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Le HCR exprime ses inquiétudes suite aux allégations de recrutement forcé dans les camps de réfugiés au Tchad

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Le HCR exprime ses inquiétudes suite aux allégations de recrutement forcé dans les camps de réfugiés au Tchad

L'agence des Nations Unies pour les réfugiés reçoit des informations selon lesquelles le recrutement de réfugiés soudanais dans les camps à l'est du Tchad se poursuit, en dépit des précédentes dénonciations par le HCR de ces activités et de ses appels répétés au Gouvernement tchadien pour assurer le maintien du caractère civil des camps de réfugiés.
16 Mai 2006 Egalement disponible ici :
Vue sur la place du marché du camp de Breidjing, à l'est du Tchad, où les groupes rebelles ont recruté environ 4 700 hommes et garçons réfugiés en mars.

CAMP DE BREIDJING, Tchad, 16 mai (UNHCR) - L'agence des Nations Unies pour les réfugiés reçoit des informations selon lesquelles le recrutement de réfugiés soudanais dans les camps à l'est du Tchad se poursuit, en dépit des précédentes dénonciations par l'UNHCR de ces activités et de ses appels répétés au Gouvernement tchadien pour assurer le maintien du caractère civil des camps de réfugiés.

En mars, des milliers d'hommes et de garçons ont été contraints ou ont été volontairement recrutés dans les camps de réfugiés de Breidjing et Treguine par des groupes rebelles soudanais. En avril, le camp de Goz Amer aurait été également le théâtre d'activités de recrutement.

Les réfugiés, inquiets, ont confié aux équipes de l'UNHCR que ces activités n'ont pas cessé et l'agence humanitaire craint que ces recrutements ne s'étendent à d'autres sites accueillant des réfugiés à l'est du Tchad. L'UNHCR et ses partenaires gèrent une douzaine de camps à l'est du Tchad. Ils abritent quelque 200 000 Soudanais originaires de la région voisine du Darfour.

Karim (nom fictif), un jeune réfugié de 16 ans du camp de Breidjing, se souvient de l'arrivée dans le camp d'un convoi de combattants membres d'un groupe rebelle soudanais à la mi-mars. Sur la place du marché, ils ont rappelé aux réfugiés qu'il était de leur devoir de se battre pour leur patrie.

« Ils m'ont dit que le Soudan était la terre de mes ancêtres et que je devais partir me battre pour elle », raconte le jeune homme, manifestement encore très inquiet d'avoir reçu un tel ordre. « Je ne voulais pas y aller mais j'avais trop peur d'être battu si je refusais, alors je les ai suivis. »

Lors de ce week-end du mois de mars, quelque 4 700 hommes et garçons ont ainsi été emmenés vers divers endroits le long de la frontière entre le Tchad et le Soudan. La plupart d'entre eux l'ont fait sous la contrainte, d'autres sur une base volontaire, ont indiqué les réfugiés. Karim s'est retrouvé, avec d'autres garçons, dans un camp de fortune isolé et a reçu une formation militaire de base.

« On nous a appris à nettoyer les armes - pas à les utiliser, seulement à les nettoyer », dit-il. « Certains des recrutés ont été battus pour avoir refusé d'obéir. »

Ibrahim, 18 ans, a été récemment abordé au sein même du camp de réfugiés par trois hommes qui portaient des gourdins. Ils l'ont forcé à monter à bord de leur véhicule.

« Je leur ai demandé de me laisser un peu de temps pour réunir quelques vêtements mais ils ont refusé. J'avais peur d'être battu alors je les ai suivis », raconte Ibrahim. Il précise avoir été emmené dans un petit camp où il faisait très chaud et où la nourriture était rare.

« On nous a dit qu'une fois l'entraînement terminé, il nous faudrait partir nous battre. »

Comme Karim, Ibrahim s'est échappé quelques jours après avec d'autres garçons et s'est enfui pour retourner au camp. Il a eu de la chance. Plusieurs centaines d'enfants réfugiés des camps de Breidjing et Treguine manqueraient toujours et seraient encore détenus quelque part le long de la frontière entre le Tchad et le Soudan.

Ceux qui ont réussi à s'échapper et à rentrer au camp disent maintenant qu'ils craignent que les rebelles ne reviennent pour les retrouver. Certains des réfugiés les plus âgés ont expliqué avoir été moins choqués par la tentative de recrutement que par la violence avec laquelle elle a été menée au coeur même du camp de réfugiés.

« Ces camps doivent être des havres de paix où les réfugiés peuvent au moins trouver protection et sécurité », a indiqué Ana Liria-Franch, déléguée de l'UNHCR pour le Tchad. « Les personnes qui ont fui les horreurs du Darfour ont déjà suffisamment souffert. Il est totalement inacceptable que les camps de réfugiés deviennent des lieux de recrutement, et que les enfants âgés de moins de 18 ans en soient les victimes. »

A Genève, Ron Redmond, porte-parole de l'UNHCR, a indiqué aux journalistes que l'agence a lancé un nouvel appel au gouvernement tchadien pour qu'il fasse tout son possible afin d'assurer le caractère civil des camps de réfugiés et la sécurité tant à l'intérieur qu'autour des camps.

« C'est absolument vital en raison d'informations selon lesquelles les représentants des camps et des Tchadiens seraient impliqués dans le recrutement », a ajouté Ron Redmond. « D'autres représentants ont déclaré craindre que du fait de ces activités les camps ne deviennent la cible d'attaques. L'UNHCR a déjà rencontré plusieurs fois les autorités tchadiennes lors de ces deux derniers mois et leur a rappelé leurs obligations à l'égard des réfugiés qui se trouvent sur leur territoire selon les principes du droit international. »

Plusieurs réfugiés auraient indiqué que les autorités tchadiennes ont facilité voire collaboré avec les groupes rebelles lors d'activités de recrutement, pressant notamment les représentants de réfugiés à les aider dans le processus. Selon les informations, les rebelles auraient demandé directement aux représentants de réfugiés de les assister lors du recrutement.

Au camp de Goz Amer, un représentant de réfugiés a reconnu qu'il encourage clairement les jeunes hommes réfugiés à rejoindre les mouvements rebelles soudanais.

« Il n'y a pas d'arme dans le camp », dit-il. « Mais nous n'empêchons pas les gens de partir pour se battre. Mon fils a été enrôlé et s'il meurt, ce sera pour une bonne cause, le Soudan. »

Claire Bourgeois, déléguée adjointe de l'UNHCR pour les opérations au Tchad, a indiqué que les réfugiés pourraient être en danger du fait des activités de recrutement en cours dans les camps.

« Si le recrutement continue dans les camps à caractère civil, les réfugiés vont devenir une cible facile pour d'autres groupes armés s'opposant aux mouvements rebelles responsables de ce recrutement », a prévenu Claire Bourgeois.

Au camp de Goz Amer, plusieurs représentants de réfugiés ont exprimé leurs craintes que les milices janjawid les attaquent s'ils sont perçus comme aidant les mouvements rebelles soudanais.

« Nous ne voulons aucune relation entre le recrutement et les réfugiés dans le camp », a indiqué l'un des représentants.

L'UNHCR en appelle aussi aux mouvements rebelles dans la région qu'ils cessent toutes les activités de ce type dans les camps civils de réfugiés à l'est du Tchad.

Selon Claire Bourgeois, depuis que ce problème de recrutement est apparu en mars dernier, l'UNHCR a mené des campagnes de sensibilisation dans les camps, soulevant la question avec les représentants des réfugiés, leur rappelant leurs droits et devoirs en tant que réfugiés. Les équipes de l'UNHCR se sont également rendues dans les écoles des camps pour informer les enfants du danger et travaillent avec les gendarmes affectés par les autorités tchadiennes pour assurer la sécurité à l'intérieur et autour des camps.

Par Hélène Caux, dans les camps de réfugiés de Breidjing, Treguine et Goz Amir