Les réfugiés somaliens se préparent à un exil prolongé en Ethiopie
Les réfugiés somaliens se préparent à un exil prolongé en Ethiopie
CAMP de BUR AMINO, Ethiopie, 2 juillet (HCR) - Quand Amina* a vu pour la première fois la tente qui venait de lui être allouée pour elle et sa famille dans le camp de réfugiés de Bur Amino au sud-est de l'Ethiopie, elle a réalisé que ce pourrait bien être sa maison pour longtemps. « Je dois m'habituer à ce nouvel environnement et accepter que ma nouvelle vie soit la vie d'une réfugiée », a expliqué récemment au HCR cette Somalienne âgée de 20 ans, mère de deux enfants.
Elle a défait les paquets contenant ses récipients, les seules possessions qu'elle a emportées depuis sa maison située près de Berdale dans la région de Bay, au sud de la Somalie : « Je dois cuisiner et nourrir mes enfants ainsi que mon frère et ma soeur », a-t-elle déclaré. Elle a reçu le lendemain des matelas, des ustensiles de cuisine, des moustiquaires de la part du HCR ainsi que sa première ration d'aide alimentaire de la part de l'ARRA (Service de l'Administration éthiopienne chargé des affaires concernant les réfugiés et rapatriés) et du Programme alimentaire mondial. Ce soir-là, la famille recevait un repas chaud.
« Nous avons de la chance d'avoir survécu l'année dernière », a expliqué Amina, avant d'ajouter : « J'ai vu tellement de gens mourir de faim dans mon village. » Elle fait référence aux victimes de la pire sécheresse qui ait jamais frappé la Somalie depuis plus d'un siècle, qui a causé d'importantes pertes en vie humaine et qui a forcé environ 300 000 personnes à fuir la Somalie l'année dernière.
La situation était aggravée par la violence qui dévaste la Somalie depuis plus de deux décennies et qui continue à déraciner des personnes. Au camp de réfugiés de Bur Amino, le HCR monte environ 300 nouvelles tentes par semaine et construit également des latrines ainsi que des systèmes de distribution d'eau, pour couvrir les besoins des nouveaux arrivants.
Le HCR et les autorités éthiopiennes ont convenu d'agrandir le camp qui a été ouvert il y a six mois pour qu'il ait une capacité d'accueil de plus de 25 000 personnes, tout en finalisant la sélection d'un site pour ouvrir un sixième camp dans la zone de Dollo Ado, où sont déjà hébergés 157 000 réfugiés somaliens. Beaucoup parmi les nouveaux arrivants viennent avec toutes leurs possessions, y compris les ânes et le bétail. Ils disent que d'autres membres de leur famille et les voisins prévoient de venir aussi.
En début de journée, Amina, et sa famille semblaient être vulnérables et perdus. Ils étaient assis sur un banc en bois dans la ville de Dollo Ado et attendaient qu'un bus les emmène 20 kilomètres plus loin, depuis la zone frontalière vers Bur Amino. Elle transportait son plus jeune enfant, Abdul*, un bébé de cinq mois, sur le dos dans une étoffe porte-bébé traditionnelle, tout en tenant par la main sa fille Nhala*, âgée de six ans. Le frère et la soeur d'Amina, Mohamed*, 12 ans, et Sahla*, sept ans, étaient assis près d'elle sur le banc.
Elle a déclaré qu'elle avait dû venir à Dollo Ado car la vie était devenue vraiment trop difficile et trop dangereuse, tout spécialement après que sa région natale soit tombée sous le contrôle d'une milice strictement conservatrice. Ce groupe anti-gouvernemental avait imposé des taxes et des restrictions qui rendaient tout simplement impossible de mener une vie normale et de pratiquer un commerce.
Amina se rappelle du jour où la famille n'avait rien eu à manger car elle avait trop peur de quitter sa maison et de se rendre au marché. Ses enfants, son frère et sa soeur avaient attrapé la diarrhée car ils avaient été forcés de boire l'eau contaminée provenant d'une source locale. En plus de cette situation désastreuse, les miliciens refusaient toute aide humanitaire dans le village.
Il lui a fallu prendre la difficile décision de quitter le village. C'était là que la jeune fille était née, s'était mariée à l'âge de 13 ans et avait fondé sa propre famille. C'était tout son univers, mais les pénuries d'eau et de vivres ainsi que les risques sanitaires mettaient en danger la vie des habitants, et tout spécialement les enfants.
Les enfants étaient confrontés également à un autre danger - le recrutement forcé. Des réfugiés somaliens à Dollo Ado disent que les jeunes garçons âgés de huit ans et au-delà étaient menacés. « De jeunes garçons sont enlevés et ils sont entraînés pour être des soldats », a indiqué un réfugié au centre de transit de Dollo Ado.
Amina a commencé le voyage vers la frontière à la mi-juin dans un véhicule de location, suivant l'exemple de milliers d'autres Somaliens qui ont trouvé la sécurité, un abri et de l'assistance dans l'ouest de l'Ethiopie. Beaucoup sont très démunis, au point qu'ils doivent effectuer le voyage à pied. Dans son groupe se trouvait Hassan, 13 ans, un proche d'un village voisin dont les parents avaient peur qu'il ne soit forcé à devenir un enfant soldat s'il restait en Somalie.
Pour financer le dangereux voyage, Amina a vendu plusieurs chèvres, un bien précieux. Elle a expliqué que lorsqu'elle avait quitté le village, elle était inquiète de ce qu'elle pourrait trouver en chemin. « Les gens voyagent en groupe » pour mieux se protéger des attaques menées par des groupes de militants, a-t-elle expliqué.
Amina semblait soulagée lorsqu'elle a rencontré des membres du personnel du HCR après avoir traversé la frontière. Elle est restée pendant quelques jours dans un centre de transit, où elle a reçu de la nourriture, des cartes de rationnement et des soins médicaux avant d'embarquer dans un bus pour le camp de Bur Amino. Le HCR et ses partenaires prendront en charge la famille, qui est considérée comme étant particulièrement vulnérable, mais la vie ne sera jamais plus la même pour Amina et ses proches.
Le Représentant du HCR en Ethiopie, Moses Okello, a rendu hommage aux autorités éthiopiennes qui assurent protection et assistance aux nouveaux arrivants et il a promis de continuer à appuyer cet effort. Toutefois, il a ajouté que la solution « réside dans la recherche d'un règlement durable au conflit en Somalie. »
* Noms fictifs pour des raisons de protection
Par Natalia Prokopchuk au camp de Buramino, Ethiopie