réussi à prouver l'existence de « très nombreux » cas d'exploitation sexuelle d'enfants réfugiés au Libéria, en Guinée et en Sierra Leone. Les membres de l'équipe se sont en grande partie basés sur des témoignages d'enfants, réunis au cours d'une mission de 40 jours dans la région à la fin d'octobre et en novembre derniers. Beaucoup de ces actes auraient été perpétrés par du personnel local d'ONG nationales et internationales ainsi que d'agences des Nations Unies, dont le HCR.
D'après la mission, des membres du personnel humanitaire auraient, dans les trois pays cités ci-dessus, eu recours à « l'aide et aux services humanitaires destinés aux réfugiés à des fins d'exploitation sexuelle ».
Bien que cette mission d'évaluation n'ait pas été menée avec la même rigueur que ne l'aurait exigé une investigation au sens propre du terme ou une enquête plus approfondie, le HCR et Save the Children UK ont fourni des détails en raison du caractère troublant de ces allégations, de l'apparente étendue du problème et de la nécessité, pour un grand nombre d'agences et d'organisations humanitaires, d'intervenir le plus rapidement possible.
La « Note à l'attention des partenaires opérationnels » sur les violences et l'exploitation sexuelles dont sont victimes des enfants réfugiés en Afrique de l'Ouest indique que la plupart des présumés « coupables » seraient des membres du personnel local masculin, qui auraient monayé des services humanitaires en échange de rapports sexuels avec des filles de moins de 18 ans. Toujours d'après la Note, « cette pratique semble être particulièrement courante dans des lieux où d'importants programmes d'aide sont mis en place, plus particulièrement dans des camps de réfugiés en Guinée et au Libéria ».
En plus du personnel humanitaire, le document contient des allégations d'exploitation sexuelle d'enfants par des soldats de la paix, des représentants du gouvernement et des chefs de communautés. En tout, plus de 40 agences et organisations et près de 70 personnes sont citées à travers divers témoignages.
La mission d'évaluation a cependant clairement souligné qu'elle n'était pas en mesure de vérifier la véracité de ces allégations. Toutefois, vu leur nombre, l'existence d'un grave problème d'exploitation sexuelle nécessitant une investigation poussée et la prise de mesures drastiques ne fait pas l'ombre d'un doute. Le HCR a déjà initié ce processus et une équipe se trouve actuellement sur place pour mener une enquête préliminaire. Cette investigation, qui se veut discrète, permettra de déterminer comment procéder sans mettre en danger les enfants impliqués. Afin de protéger les enfants ou dans un souci d'équité, certaines affirmations manquant de preuves, émises par l'équipe de la mission de l'année dernière, demeurent pour l'instant confidentielles en attendant des informations complémentaires.
L'équipe d'investigation qui se trouve actuellement dans la région travaille de manière indépendante et bénéficie seulement d'un soutien logistique du HCR. L'équipe est composée d'enquêteurs spéciaux des Nations Unies en provenance de New York, des membres du bureau de l'Inspecteur général du HCR et un expert extérieur spécialisé dans les cas d'abus sexuel d'enfants.
Les investigations actuelles font partie d'une approche en deux volets qui comprend également un plan d'action d'urgence coordonné visant à renforcer la protection des femmes et des enfants réfugiés en général. Un groupe de travail du HCR a déjà esquissé les grandes lignes d'une série de mesures destinées à lutter contre les abus d'enfants dans la région. Ces mesures, déjà en place ou encore à l'étude, incluent :
- Accroître la sécurité et la présence internationale dans les camps.
- Déployer un plus grand nombre de personnel féminin.
- Mettre en place un mécanisme grâce auquel les réfugiés pourront porter plainte, en toute sécurité, auprès des hauts responsables du HCR.
- Demander aux responsables des camps de dénoncer les abus auprès des hauts responsables du HCR.
- Revoir l'aménagement des camps pour garantir la sécurité et l'intimité.
- Améliorer la distribution de l'aide et des services de manière à s'assurer qu'ils parviennent aux réfugiés et ne sont pas utilisés comme un moyen d'exploitation.
- S'assurer que l'aide humanitaire fournie répond aux standards minimums et aux besoins essentiels.
- Prendre des mesures pour que les réfugiés aient un meilleur accès aux structures juridiques afin que les coupables soient punis.
- Identifier les jeunes réfugiées les plus exposées à l'exploitation sexuelle (par exemple issues de familles monoparentales, non accompagnées ou seules, marchandes de rue) et s'assurer qu'elles reçoivent l'aide, l'éducation, les soins, les services sociaux et la formation qu'elles requièrent afin d'être plus autonomes.
- Mettre en place des campagnes de sensibilisation pour lutter contre l'exploitation sexuelle et en décrire les conséquences.
- Informer les enfants réfugiés et les autres de leurs prérogatives et de leurs droits.
- Lorsque cela est possible, allouer des parcelles de terre cultivable pour que les réfugiés aient une plus grande autonomie.
- Exercer des pressions sur les gouvernements pour qu'ils appliquent la Convention relative aux droits de l'enfant qui a été ratifiée et signée par les trois pays.
Cette première évaluation a été initiée l'année dernière par le HCR et Save the Children UK suite à l'inquiétude croissante face aux informations parvenues du terrain sur la nature et l'ampleur des violences et de l'exploitation sexuelles dont sont victimes des enfants réfugiés dans les pays de la sous-région du fleuve Mano, en Afrique de l'Ouest. Le but premier de cette mission d'évaluation était de s'adresser aux enfants eux-mêmes et de tenter d'obtenir plus d'information sur l'étendue du problème et sur les réponses des différents protagonistes. La mission devait par la suite déboucher sur la mise en place, par le HCR, les ONG ainsi que les d'autres agences humanitaires à la mise en place d'un plan d'action pour s'attaquer à ce problème.
Le noyau de l'équipe de la mission était composé d'un consultant indépendant, d'un consultant du HCR et d'un membre de Save the Children UK. Des employés du HCR et de Save the Children UK les ont ensuite rejoints dans les trois pays respectifs.