Les réfugiés soudanais ont été les témoins d'atrocités, rapporte le HCR au Tchad
Les réfugiés soudanais ont été les témoins d'atrocités, rapporte le HCR au Tchad
ABECHE, Tchad, 9 janvier 2004 (UNHCR) - L'équipe d'urgence de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés en visite à la frontière soudano-tchadienne a écouté les récits de scènes de meurtres et de pillages à l'Ouest du Soudan et peut témoigner des conditions de vie misérables des milliers de réfugiés soudanais au Tchad.
Jeudi dernier, l'équipe de l'UNHCR a achevé sa mission d'une durée de deux jours dans la zone nord-est de Birak où les membres de l'équipe ont pu visiter le site de Djoran, à 15 km de la frontière soudanaise.
Ils y ont trouvé des milliers de réfugiés (les estimations sont entre 4 000 et 8 000 personnes) vivant dans des conditions précaires. Ceux-ci ont fui la région de Darfour, à l'Ouest du Soudan.
A une altitude de 1.000 mètres, le site semi-aride du Djoran connaît de fortes températures durant la journée (seuls quelques arbres permettent de s'abriter du soleil) alors que, la nuit, les températures se situent légèrement au-dessus de 0°C. Des vents forts provoquent des rafales de sable tout au long de la journée.
Les réfugiés vivent sous des abris de fortune fabriqués à partir de foin et de branches collectés aux alentours. Ceux-ci font environ 2-3 mètres carrés chacun (ils sont donc plus qu'étroits pour des familles avec, en moyenne, cinq enfants par femme.) N'ayant pas eu le temps de se construire des abris, quelques réfugiés récemment arrivés ont dû dormir à même le sol.
La plupart des réfugiés à Djoran sont arrivés avec rien ou presque. Certains d'entre eux sont là depuis juillet dernier et ont pu survivre grâce à la nourriture et l'eau fournies par la population tchadienne locale, particulièrement celle du village voisin de Bali. Les réfugiés soudanais et leurs hôtes tchadiens appartiennent aux mêmes tribus, principalement les Djobal, Eranga et Zaghawa.
D'après le chef des réfugiés à Djoran, arrivé lui-même en août dernier, vingt à trente personnes arrivent chaque jour en raison du nombre croissant d'attaques des milices arabes dans les villages soudanais en bordure du Tchad ces dix derniers jours.
L'UNHCR a interrogé certains réfugiés récemment arrivés, et ils ont tous donné la même version de leur fuite : les hommes des milices, connues sous le nom de Janjaweed, lancent leurs attaques généralement tôt le matin. Ils commencent par tuer des gens dans la rue, avant d'attaquer les maisons et de tout y dérober, y compris le bétail.
Il y a également eu des rapports de viol et d'enlèvement de femmes et de jeunes filles par les milices. Ces incidents n'ont pas pu être confirmés ni par les agences d'aide humanitaire, qui ne sont pas autorisées à travailler dans la région du Darfour, ni par les femmes réfugiées elles-mêmes du fait de problèmes de communication et de la dimension tabou du viol.
Un réfugié du village soudanais de Garuma, à 20 km de la frontière, a raconté à l'UNHCR qu'une semaine auparavant, 150 miliciens portant des vêtements militaires sont arrivés à dos de cheval et chameau dans le village. L'homme raconte que les deux mille villageois ont pris la fuite vers les villages voisins où ils avaient de la famille ou bien encore ont traversé la frontière vers le Tchad.
Il a emmené sa femme enceinte et ses cinq enfants pour se cacher dans les collines avoisinantes, où sa femme a accouché le jour suivant. Il raconte que les milices ont mis feu à la colline, le poussant, lui et sa famille, à trouver refuge dans une autre colline. Là, il a quitté sa famille et a voyagé à dos d'âne en direction du Tchad afin de s'enquérir des conditions sur place avant d'y faire venir les siens.
Une autre réfugiée, arrivée mercredi, raconte qu'elle est venue ici avec ses cinq enfants après que la milice a attaqué Garuma et tué son père dans sa cabane. Plusieurs autres hommes ont été tués, dit-elle, alors que d'autres se sont enfuis vers les proches collines avec leurs provisions. Cette femme raconte que son mari avait quitté le village des semaines auparavant pour chercher du travail dans une autre région du Soudan.
Les agences d'aide humanitaire opérant dans la région est du Tchad travaillent en étroite collaboration afin de venir en aide aux réfugiés dans les sites situés à la frontière, sites où ils se sont spontanément regroupés.
Mercredi, l'UNHCR a commencé à distribuer des couvertures données par le Fond des Nations Unies pour l'Enfance aux femmes enceintes, aux enfants et personnes âgées. L'Agence a également fourni des matelas, jerrycans, ustensiles de cuisine et savons. Des milliers de réfugiés ont aussi reçu de l'huile et du sorgho du Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies.
MSF-Belgique (Médecins Sans Frontières) apporte une aide médicale par le biais de son centre médical à Birak. L'organisation prévoit également de déployer une équipe mobile dans les cantons de Bali et Guimeze pour vacciner les réfugiés. Certains enfants souffrent de problèmes respiratoires ou bien encore de conjonctivites.
Pendant ce temps, l'UNHCR et les autorités locales tchadiennes continuent leurs efforts entamés plusieurs mois auparavant en vue de trouver des zones situées à l'intérieur des terres. Loin des frontières dangereuses, ces zones pourront accueillir de nombreux réfugiés. Ils cherchent des sites éloignés d'au moins 50 km de la frontière dans l'espoir également de repousser les incursions fréquentes des milices soudanaises.
Dans cet espace désertique isolé, le défi le plus difficile à relever tient à l'identification de sites capables de fournir assez de ressources en eau pour les réfugiés.
Kouloungo, à 60 km de la frontière, a été sélectionné comme une possible zone de relogement qui peut accueillir jusqu'à 20 000 réfugiés. Un hydrologue de l'agence partenaire de l'UNHCR, Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), devrait s'y rendre samedi afin d'évaluer les ressources en eau disponibles.
D'autres opérations de vérification de ressources hydrauliques sont en cours de réalisation sur un autre site possible, au sud de la ville de Tiné, au Nord-Est. Ce site s'ajoute à l'autre site de Farchana, à environ 55 km de la frontière, sur le point d'être opérationnel et qui devrait donc recevoir jusqu'à 9 000 réfugiés d'ici la mi-janvier.
L'UNHCR espère reloger très rapidement les réfugiés loin des zones frontalières. En effet la saison des pluies qui débute à la mi-mai rend le sable des routes impraticables pour les camions poids-lourds.
Un nombre estimé à 95 000 réfugiés soudanais a gagné le Tchad depuis le mois d'avril dernier, dont 30 000 au cours du mois de décembre seulement en raison de l'augmentation significative des attaques des milices dans la région du Darfour au Soudan.