Déclaration de Filippo Grandi à la Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban, Paris
Déclaration de Filippo Grandi à la Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban, Paris
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Président du Conseil des ministres,
La catastrophe au Liban a des conséquences humanitaires multiples. Le déplacement forcé, comme nous l'avons entendu, en est l'une des plus graves. Certaines régions du pays se sont vidées de leurs habitants. Un cinquième de la population a été déracinée. Et 430 000 personnes ont franchi la frontière syrienne – 30 % de Libanais et 70 % de Syriens. Ces derniers ont fui une guerre et en fuient à présent une autre. Il y a quelques jours, j'ai moi-même vu des familles à la frontière emporter ce qu'elles pouvaient sur leur dos le long d'une route détruite par les frappes aériennes israéliennes.
Bien sûr, la solution passe par un cessez-le-feu, suivi d'un accord politique et militaire qui le rende viable. Il n'y a pas d'alternative. Mais en attendant, venir en aide aux civils au Liban – tous, y compris les réfugiés syriens et palestiniens – est une priorité, et je remercie le gouvernement français de nous avoir réunis ici pour discuter et, je l'espère, prendre les mesures qui s'imposent. Le HCR est pleinement engagé dans cet effort, aux côtés des autorités libanaises.
Mais nous ne devons pas oublier la dimension syrienne de cette crise. Permettez-moi de me concentrer sur cet aspect.
Nous ne devons pas oublier que la majorité des Syriens - après des années de guerre, de divisions, de sanctions – faisaient déjà face à des difficultés considérables avant l'éclatement de cette nouvelle crise. Les nouveaux arrivants – libanais et syriens – sont pour la plupart accueillis par des familles pauvres et fragilisées. En Syrie, l'urgence est aussi bien à la frontière que dans les foyers. Il est urgent d'accroître l'aide humanitaire. Cependant, l'appel inter-agences que j'ai contribué à lancer à Damas le 7 octobre n'est financé qu'à hauteur de 12 %.
Les deux appels de fonds – pour le Liban et pour la Syrie – ont donc besoin d'être soutenus. Ne soyons pas surpris si, faute de pouvoir stabiliser les populations dans ces deux pays, celles-ci décident de chercher refuge ailleurs.
Au HCR, nous travaillons auprès des réfugiés syriens depuis 13 ans. Pour faire en sorte que leur retour, aujourd'hui et à l'avenir, soit sûr, digne et durable – comme je l'ai dit à maintes reprises – nous devons agir sur deux fronts.
Tout d'abord, nous continuons à travailler avec le gouvernement syrien – qui a gardé les frontières ouvertes à tous – afin de garantir la sécurité de tous ceux qui arrivent. Le HCR est désormais autorisé à accompagner les rapatriés aux postes frontières et partout où ils décident de s'installer. Mais nos moyens sont encore limités, en particulier dans les lieux de destination. Nous avons accès à 114 centres communautaires à travers le pays. Nous devons renforcer cette présence et celle de nos partenaires - indispensables pour soutenir, conseiller et contribuer à faire en sorte que les rapatriés syriens pouvant bénéficier des amnisties existantes puissent le faire sans entrave, de manière transparente et équitable, en évitant les représailles, comme je l'ai mentionné récemment auprès des autorités syriennes.
Deuxièmement, je vous demande de mettre à profit ce que l'on appelle les mesures de relèvement rapide prévues par les différentes résolutions du Conseil de sécurité. Il faut soutenir les personnes qui ont décidé de rentrer chez elles et qui souhaitent peut-être rester, ainsi que les activités menées par les Nations Unies et d'autres organisations dans les zones de retour. Il n'y a aucune dignité à retourner dans des endroits sans eau, sans électricité, sans services publics et sans logements. Et si ces retours ne sont pas viables, les personnes se déplaceront à nouveau.
Nous sommes à la croisée des chemins. Une expansion du conflit comporte des dangers inimaginables. Elle aggraverait les conséquences humanitaires, bien au-delà de la capacité de réponse des organisations d'aide. Elle entraînerait également des mouvements de population tels qu'ils seraient difficiles à gérer.
Il nous reste cependant une chance de relever ces défis avant qu'il ne soit trop tard, et même de résoudre certains des problèmes de longue date qui affectent la région, notamment celui des déplacements forcés.
Mais nous devons agir, et agir maintenant.
Je vous remercie de votre attention.