Journée internationale de la femme : des femmes réfugiées somaliennes rompent avec leurs contraintes traditionnelles
Journée internationale de la femme : des femmes réfugiées somaliennes rompent avec leurs contraintes traditionnelles
CAMP DE REFUGIES D'AISHA, Ethiopie, 8 mars 2005 (UNHCR) : en tant que fille somalienne et la benjamine de cinq enfants, Amina Dualeh n'est pas habituée à tenir tête à son père.
Quand ses parents, avec ses frères et soeurs, ont décidé de quitter le camp de Aisha dans l'est de l'Ethiopie, leur terre d'exil depuis plus d'une décennie, pour rentrer à Borama dans le nord-ouest de la Somalie, elle s'est dressée contre leur décision. Juste un an avant d'être diplômée de son lycée, il n'était pas question de perdre cette opportunité en retournant dans un endroit où ses parents ne pourraient pas assurer les frais de scolarité.
« J'ai toujours voulu aller au collège » dit cette jeune fille de 20 ans, qui a commencé sa scolarité tardivement parce qu'elle n'a pas eu la chance d'aller à l'école avant que sa famille ne rejoigne ce camp de réfugiés. « C'est pourquoi je veux absolument finir ma scolarité ».
Elle-même et sa meilleure amie, Wiilo Ibrahim, les deux meilleures élèves de la classe, ont parlé avec leurs parents afin qu'ils les laissent dans ce camp avec des amis et de la famille jusqu'à ce qu'elles soient diplômées en juin prochain, une situation très inhabituelle pour des jeunes filles somaliennes.
« Parce que je suis la plus jeune fille, mon père et ma mère voulaient que je reste à la maison » dit Amina, une jeune femme sûre d'elle et extravertie. « Ils ne voulaient pas que j'aille à l'école, mais je suis arrivée à les convaincre. »
L'UNHCR prépare actuellement la fermeture de tous les camps ouverts depuis 1990 pour prendre en charge les réfugiés somaliens dans l'est de l'Ethiopie.Tous seront fermés à l'exception d'un seul, les femmes et les filles somaliennes disent toutes qu'elles ont profité d'opportunités dans ces camps qu'elles n'auraient jamais eu chez elles dans leur société traditionnelle, dominée par les hommes.
« Les femmes et les filles somaliennes sont devenues très fortes ici », dit Amina. « C'était très bien pour moi d'être dans ce camp ».
La liberté d'éducation offerte dans les camps de réfugiés de l'UNHCR apparaît comme la première de leurs priorités. « Ici, c'est mieux, » dit une autre jeune fille réfugiée, âgée de 18 ans, Man Abdi Ali. « Nous avons fui depuis notre petit village dans le sud de la Somalie, où les filles ne vont pas à l'école. Ici, chaque fille peut aller à l'école. Là-bas, je n'aurais pu que travailler à la maison. »
L'amélioration de la condition de beaucoup de femmes réfugiées somaliennes ne vient pas seulement des politiques mises en place par l'UNHCR pour assurer la protection des femmes et des enfants réfugiés, mais aussi de leur fuite en exil, où les hommes nomades ne peuvent plus élever de troupeaux comme ils le faisaient traditionnellement.
« Seules les femmes travaillent dans les camps », dit Halima Ilmi, 38 ans, mère de 7 enfants, dont 6 sont nés dans le camp d'Aisha. « Nous avons des responsabilités supplémentaires, nous nous asseyons avec les hommes et participons aux décisions. Nous sommes heureuses à 100 % de cette situation. Cela a été un changement drastique pour les hommes car ils ont dû accepter notre nouveau rôle. Maintenant ils s'y sont accoutumés ».
Lorsque les comités ont été installés pour représenter les réfugiés et soulever leurs problèmes dans les discussions avec l'UNHCR et ses partenaires, l'Agence pour les réfugiés a insisté pour que les femmes soient représentées à égalité (une situation qui arrive dans beaucoup de sociétés traditionnelles en Afrique et ailleurs).
« Dans les camps dans l'est de l'Ethiopie, des Somaliens ont accepté l'égalité des femmes », dit Abdusemed Mohammed chargé de programmes à l'UNHCR.
« Il y a des années, si vous convoquiez une réunion d'hommes et de femmes, les hommes vous disaient : pourquoi les femmes devraient-elles venir ? Mais après des années et des années, ils ont accepté cette idée », dit Abdusemed.
Malgré tout, Mako Osman, 35 ans, mère de 5 enfants nés dans le camp, n'en est pas aussi sûre : « C'était bien ici », disait-elle à Aisha un soir avant de retourner au Somaliland, un état auto-déclaré indépendant dans le nord-ouest de la Somalie. « Nos droits étaient respectés. Ici il y avait beaucoup de choses qui obligeaient les hommes à nous respecter. Je ne pense pas que nos droits seront respectés de même, une fois rentrés chez nous. »
Elle est particulièrement inquiète pour ses deux plus jeunes filles. « Je pense que mes filles auront une meilleure vie que celle que j'ai eu, » dit Mako, qui n'a jamais eu la chance de recevoir la moindre éducation.
Assise à même le sol devant sa petite Tukul ( une hutte traditionnelle), elle est en train de laver les assiettes du dîner dans une petite bassine en métal tout en surveillant ses filles à côté d'elle, Nimo, 15 mois et Hamda, 4 ans. Son mari, comme beaucoup d'autres hommes somaliens, est allongé dans un état second après avoir passé l'après-midi à mâcher du Khat, une feuille narcotique.
Bien qu'il ne soutienne pas sa famille, son mari respecte ses droits, dit-elle. « Maintenant, oui. Demain ? Je ne sais pas. Puis la vraie vie commencera. »
Du départ imminent vers le Somaliland, elle dit, « je ne suis pas sûre de savoir exactement quelle vie nous allons avoir là-bas, mais je suis sûre d'une chose : pour les filles, la vie est meilleure dans un camp de réfugiés. »
Lorsque toute sa communauté a décidé de rentrer chez elle, elle dit qu'elle n'a pas eu le choix, malgré ses craintes pour ses filles. « Le problème est, vous ne pouvez pas vivre seule, quand tous les gens, tous vos parents, vos amis, toutes les personnes avec lesquelles vous êtes venues, toutes décident de rentrer à la maison. Vous ne pouvez pas vous lever et dire : je reste ici seule. »
Simone Wolken, la Représentante de l'UNHCR en Somalie, dit qu'il appartiendra aux rapatriés somaliens de conserver ces droits qu'ils ont acquis dans les camps de réfugiés : « ce sera avant tout aux femmes du Somaliland elles-mêmes de provoquer ce changement dans leur société ; personne ne pourra le faire pour elles. »
Elle encourage les femmes rapatriées « au lieu de se résigner à leur sort » à travailler contre les mutilations sexuelles subies par les femmes, contre la diffusion du VIH et du SIDA, et pour les droits des femmes et des enfants, « qui pourront les mener vers les changements espérés et aider leurs filles ».
Amina Aden Bileh, la dynamique chef du comité des femmes réfugiées dans le camp d'Aisha, est également optimiste sur la possibilité d'une vie meilleure au Somaliland contrairement à ce que les femmes craignent.
« Les femmes dans le camp maintenant ont le droit à la parole » dit Amina avec confiance. « Mais cela ne doit pas seulement se faire dans le camp de réfugiés. Le monde a changé depuis que nous sommes devenus des réfugiés. Les voix des femmes éduquées seront entendues. Elles ne reviendront pas à la situation d'avant. »
Par Kitty McKinsey, dans le camp d'Aisha